T269 – ii. Les conditions d’application

  1. a) Pour la surveillance des communications
  • Dans le cadre de la surveillance en temps réel du contenu des communications, l’art. 269 CPP prévoit quatre conditions cumulatives pour qu’une surveillance puisse être ordonnée.
  1. L’existence de graves soupçons
  • Afin de respecter la présomption d’innocence, l’autorisation de la surveillance dépend tout d’abord de la présence de graves soupçons pesant sur la personne dont le raccordement doit être surveillé suite à un comportement punissable et prévu dans la liste exhaustive des infractions (art. 197 al. 1 let. b CPP et 269 al. 1 let. a et al. 2 CPP). La notion de « graves soupçons » s’entend autant en lien avec une infraction consommée, tentée, de commission ou d’omission, intentionnelle ou par négligence[1].
  • Une prévention suffisante existe lorsque les soupçons ont atteint une certaine intensité comparativement au « fortement soupçonné » de l’art. 221 al. 1 CPP justifiant la mise en détention provisoire. En théorie, seule la gravité objective de l’infraction et la probabilité que le ou les auteurs utilisent un moyen de communication pour commettre le forfait sont les critères déterminants pour faire figurer une infraction dans la liste[2]. Quant à la notion de « graves soupçons » – simple rappel d’une des conditions de principe des mesures de contrainte (art. 197 al. 1 let. b CPP) –, elle se réfère à l’intensité des indices concrets que la personne concernée par la surveillance du raccordement a commis l’une des infractions autorisant la surveillance[3]. En somme, les charges reposant sur les faits, des déclarations de témoins ou d’autres sources doivent être vérifiables et donc objectivement fondées pour permettre la surveillance[4].
  • A noter que les exigences sont nettement moindres en ce qui concerne la surveillance dite rétroactive, étant donné que le contenu de la surveillance n’est pas connu et donc que l’atteinte aux droits fondamentaux est de moindre importance.
  • La nécessité d’avoir des soupçons importants permet de respecter tant le principe de proportionnalité que de prévisibilité. L’accomplissement de la première condition assure en outre une limitation suffisante contre les opérations de fishing expeditions et évite que le CPP puisse servir de base légale à une mesure de surveillance préventive qui sort du cadre de cette loi[5].

