T252 – d. Les recommandations pour l’avenir

  • L’utilité de la gestion systématique des profils d’ADN de manière automatisée n’est plus à prouver. Si, aujourd’hui, la sphère privée est relativement bien protégée et assurée par la procédure mise en vigueur, l’avenir accompagné de l’évolution des sciences et des techniques peut apporter son lot d’inquiétudes, ce d’autant qu’il est toujours délicat de prévoir comment va évoluer une science et quelles découvertes vont être réalisées.
i. Le décryptage de la partie codante de l’ADN
  • Actuellement, l’ADN non-codant ne fournit aucune donnée personnelle ou sensible. Cependant, il n’est pas exclu qu’un jour ces segments puissent être décodés et révèlent une information sensible, mais utile à la procédure pénale[1]. D’ailleurs, une équipe de chercheurs italiens a démontré qu’un segment ADN lié à une maladie génétique rare était analysé par la France lors de profilage ADN, ce qui crée une atteinte potentiellement grave aux droits fondamentaux de l’individu[2]. Dans cette hypothèse, la Loi sur les profils d’ADN serait alors insuffisante pour prévenir toute atteinte grave au droit à l’autodétermination informationnelle.

  • S’il est exact que le législateur ne peut pas prévoir tout ce qui se passera ou pourrait se passer dans un avenir plus ou moins proche, les juristes doivent toutefois réfléchir à certaines problématiques. En particulier, il est de leur devoir de trouver une solution législative adéquate en cas de déchiffrement de la partie codante, notamment en précisant la loi au regard de la gravité de l’atteinte.
  • Par exemple, à notre avis, en cas de déchiffrement de la partie non-codante ou si, comme il était initialement prévu dans le projet de loi[3], le législateur décide d’autoriser l’analyse des séquences codantes si cela est nécessaire pour élucider un crime, la restriction du droit d’accès à la banque de données et/ou le cercle de personnes à intégrer dans CODIS – par exemple, en autorisant l’accès et l’intégration de profils pour des crimes ou délits exhaustivement listés – est une solution viable pour respecter le principe de proportionnalité.
ii. L’intégration de profils d’ADN d’auteurs de contraventions
  • Nous l’avons dit[4], la base de données CODIS a été conçue pour identifier les sources des traces biologiques avec une augmentation des chances de réussite proportionnelle au nombre de profils d’ADN intégrés. Une autre évolution possible serait de ne pas limiter l’intégration des profils d’ADN aux simples auteurs de crimes ou délits pour lutter plus efficacement contre la criminalité.
  • L’intégration des auteurs d’infractions de moindre gravité peut se justifier par les études criminalistiques qui démontrent que les malfaiteurs de crimes ou délits avaient préalablement réalisé des infractions dites bagatelles[5]. Cependant, même s’il est démontré qu’un auteur d’infraction commise auparavant puisse réaliser les éléments objectifs et subjectifs d’un crime ou d’un délit important, cela n’est pas suffisant pour déroger aux impératifs légaux de la restriction des droits fondamentaux (art. 8 § 2 CEDH et art. 36 Cst).
  • Alors que l’adéquation de la mesure est démontrée par les études criminalistiques et que la nécessité ne pose pas de problème majeur – le recours aux analyses et comparaisons ADN se limite au cas où il est essentiel à la poursuite pénale –, la question de la proportionnalité de la mesure proposée est plus discutable. D’un côté, nous avons l’intérêt public à la lutte contre la criminalité dont l’efficience serait plus importante avec une base de données plus grande, et de l’autre l’autodétermination informationnelle et la sphère privée de l’auteur d’une infraction bagatelle.
  • En tant que donnée anonymisée, le profil d’ADN sans regroupement avec le fichier IPAS n’atteint que faiblement aux libertés personnelles. En revanche, le regroupement de ces données – qui ne se justifierait pas toujours – fournit des informations sensibles sur l’auteur d’une infraction bagatelle.
  • C’est pourquoi, s’il est décidé d’intégrer également les profils d’auteur de contravention, la restriction d’accès – en l’autorisant que pour élucider des infractions d’une certaine gravité – respecterait la proportionnalité. L’utilité de la banque de données CODIS ne serait pas réduite, pour autant que l’enregistrement en amont soit large, et l’utilisation abusive de l’IPAS en lien avec une fiche d’ADN pour élucider des infractions de faible importance serait évitée.
[1] Knoppers, Grimaud, Choquette, le Bris, p. 62; Pitteloud, p. 395; Rohmer, Forumpoenale, p. 347; Rohmer, Thèse, p. 352.

[2] ATF 129 I 232, 245-246 = SJ 2003 I 513, 526; Rohmer, forumpoenale, p. 347.

[3] Projet de loi fédérale sur l'utilisation de profils d'ADN dans le cadre d'une procédure pénale et sur l'identification des personnes inconnues ou disparues, FF 2001 19, 50.

[4] Supra Partie II, Chapitre 2, II, B, 1, b, ii, n° 886 ss; Supra Partie II, Chapitre 2, C, 2, a, n° 1033 ss.

[5] Girod, Margot, Ribaux, Walsh, p. 133; Killias, Haas, Taroni, Margot, p. 298-304; Schmid, Praxiskommentar, art. 255-259 N 4 ss.

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