T258 – Les techniques de la surveillance

  • Les mesures de surveillance sont aujourd’hui reconnues comme des moyens d’investigation efficaces. Elles sont utilisées comme moyens de prévention, de répression ou de neutralisation, et sont susceptibles de satisfaire les exigences de fiabilité en tant que preuve.
  • En s’appuyant sur les dispositions légales du Code de procédure pénale, la doctrine divise en deux catégories les techniques de surveillance liées aux nouvelles technologies[1]. D’une part, la surveillance par poste et télécommunication intègre les écoutes téléphoniques, l’interceptions des SMS ou e-mail. D’autre part, les autres moyens de surveillance permettent de capter des images et/ou d’enregistrer du son: il s’agit notamment de la vidéosurveillance.
  • La présente partie traite de la surveillance des télécommunications (A.) entendue dans son sens large. Elle ne se restreint donc pas aux écoutes téléphoniques, mais à toute méthode permettant d’écouter, d’observer, d’enregistrer ou d’identifier un individu et pouvant servir dans l’administration des preuves[2]. La seconde partie analyse le cadre technique et juridique de la vidéosurveillance (B.).
[1] Albertini, p. 53; Hauser, Schweri, Hartmann, p. 357-358 et 367; Piquerez, Traité de procédure pénale suisse, p. 615 et 628; Sträuli, p. 95 et 112.

[2] Huyghe, Ecoutes téléphoniques, p. 3; Piquerez, Traité de procédure pénale suisse, p. 612; Polizeiliche Ermittlung-Rhyner, Stüssi, p. 438.

T257 – Chapitre 3: Les preuves fondées sur les techniques

  • Offrant des capacités significatives en justice criminelle, les nouvelles technologies se sont naturellement intégrées au travail des enquêteurs pour lutter contre la nouvelle criminalité, localiser les criminels, les identifier et collecter toutes les informations utiles à l’élucidation d’un acte criminel[1].
  • Les techniques existantes pouvant servir à la justice étant nombreuses et variées, nous avons choisi d’analyser celles qui sont utilisées le plus couramment et qui paraissent fournir une preuve a priori suffisamment accablante de la culpabilité du contrevenant ou de son innocence. Les interceptions des télécommunications et la surveillance visuelle sont les techniques dites de surveillance (I.) les plus notoirement connues. Elles sont considérées comme des modes d’investigation efficaces pour intercepter les criminels, le contenu de leurs communications et/ou leurs faits et gestes. A ces techniques de surveillance viennent s’ajouter celles de localisation (II.) – utilisation du système GPS ou de téléphonie mobile – qui sont usitées pour replacer dans l’espace et dans le temps le criminel sur les lieux de l’infraction. En outre, l’utilisation de l’informatique (III.) tant par la population que par les enquêteurs est un moyen adéquat pour servir la justice. Dans le premier des cas, les disques durs, historiques internet ou autres données informatiques regorgent d’informations pouvant être utilisées comme moyens probatoires. Dans le second cas, l’informatique aide à l’enquête en regroupant facilement les informations collectées sur l’affaire ou le suspect et en les comparant pour obtenir un résultat identificatoire ou pour établir le déroulement des événements.
  • De prime abord, la classification des techniques en diverses catégories – de surveillance, de localisation ou informatique – peut paraître arbitraire, puisque la surveillance des télécommunications, la localisation par GPS et la vidéosurveillance emploient également des systèmes informatisés. Il nous faut donc préciser que le découpage réalisé s’appuie sur la finalité ou le but premier de la technique et non pas sur les systèmes accessoires devant être employés.
  • Corrélativement aux développements concernant les sciences, la présente partie se compose de l’exposé des aspects techniques et juridiques de divers moyens technologiques dans le dessein d’énoncer les forces et les faiblesses de leur utilisation comme moyen de preuve.
[1] Blumstein, p. 2; Cornu, p. 238.

T254 – D. La synthèse des débats et conclusion

  • Indiscutablement, la génétique est un mode probatoire essentiel à la procédure pénale. Les bénéfices et l’apport de l’ADN en tant que moyen identificatoire n’est pas à remettre en question. Avec leur puissance d’identification et leur fiabilité, les analyses ADN participent à l’intégration des sciences dans la procédure pénale et à l’élucidation des infractions. En revanche, il est nécessaire de faire preuve de retenue lors de l’administration et l’appréciation de la preuve génétique.
  • La gestion systématique des liens ADN doit s’inscrire dans une approche globale de l’élucidation de l’infraction concernée, soit dans un faisceau de preuves. Ceci permet de considérer l’identification, plus précisément la présomption qui en faite, grâce au matériel biologique comme une étape élémentaire du renseignement criminel sans lui donner une portée plus large que ce qu’elle démontre.
  • En d’autres termes, l’intégration de la preuve ADN dans sa considération pure d’indice matériel évite que l’identification ne soit considérée comme une preuve de culpabilité ou d’innocence, dans la mesure où elle n’explique pas comment la trace s’est trouvée sur les lieux de l’infraction, mais uniquement quel est le rapport de vraisemblance que le suspect soit à la source du matériel biologique détecté.

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T252 – d. Les recommandations pour l’avenir

  • L’utilité de la gestion systématique des profils d’ADN de manière automatisée n’est plus à prouver. Si, aujourd’hui, la sphère privée est relativement bien protégée et assurée par la procédure mise en vigueur, l’avenir accompagné de l’évolution des sciences et des techniques peut apporter son lot d’inquiétudes, ce d’autant qu’il est toujours délicat de prévoir comment va évoluer une science et quelles découvertes vont être réalisées.
i. Le décryptage de la partie codante de l’ADN
  • Actuellement, l’ADN non-codant ne fournit aucune donnée personnelle ou sensible. Cependant, il n’est pas exclu qu’un jour ces segments puissent être décodés et révèlent une information sensible, mais utile à la procédure pénale[1]. D’ailleurs, une équipe de chercheurs italiens a démontré qu’un segment ADN lié à une maladie génétique rare était analysé par la France lors de profilage ADN, ce qui crée une atteinte potentiellement grave aux droits fondamentaux de l’individu[2]. Dans cette hypothèse, la Loi sur les profils d’ADN serait alors insuffisante pour prévenir toute atteinte grave au droit à l’autodétermination informationnelle.

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T248 – c. Le profilage ADN automatisé à la lumière de la liberté personnelle et de la sphère privée

  • Comme nous l’avons préalablement indiqué, le prélèvement, l’analyse et la comparaison des profils d’ADN peuvent porter atteinte aux droits fondamentaux[1]. Nous nous focaliserons dans la présente partie à la possible violation de la présomption d’innocence ainsi qu’à la mise en péril de la sphère privée et du droit à l’autodétermination informationnelle liées à l’intégration et la conservation des profils génétiques dans CODIS.
i. La présomption d’innocence
  • La première critique généralement formulée contre le système CODIS est la violation de la présomption d’innocence[2]. D’après ce principe, aucune mesure de contrainte ne peut être ordonnée sans qu’il existe des soupçons suffisants.
  • Ainsi, si un profil est conservé et qu’une recherche est effectuée à l’aide du fichier CODIS alors même qu’aucun soupçon n’existe, le comportement de l’autorité pénale viole la présomption d’innocence. En revanche, ce principe fondamental de la procédure pénale n’interdit pas qu’une source d’informations provenant d’affaires antérieures puisse servir pour en déduire des soupçons.
  • Par conséquent, l’utilisation notamment des fichiers de profil génétique lors d’enquête ne viole en aucun cas la présomption d’innocence. La critique formulée par certains scientifiques ou juristes doit donc être réfutée.

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T246 – b. Les risques liés à l’utilisation et à la croissance de CODIS

i. La négligence des autres éléments de l’enquête
  • Avec l’aisance que procure l’exploitation de CODIS, le danger de voir les enquêteurs attendre les résultats de l’analyse génétique avant d’entreprendre les démarches d’investigation, voire de limiter leurs efforts pour collecter des informations essentielles en cas de traces non-pertinentes, ne peuvent être écartés[1].
  • La base de données CODIS ne doit pas mettre en péril la tâche d’investigation et de récolte de preuves essentielles pour créer un faisceau de preuves – en cas de traces pertinentes – ou apporter une autre vision de l’affaire – découverte de traces non-pertinentes[2].
  • Dans la première situation, certes la récolte d’informations pourrait corroborer les résultats de l’analyse ADN, mais elle pourrait aussi contredire ou apporter d’autres hypothèses du déroulement des faits. C’est pourquoi un résultat identificatoire n’est pas suffisant pour juger l’affaire et les investigations doivent impérativement être réalisées. Rappelons, au surplus, que le facteur temps peut dégrader un certain nombre d’indices ou rendre difficile la poursuite d’un suspect, il n’est dès lors pas possible d’attendre le résultat d’analyse génétique pour mettre en marche toute la phase d’enquête.
  • Dans la seconde circonstance, l’utilisation des traces non-pertinentes constitue un autre risque qui s’accroît avec la mise en œuvre d’un système automatisé. En effet, la comparaison étant facilitée par l’informatique, bon nombre de traces sont comparées alors même qu’avec un peu de réflexion elles seraient écartées faute de pouvoir ou d’être liées à l’affaire.
  • Le gain de temps et la facilité d’identifier un individu sont deux arguments favorables pour l’utilisation de l’ADN comme moyen identificatoire par les services d’enquête. La découverte d’une trace étant pratiquement toujours possible, l’analyse subséquente l’est également. Cela ne signifie pas pour autant que l’individu à la source de cette trace ait un lien avec l’infraction constatée.
  • Ainsi, même si la base de données fournit un résultat positif, celui-ci n’est rien si les magistrats ne l’examinent pas avec un esprit critique. Il faut impérativement que les juristes comprennent que si l’identification est de plus en plus facilitée à mesure que le fichier automatisé s’agrandit et se perfectionne, elle n’en est pas moins incertaine.

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T243 – a. L’efficacité et les avantages du système automatisé CODIS

a. L’efficacité et les avantages du système automatisé CODIS
i. Un outil d’enquête et d’entraide à la poursuite pénale
  • Le processus de fichage débute par l’interpellation d’une personne, le prélèvement de son matériel génétique et l’analyse génétique subséquente[1]. Le profil d’ADN obtenu est intégré provisoirement à la base de données CODIS pour être confronté aux profils stockés et éventuellement à la trace indiciale d’origine inconnue. L’intégration de la fiche informatisée ne devient définitive qu’en cas de condamnation.
  • L’efficience du fichier CODIS est proportionnelle au nombre de fiches incorporées, plus le nombre de profils enregistrés est important plus les chances d’identification augmentent. La disponibilité des fiches d’ADN a pour conséquence un déplacement de l’analyse génétique en début d’enquête pour cibler un potentiel suspect[2]. Au début de l’utilisation du matériel génétique comme moyen identificatoire, le prélèvement et l’analyse de l’ADN n’avaient lieu qu’en fin d’enquête pour conforter les soupçons sur le suspect. Aujourd’hui, grâce au fichier informatisé qui facilite les comparaisons, le profil d’ADN est utilisé pour désigner un suspect de manière efficace et relativement fiable[3].
  • Au-delà de la facilité d’obtenir une information, la comparaison informatisée s’effectue en peu de temps permettant l’accélération des procédures.
  • La rapidité de comparaison et l’augmentation du nombre de profils stockés dans CODIS n’est pas sans influence sur l’économie du procès. Premièrement, le temps gagné à éviter des interrogatoires fastidieux lorsque l’individu nie tout lien avec la victime, le lieu de l’infraction ou un objet s’y référant permet au corps de police de se focaliser sur une autre affaire ou une autre tâche.
  • Deuxièmement, une seule analyse génétique peut servir à établir un lien entre plusieurs affaires – même séparées dans le temps ou dans l’espace – impliquant une dispense pour les enquêteurs d’investigations classiques[4]. Grâce à la base de données CODIS, il suffit qu’un malfaiteur soit arrêté et fasse l’objet d’un prélèvement pour réaliser qu’il est à la source d’une série de traces biologiques déjà découvertes. Dans ces circonstances, la fonction identificatrice de l’ADN est pleinement remplie et conforte les milieux policiers dans leurs démarches[5].
  • Enfin, la comparaison individu/individu permet de déceler les substitutions éventuelles d’identités.
  • Le taux d’élucidation de crimes ou délits, extensivement le nombre de poursuites et de condamnations, ont sensiblement augmenté grâce à CODIS[6]. En augmentant les chances d’identification des criminels et en assurant par là-même une meilleure sécurité publique, la base de données CODIS a également un effet dissuasif. Les possibilités accrues de hit grâce au nombre de fiches enregistrées s’accompagnent d’une crainte des auteurs d’actes délictuels de se voir systématiquement identifier entraînant une baisse de la commission des crimes et délits.

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T242 – 2. L’utilisation du système CODIS et ses limites

  • Le prélèvement, l’échantillonnage, l’établissement du profil sont des étapes clés, mais insuffisantes pour révéler l’importance de l’ADN dans le monde judiciaire. La comparaison des profils et la réalisation d’un hit sont l’essence même de ce moyen de contrainte, puisqu’elles permettent l’identification du profil génétique analysé, voire l’élucidation d’un crime (art. 255 al. 1 et 256 CPP) ou d’un délit (art. 255 al. 1 CPP).
  • Le pouvoir identificatoire de l’ADN a influé sur le travail de la police et du système judiciaire avec pour incidence la création d’une base de données des profils génétiques[1]. En l’absence d’un fichier automatisé comparatif, le profil génétique ne fournit pas l’entier de son pouvoir identificatoire. La mise en place du système CODIS a pallié ce manque.
  • L’informatique est un outil précieux d’entraide pour confronter une multitude de données et facilite la conservation ainsi que la consultation des fiches automatisées. En contrepartie, l’automatisation des données génétiques crée un risque d’atteinte à la vie privée, à la liberté personnelle et peut mener faussement à la conclusion d’une enquête, voire d’un procès. La présente partie tente de mettre en exergue les points positifs de la base de données CODIS, tout en pointant les désavantages à prendre en considération ou à surveiller.
[1] Ancel, p. 206; Coquoz, Comte, Hall, Hicks, Taroni, p. 421; Moustiers, p. 167.