T084 – B. Les constatations directes ou immédiates

  • Les constatations directes ou immédiates sont des preuves réelles ou purement matérielles, le juge acquiert personnellement et immédiatement la connaissance du fait ou d’une chose en lien avec l’affaire à juger.
  • Le Code de procédure pénale scinde les preuves déduites des choses en deux groupes distincts: les éléments pouvant être directement versés au dossier (1.) et les éléments qui, en raison de leur nature, ne peuvent être intégrés qu’indirectement au dossier d’enquête (2.)[1].

1. Les pièces à conviction

  • Les pièces à conviction (art. 192 CPP) font parties des preuves émanant souvent des choses mobilières ou des traces[2].
  • Les pièces à conviction regroupent divers moyens de preuves recueillis pouvant être directement versés au dossier ou faire l’objet d’une annexe[3]. Leur forme peut varier à l’infini: éléments propres au corps du délit (lettre comprenant une menace ou une atteinte à l’honneur, fausse monnaie ou faux document, etc.), objets se rapportant à la commission de l’infraction (arme du crime), objets relatifs à l’exécution d’un acte délictueux (argent blanchi, chose mobilière endommagée ou volée), voire tout objet sans rapport direct avec l’infraction, mais de nature à être utilisé au cours du procès pénal (objet personnel du suspect retrouvé sur les lieux d’une infraction), traces (cheveu, fibre textile, empreinte digitale ou plantaire, sang ou empreinte ADN), ou tout autre objet de preuve relevant particulièrement des écrits[4] ou d’enregistrements (titre, lettre, carnet d’adresses, contrat, listing d’ordinateurs, disquette ou autre support magnétique)[5].
  • Le Conseil fédéral considère les indices comme des pièces à conviction[6]. Sans nul doute, un indice ne nécessitant pas de connaissances spécifiques pour être interprété peut être considéré comme une preuve directe. Il en va différemment lorsque le recours à un spécialiste est inévitable pour le faire « parler ».
  • La preuve directe comprend tout élément qui permet à l’autorité répressive d’acquérir personnellement et immédiatement la connaissance d’un fait, dans l’hypothèse où un indice nécessite l’appel à un expert, cet élément probatoire est lié à une présomption de l’homme qui altère la qualité de preuve directe. C’est pourquoi nous sommes d’avis qu’il faut considérer ce type d’indice comme une preuve hybride[7].
  • Selon le principe de la libre appréciation des preuves, les pièces à conviction n’ont, juridiquement, pas une valeur probante supérieure aux autres moyens de preuves. Ainsi, tout objet ou trace original peut être versé au dossier. En outre, l’art. 192 al. 2 CPP prévoit que les titres ou autres documents peuvent être de simples copies ce qui peut influer sur leur valeur puisqu’ils ne sont pas authentifiés[8].
  • En pratique, les pièces à conviction par leur nature matérielle sont appréciées de la justice répressive qui leur porte un grand intérêt. En effet, contrairement aux êtres humains, un objet, une trace ou un écrit dépourvu de parole n’a pas la possibilité de mentir. Par sa nature, la pièce à conviction établit un fait scientifiquement et/ou objectivement. La manipulation de la preuve matérielle est, dans l’esprit d’une majorité de la population, moins évidente rendant les pièces à conviction plus crédibles, puisque plus fidèles à la réalité[9].

 

2. Les observations du lieu de l’infraction

  • A tous les stades de la procédure, le ministère public, le tribunal et, dans des certains cas, comme les accidents de la route, la police se rendent sur les lieux de l’infraction pour y faire les constatations nécessaires à la découverte de la vérité matérielle. Communément appelé le transport sur place, la preuve par l’inspection comprend au sens large la preuve matérielle et les constatations de visu.
  • En édictant l’art. 193 CPP, le législateur a voulu traiter la preuve par l’inspection dans son sens étroit, c’est-à-dire la preuve s’attachant aux objets importants en termes probatoires ne pouvant pas être versés directement au dossier en raison de leur nature[10].
  • Lors du transport sur place, l’autorité procède à toutes les opérations nécessaires à la manifestation de la vérité: visualisation des lieux, analyse de la situation, de la configuration, de la luminosité, etc.[11]. L’inspection permet d’effectuer personnellement – par ses propres sens – toutes les constatations utiles à l’élucidation des faits, notamment pour recueillir des preuves ou indices, visiter, décrire et reconstituer les événements, ainsi que perquisitionner, saisir, voire photographier les lieux et objets utiles[12]. Chacune des opérations effectuées fait l’objet d’un procès-verbal circonstancié ou éventuellement d’un enregistrement sonore, de plans, de dessins et des descriptions des éléments visualisés[13]. Le transport peut aussi concerner la victime – conclusion prise suite à l’analyse des blessures, (art. 252 CPP) ou enquête en cas de mort suspecte (art. 253 CPP) – soumise à un examen corporel ou à une autopsie ordonnée par le juge. L’inspection peut également revêtir la qualité d’une reconstitution ou d’une confrontation entre les diverses personnes impliquées dans la procédure[14].
  • Corrélativement aux pièces à conviction, l’observation des lieux de l’infraction n’a pas de valeur probante supérieure à une autre preuve. Toutefois, en tant que preuve directe ou matérielle, l’inspection est – d’après l’avis des magistrats – l’un des moyens de preuves et de renseignement fiable et véridique. La supériorité pratique découle du fait qu’en tant que preuve matérielle, elle est objective et le juge peut l’appréhender de façon immédiate, personnelle et sensorielle sans influence extérieure même inconsciente. Il s’agit d’une preuve d’évidence à l’instar des preuves sous la forme de pièces à conviction.

 

[1] CR-CPP-Poncet Carnicé, art. 192 N 4; Piquerez, Traité de procédure pénale suisse, p. 519; Schmid, Handbuch, p. 397.

[2] Jeanneret, Kühn, p. 251; Goldschmid, Maurer, Sollberger, Textausgabe-Sollberger, p. 182; Schmid, Praxiskommentar, art. 192-195 N 1-2;.

[3] ; Goldschmid, Maurer, Sollberger, Textausgabe-Sollberger, p. 182; Jeanneret, Kühn, p. 251; Kaufmann, p. 179.

[4] A ce sujet: Hauser, Schweri, Hartmann, p. 276 et 319; Perrier Depeursinge, art. 192, p. 240; Schmid, Handbuch, p. 398; Schmid, Praxiskommentar, art. 192 N 3.

[5] Kaufmann, p. 179-180; Schmid, Handbuch, p. 397; Schmid, Praxiskommentar, art. 192-195 N 1.

[6] Message, CPP, p. 1194.

[7] Infra Partie I, Chapitre 3, IV, C, 1, n° 364-366.

[8] Hauser, Schweri, Hartmann, p. 319; Schmid, Praxiskommentar, art. 192 N 4.

[9] Infra Partie II, Chapitre 2 et Chapitre 3, n° 610 ss, 906 ss, 1235 ss, 1563 ss, 1780 ss, 2095 ss et 2227 ss.

[10] Donatsch, Schwarzenegger, Wohlers, p. 169; Goldschmid, Maurer, Sollberger, Textausgabe-Sollberger, p. 183; Kaufmann, p. 180; Pieth, p. 185; Rapport explicatif relatif à l'avant-projet, p. 144; Schmid, Praxiskommentar, art. 192-195 N 3.

[11] Oberholzer, Strafprozessrechts, p. 303; Piquerez, Traité de procédure pénale suisse, p. 395; Schmid, Strafprozessrecht, p. 237.

[12] ATF 121 V 150, 153; Hauser, Schweri, Hartmann, p. 315; Schmid, Handbuch, p. 399.

[13] Goldschmid, Maurer, Sollberger, Textausgabe-Sollberger, p. 183.

[14] Hauser, Schweri, Hartmann, p. 18; Oberholzer, Strafprozessrechts, p. 304; Schmid, Handbuch, p. 399; Schmid, Praxiskommentar, art. 192-195 N 3.

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