T294 – b. Les problématiques liées à l’exploitation et à l’administration des informations issues de la surveillance des télécommunications

i. La surveillance incomplète
  • Le Tribunal fédéral a déclaré que le but principal de la surveillance des télécommunications à des fins pénales est de garantir la lutte efficace et sans lacune contre la criminalité[1]. En pratique, ni la LSCPT ni le respect des droits fondamentaux ne permettent une telle lutte.
  • En premier lieu, la liste exhaustive des infractions poursuivies pouvant faire l’objet d’une surveillance rend impossible la poursuite des infractions n’y figurant pas alors même que le comportement pénalement répréhensible est directement lié aux télécommunications[2]. Par exemple, l’accès indu à un système informatique (art. 143bis CP) ne peut pas faire l’objet d’une surveillance (art. 269 al. 2 let. a a contrario CPP) quand bien même la surveillance numérique est un moyen adéquat pour identifier l’auteur de l’accès indu.
  • En second lieu, en vertu de la LSCPT, seuls les fournisseurs de services de télécommunication ou d’accès à Internet doivent collaborer à la surveillance des télécommunications.
  • Or, si un suspect communique par le biais d’un ordinateur se trouvant dans un cybercafé ou emploie le réseau téléphonique ou internet d’une entreprise, la surveillance n’est alors qu’indirecte dans l’hypothèse où le trafic transite par un opérateur, ce qui a pour effet une possible perte de données et contenus des communications utiles pour élucider l’enquête.
  • De même, un auteur qui change régulièrement de numéro, de carte SIM, de téléphone, d’ordinateur, d’adresse IP, etc. peut difficilement être surveillé sans encombre et sans perte d’informations.
  • En troisième lieu, le contenu des conversations pour ce qui est de la surveillance en temps réel est éphémère. Une communication qui n’a pas été enregistrée ne peut être conservée. De même, un email qui n’est pas intercepté avant sa transmission au destinataire ne peut plus faire l’objet d’une surveillance[3]. Là encore, certaines données nécessaires à l’enquête peuvent être absentes du dossier de surveillance.
  • Ces constats nous amènent à deux conclusions.
  • Premièrement, la surveillance des télécommunications n’est pas efficace dans certains cas. En effet, lorsqu’une surveillance ne peut pas se faire – par exemple parce que l’auteur change trop souvent de numéro sans que l’autorité appréhende ce fait, n’a pas d’abonnement à son nom, etc. –, la méthode de surveillance n’est pas viable. Lorsque la surveillance ne peut se réaliser que partiellement – par exemple, parce qu’un seul numéro est surveillé –, il ne fait aucun doute que des données sont perdues alors même qu’elles peuvent être essentielles.
  • Deuxièmement, il n’est pas impossible ni rare que des informations manquent au dossier – par exemple, suite à un problème technique – rendant imprécises, voire lacunaires les communications interceptées.
  • Dans ces deux circonstances, le résultat de la surveillance est alors plus ou moins approximatif apportant des doutes, des incohérences ou des incompréhensions qui peuvent influencer la valeur probatoire de la preuve liée à la surveillance des télécommunications.

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