  1. La justification au regard de la gravité de l’infraction
  • La seconde condition (art. 197 al. 1 let. c et 269 al. 1 let. b CPP) de mise en œuvre de la surveillance répond à la nécessité de poursuivre un intérêt public prépondérant.
  • L’atteinte à la sphère privée et au respect de la correspondance étant grave, la proportionnalité de la mesure de contrainte ne doit faire aucun doute dans les circonstances du cas d’espèce. Ainsi, le ministère public doit mettre en balance la nature du bien juridique atteint par l’acte délictuel, la gravité de l’atteinte, le modus operandi, l’intensité délictueuse, les mobiles de l’auteur ou encore la finalité de son acte[6].
  • Au surplus, la mesure de surveillance doit être également adéquate[7]. Elle ne se justifie que si elle est propre à obtenir des résultats concrets que nulle autre mesure moins invasive ne peut atteindre[8].
  • Enfin, l’intérêt public doit l’emporter sur l’atteinte à la sphère privée et aux libertés personnelles touchées par la mesure de contrainte.
  1. La subsidiarité de la mesure
  • La mesure de surveillance des télécommunications est l’ultima ratio (art. 197 al. 1 let. d et 269 al. 1 let. c CPP).
  • Cependant, il n’est pas utile que l’autorité d’enquête utilise, préalablement à la mise en œuvre de la surveillance, une autre technique[9]. En effet, il suffit qu’il soit reconnu que, sans la surveillance, les recherches ne fourniraient aucune indication ou qu’elles seraient compliquées.
  1. Le catalogue limitatif des infractions susceptibles de justifier une surveillance
  • Alors qu’elle est édictée au deuxième alinéa de l’art. 269 CPP, la quatrième condition est en réalité la première condition examinée par le ministère public, ou tout du moins, elle l’est en parallèle de la condition de graves soupçons.
  • Le catalogue limitatif des infractions pouvant justifier la surveillance des télécommunications (art. 269 al. 2 CPP) est exhaustif[10]. Vraisemblablement, la gravité objective d’une infraction et la probabilité qu’un auteur utilise un moyen de télécommunication pour perpétrer son acte délictuel devrait fonder les critères pour qu’une infraction figure dans le catalogue de l’art. 269 al. 2 CPP.
  • Malgré les modifications apportées dans le CPP à la liste des infractions, la doctrine reste critique sur certaines incohérences dans le catalogue des infractions ou sur l’absence de certains actes délictuels[11].
  1. b) Pour l’obtention des données relatives au trafic et à la facturation et identification des usagers
  • Concernant la surveillance rétroactive et réelle des données dites accessoires (art. 273 CPP), la surveillance étant moins invasive, les conditions d’admissibilité de la mesure sont moins restrictives[12]. L’accès aux données peut en effet être ordonné en dehors de la commission des infractions listées à l’art. 269 al. 2 CPP.
  • Le ministère public peut demander que lui soient fournies les données lorsque des graves soupçons laissent présumer qu’un crime, un délit ou une contravention au sens de l’art. 179septies CP (art. 273 al. 1 CPP) a été commis. Le catalogue des infractions justifiant la mesure est donc plus large que pour la surveillance des communications. En revanche, la notion de « graves soupçons » est identique à ce qui prévaut pour l’art. 269 CPP.
  • Au surplus, corrélativement à la surveillance en temps réel du contenu de la communication, le ministère public doit vérifier que les conditions de 269 al. 1 let. b et c CPP sont remplies.
[1] CR-CPP-Bacher, Zufferey, art. 269 N 7; Hansjakob, BÜPF/VÜPF, art. 3 N 13 et 15; Jeanneret, Kühn, p. 310; Perrier, Vuille, p. 163.

[2] CR-CPP-Bacher, Zufferey, art. 269 N 8 et 22; Schmid, Praxiskommentar, art. 269 N 8-9; StPO-Hansjakob, art. 269 N 22 et 30.

[3] ATF 141 IV 459, 462; TF 1B_230/2013 du 26 juillet 2013, c. 5.1.1; Biedermann August, p. 83; Schmid, Praxiskommentar, art. 269 N 6.

[4] ATF 109 Ia 273, 287-288 = JdT 1985 I 616, 618; ATF 128 I 327, 341 = JdT 2003 I 309, 321; Hansjakob, BÜPF/VÜPF, art. 3 N 10; Jeanneret, Kühn, p. 311;.

[5] Message, CPP, p. 1235.

[6] Hansjakob, BÜPF/VÜPF, art. 3 N 18 ss; Sträuli, p. 128.

[7] ATF 141 IV 459, 461; CR-CPP-Bacher, Zufferey, art. 269 N 11 ss; Moreillon, Parein-Reymond, art. 269 N 7.

[8] BSK-StPO-Richard-dit-Bressel, art. 269, N 47; CR-CPP-Bacher, Zufferey, art. 269 N 16 et 18; Hansjakob, BÜPF/VÜPF, art. 3 N 25-26 et 34; Message, LSCPT, p. 3711; Moreillon, Parein-Reymond, art. 269 N 7.

[9] ATF 141 IV 459, 462; Jeanneret, Kühn, p. 311; Moreillon, Parein-Reymond, art. 269 N 8; Perrier, Vuille, p. 163; Schmid, Praxiskommentar, art. 269 N 11; Sträuli, p. 129;.

[10] TF 6S.488/2004 du 12 mai 2005, c. 1.1.

[11] A ce sujet voir: CR-CPP-Bacher, Zufferey, art. 269 N 24 ss; Jean-Richard-dit-Bressel, Mailbox, p. 67; Sträuli, p. 125.

[12] ATF 139 IV 98, 99 = JdT 2014 IV 3, 4; Jeanneret, Kühn, p. 312; Moreillon, Parein-Reymond, art. 273 N 2; Perrier Depeursinge, art. 269, p. 351.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *