T104 – II. L’expertise en procédure pénale A. La saisine de l’expert

  • En vertu de la législation fédérale, le juge est contraint de recourir à un spécialiste lorsqu’il y a un doute sur la responsabilité du prévenu (art. 20 CP), lorsque l’état mental du prévenu doit être déterminé (art. 56 al. 3 CP) ou encore lorsqu’il se justifie de fixer le taux d’alcoolémie d’un conducteur (art. 55 LCR et art. 142a et 142b OAC)[1]. Dans de telles circonstances, le droit pénal de fond détermine les modalités à respecter pour faire intervenir un expert (art. 56 al. 4 et 4bis, art. 64c 5 et 359 CP). Le recours systématique à un médecin spécialiste est également prévu en cas de mort suspecte (art. 253 CPP)[2].
  • Quand il s’agit d’analyser et d’interpréter une preuve matérielle ou d’expliciter un principe, le caractère obligatoire de l’expertise disparaît. En principe, l’expertise est ordonnée d’office par l’autorité pénale lorsque les conditions de l’art. 182 CPP sont remplies. Cependant, une partie à la procédure peut demander une expertise. Le ministère public ou le tribunal apprécie toutefois souverainement l’opportunité de désigner un expert selon que les circonstances exigent des connaissances techniques spécifiques (art. 182 CPP). Le magistrat peut donc refuser de nommer un expert sans violer les droits de la défense si l’expertise apparaît d’emblée comme inutile[3]. La large manœuvre de l’autorité pénale quant à la désignation d’un expert n’est pas sans risque dès lors qu’elle est seule à décider de la nécessité d’y recourir.
  • Mentionnons encore que dans le cadre de l’utilisation des nouvelles technologies, la désignation optionnelle n’est pas une possibilité anodine pour concrétiser la maxime d’office qui veut que les faits soient investigués[4].

[1] Jositsch, Strafprozessrechts, p. 109; Goldschmid, Maurer, Sollberger, Textausgabe-Sollberger, p. 174; Piquerez, Traité de procédure pénale suisse, p. 385-386; Schmid, Handbuch, p. 386; Schmid, Praxiskommentar, art. 182 N 3.

[2] Bobay, Ruder, p. 32.

[3] ATF 131 I 153, 157-158.

[4] CR-CPP-Vuille, art. 182 N 5; Hauser, Schweri, Hartmann, p. 308; StPO-Donatsch, art. 182 N 29.

T102 – 1 C. La portée de l’expertise

  • Historiquement, le juge a eu recours ponctuellement à des spécialistes lorsqu’une question était soulevée et n’entrait pas dans les limites de ses connaissances. Ainsi, les arpenteurs à Rome mesuraient les terres, les huissiers-priseurs estimaient les biens et les jardiniers de Constantinople évaluaient les légumes[1].
  • Dans le domaine pénal, l’usage de l’expertise s’est forgé une place lorsque la justice s’est tournée vers la science et la technique pour comprendre et interpréter les faits de l’affaire en cause. Le recours à l’expert est devenu de plus en plus fréquent dès le XIXe siècle[2]. Aujourd’hui plus qu’hier, les techniciens ou scientifiques jouent un rôle toujours plus éminent dans l’administration des preuves, la « phase sentimentale » de la preuve morale se transformant en « phase scientifique ». Plus la science se développe, plus les tribunaux recourent à des spécialistes pour être informés de manière adéquate sur les questions d’ordre scientifique ou technique[3].

Continuer la lecture de « T102 – 1 C. La portée de l’expertise »