T475 – B. Les bases de données – 1. L’avènement des systèmes d’information

« [Le développement de l’informatique] a suscité, en même temps que l’espérance d’une société mieux informée, plus prospère et plus libre, des appréhensions très sérieuses. […] l’informatique pouvant mettre à la disposition des personnes publiques et des entreprises privées, un assez grand nombre d’informations sur les particuliers […] »[1].

  • Cette citation reprise de l’écrit de Jean Frayssinet et Pierre Kayser fait référence aux bases de données créées par les autorités compétentes ou par des entreprises privées.
  • Le domaine de l’informatique offre de nouvelles perspectives rendant quasiment dépendantes les utilisateurs qui constatent une facilitation dans l’exercice de leurs tâches professionnelles et privées. La création de bases de données automatisées ne fait pas exception. Les entreprises, les personnes privées et l’administration recourent de plus en plus à cette méthode pour classer, rechercher, mettre à jour et transmettre les données, renseignements ou informations recueillies.
  • La présente partie vise à placer l’utilisation des bases de données dans la perspective de la recherche criminelle relative à l’identité du ou des auteurs, à la comparaison d’indices, voire à leur corrélation. Après une présentation générale des bases de données et leur usage en Suisse par les autorités pénales ou les acteurs de la justice (1.-2.), nous axerons notre analyse sur les conflits pouvant exister entre les droits de la personnalité et l’exploitation de bases de données (3.) ainsi que sur les risques inhérents à la technicité de ce domaine informatique (4.). Puis, nous conclurons par le potentiel futur des bases de données (5.)

1. L’avènement des systèmes d’information

a. Les remarques générales
  • Depuis de nombreuses années, la puissance des systèmes informatiques a considérablement progressé, les composants se sont miniaturisés et le coût du matériel informatique a chuté pour devenir accessibles à toutes les entreprises et aux particuliers. Les premiers disques durs en 1956 ont permis d’utiliser les ordinateurs pour collecter et stocker de grandes quantités d’informations. Avec le développement de la technicité des équipements utiles à la transmission et au traitement des informations, l’intégration, la gestion et la recherche automatisée des données sont devenues qualitativement et quantitativement plus performantes.

Continuer la lecture de « T475 – B. Les bases de données – 1. L’avènement des systèmes d’information »

T087 – C. Les constatations hybrides

  • Lorsque le juge aurait pu observer personnellement et déduire seul la force probante d’une preuve, mais, par manque de connaissances spécifiques ou par économie de procédure, un intermédiaire – expert ou rédacteur d’un procès-verbal – est appelé à participer à l’interprétation ou à la récolte des preuves, la preuve matérielle n’est plus directe. Ces preuves fournies en partie par les choses et en partie par les personnes se situent entre les constatations matérielles des faits et les constatations médiates.
  • Nous pouvons regrouper dans la catégorie des constatations hybrides les indices devant être interprétés (1.) et les procès-verbaux relatifs à la phase d’enquête ou d’instruction ainsi qu’à la recherche de preuve (2.).

Continuer la lecture de « T087 – C. Les constatations hybrides »

T084 – B. Les constatations directes ou immédiates

  • Les constatations directes ou immédiates sont des preuves réelles ou purement matérielles, le juge acquiert personnellement et immédiatement la connaissance du fait ou d’une chose en lien avec l’affaire à juger.
  • Le Code de procédure pénale scinde les preuves déduites des choses en deux groupes distincts: les éléments pouvant être directement versés au dossier (1.) et les éléments qui, en raison de leur nature, ne peuvent être intégrés qu’indirectement au dossier d’enquête (2.)[1].

Continuer la lecture de « T084 – B. Les constatations directes ou immédiates »

T079 – A. Les constatations indirectes ou médiates

  • Les preuves indirectes ou médiates sont celles qui nécessitent un raisonnement logique et un examen critique approfondi pour pouvoir être appréciées à leur juste valeur.
  • Trois catégories de personnes peuvent fournir des preuves indirectes ou médiates: le prévenu entendu lors de l’interrogatoire (1.), les témoins interrogés au cours d’une audition (2.) et les personnes appelées à donner des renseignements (3.).

Continuer la lecture de « T079 – A. Les constatations indirectes ou médiates »

T079 – IV. Les différents moyens de preuves

  • Théoriquement, il est impossible d’énumérer tous les moyens probatoires dès lors que la preuve pénale n’est pas soumise à un numerus clausus.
  • Cependant, environ sept catégories de preuves existent: l’audition du prévenu, les témoignages, l’audition des personnes appelées à donner des renseignements, les pièces à conviction, les observations faites sur les lieux de l’infraction, l’expertise qui peut être considérée comme une déclaration à titre de renseignement ou un indice, et les procès-verbaux. En outre, la doctrine classifie les preuves selon qu’elles sont indirectes, médiates ou par indices (A.), directes, matérielles ou immédiates (B.) ou hybrides (C.)[1].
[1] Piquerez, Traité de procédure pénale suisse, p. 345; Polizeiliche Ermittlung-Zuber, p. 220; Rassat, p. 359; Riedo, Fiolka, Niggli, p. 164; Ruckstuhl, Dittmann, Arnold, p. 149.

T077 – C. La libre appréciation, l’intime conviction et le doute

  • L’exigence de l’établissement des faits découlant de la présomption d’innocence (10 al. 1 CPP) et de l’adage in dubio pro reo (10 al. 3 CPP) entrent en contact direct avec l’appréciation des preuves (art. 10 al. 2 CPP, corollaire de la liberté des preuves consacrée à l’art. 139 al. 1 CPP)[1].

 

1. La libre appréciation des preuves

  • Dans le système des preuves morales ou système de l’intime conviction, la liberté de la preuve impose aux législateurs de ne pas fixer par avance la valeur probatoire d’un moyen de preuve. Le juge est libre d’apprécier chacune des preuves, il le fait selon sa conscience et ses croyances, sans s’en remettre à ses sentiments personnels, et n’est lié ni par le genre ni par le nombre des preuves[2].

Continuer la lecture de « T077 – C. La libre appréciation, l’intime conviction et le doute »

T071 – B. La liberté de la preuve et ses limites

1. Les principes

  • La liberté de la preuve (art. 139 al. 1 CPP) implique qu’il n’existe ni numerus clausus des moyens de preuves ni aucune hiérarchisation de la valeur probatoire. En outre, à moins que la loi en dispose autrement, tous les moyens probatoires pertinents sont exploitables.
  • En disposant l’applicabilité du système des preuves morales, le législateur désire laisser la porte ouverte à tout nouveau moyen de preuve pouvant potentiellement apparaître au gré des progrès scientifiques, de l’évolution des connaissances et de l’expérience[1]. Le juge et les parties peuvent donc administrer des moyens de preuves inédits, sous couvert de l’édiction d’une base légale – s’ils portent atteinte aux droits fondamentaux – et dans le strict respect du droit supérieur.
  • Cependant, le principe de la liberté de la preuve n’est pas absolu; il souffre de certaines limitations.
  • En premier lieu, afin de respecter le principe de l’égalité des armes, seules les preuves versées au dossier (art. 77 let. g CPP) ou librement débattues (art. 107 CPP) à l’audience peuvent motiver la décision du juge.
  • En deuxième lieu, le moyen de preuve doit avoir une certaine assise et être pertinent[2]. L’art. 139 al. 1 CPP précise que les preuves licites sont utilisables sous conditions de l’état des connaissances scientifiques et de l’expérience quant à leur valeur et à leur véracité. A ce titre, la pertinence légale exige qu’une preuve soit licite – certains moyens illicites peuvent toutefois être apportés comme éléments probatoires (art. 141 al. 2 et 3 CPP) – et la pertinence logique demande l’existence d’un rapport entre le fait prouvé et le fait que l’on cherche objectivement à établir.
  • Ainsi, toute preuve logiquement pertinente et ayant une valeur probante suffisante est admissible à moins qu’elle fasse l’objet d’une règle d’exclusion en vertu de la loi. Cependant, le juge, bénéficiant de la libre appréciation des preuves, peut écarter une preuve même si elle est pertinente et légalement admissible[3].

Continuer la lecture de « T071 – B. La liberté de la preuve et ses limites »

T069 – A. La charge de la preuve et la présomption d’innocence

  • La présomption d’innocence maxime fondamentale de tout procès équitable (art. 6 § 2 CEDH, art. 14 § 2 Pacte II, art. 32 al. 1 Cst et art. 11 § 1 DUDH) est prévue de manière détaillée en procédure pénale (art. 10 al. 1 à 3 CPP).
  • L’art. 10 al. 1 CPP consacre le principe de la présomption d’innocence comme base à tout procès pénal. A l’instar des réglementations internationales et constitutionnelles, il s’adresse à toutes les autorités – organes de police et de justice – et plus particulièrement au juge du fond. En outre, l’art. 10 al. 3 CPP prévoit de manière explicite l’applicabilité de l’adage in dubio pro reo obligeant le tribunal à prononcer l’acquittement si un doute subsiste[1].
  • Ainsi, l’innocence est présumée tant qu’aucune preuve n’établit d’un point de vue objectif la culpabilité pénale de l’accusé. A contrario, s’il existe un doute, la personne ne peut jamais être reconnue coupable. Le principe de la présomption d’innocence est par conséquent constitué de deux volets: le fardeau de la preuve et la non-culpabilité en cas doute. Stefan Trechsel[2] – notamment – et le Tribunal fédéral[3] déclarent qu’une règle supplémentaire est attachée à la présomption d’innocence, plus spécifiquement au principe in dubio pro reo. Il s’agit de l’appréciation des preuves.
  • Résultante des garanties d’un procès équitable et d’un tribunal indépendant et impartial[4], la présomption d’innocence implique que les faits objectifs soient établis en dispensant la personne suspectée ou poursuivie de démontrer son innocence[5]. L’accusé peut donc adopter une attitude passive impliquant le droit de se taire et de ne pas contribuer à sa propre incrimination[6]. Le fardeau de la preuve des faits et de la culpabilité incombe à la partie poursuivante – ministère public et/ou partie plaignante –, voire au juge répressif[7].
  • A la question de savoir quelle est la portée de la présomption d’innocence, l’objet de la preuve fournit la solution. A l’exception de l’accomplissement de la preuve de la vérité (par exemple: art. 173 ch. 2 CP), d’un motif justificatif, d’un motif d’absolution ou d’un motif diminuant la culpabilité, le fardeau de la persuasion repose sur le demandeur. Il importe alors peu que l’accusé soit au bénéfice ou non d’une défense[8]. La présomption d’innocence prévue à l’art. 10 al. 1 et 2 CPP déploie ses effets tant qu’une question de fait est non-établie ou lorsqu’elle est douteuse. Ce n’est qu’à la fin de l’administration des preuves que le juge doit peser, de manière objective, les preuves à charge et à décharge[9]. Un jugement de culpabilité ne pouvant être rendu qu’après obtention de la certitude et hors de tout doute raisonnable, si objectivement les éléments constitutifs de l’infraction ne sont pas ou pas assez liés aux faits, si l’intention ou la négligence n’est pas affirmée ou si la culpabilité n’est pas, ou insuffisamment, démontrée, le juge applique l’adage in dubio pro reo qui tend à protéger le citoyen contre les risques d’une condamnation sans motivation, donc arbitraire[10].
  • Ainsi, le juge répressif ne peut se prévaloir d’un fait défavorable à l’auteur si, objectivement, des doutes sérieux et insurmontables subsistent[11]. Toutefois, il n’est nullement nécessaire que l’administration des preuves aboutisse à une certitude absolue et sans faille.

 

 

[1] CR-CPP-Verniory, art. 10 N 47; Donatsch, Schwarzenegger, Wohlers, p. 58-60; Goldschmid, Maurer, Sollberger, Textausgabe-Maurer, p. 11; Jeanneret, Kühn, p. 74; Moreillon, Parein-Reymond, art. 10 N 15; Perrier Depeursinge, art. 10, p. 27 et 29; Preuve-Bohnet, Jeanneret, p. 72; Ruckstuhl, Dittmann, Arnold, p. 67; Schmid, Praxiskommentar, art. 10 N 1 et 10; StPO-Wohlers, art. 10 N 1 et 11-14.

[2] Trechsel, RSJ, p. 319.

[3] ATF 120 Ia 31, 36 = JdT 1996 IV 79 = SJ 1994 541, 543-544; ATF 137 IV 219, 227 = JdT 2012 IV 126, 133.

[4] ATF 124 I 327, 331; Moreillon, Parein-Reymond, art. 10 N 4.

[5] ATF 124 IV 86, 87-88 = JdT 1999 IV 136, 137-138; ATF 127 I 38, 40-41 = JdT 2004 IV 65, 67-68; ATF 138 V 74, 81-82; CR-CPP-Verniory, art. 10 N 16; Donatsch, Schwarzenegger, Wohlers, p. 59; Goldschmid, Maurer, Sollberger, Textausgabe-Maurer, p. 10; Jeanneret, Kühn, p. 72-73; StPO-Wohlers, art. 10 N 1 et 11-14.

[6] Eicker, Huber, p. 115; Piquerez, RJJ 1994, p. 288-289; Piquerez, RJJ 2004, p. 16-17; Ruckstuhl, Dittmann, Arnold, p. 69.

[7] Bouloc, p. 103; CR-CPP-Verniory, art. 10 N 45; Merle, Vitu, T. II, p. 181; Moreillon, Parein-Reymond, art. 10 N 8; Piquerez, Traité de procédure pénale suisse, p. 182-183 ; Preuve-Bohnet, Jeanneret, p. 67; StPO-Wohlers, art. 10 N 6.

[8] Viau, Preuve pénale, p. 105.

[9] ATF 120 Ia 31, 36-37 = JdT 1996 IV 79 = SJ 1994 541, 543-544; ATF 124 IV 86, 87-88 = JdT 1999 IV 136, 137-138; ATF 127 I 38, 40-41 = JdT 2004 IV 65, 67-68; ATF 137 IV 219, 227 = JdT 2012 IV 126, 133; ATF 138 V 74, 81-82; Message, Constitution, p. 188-189 ; Preuve-Bohnet, Jeanneret, p. 67.

[10] Corboz, p. 404; Perrier Depeursinge, art. 10, p. 28-29.

[11] Polizeiliche Ermittlung-Voser, p. 31; Schmid, Handbuch, p. 85-86; Schmid, Praxiskommentar, art. 10 N 6 et 24.

T069 – III. La théorie générale de la preuve

  • Lorsque nous analysons la théorie de la preuve trois questions se posent (art. 10, 139 à 141 CPP). L’application du principe de la présomption d’innocence et de son corollaire, le fardeau de la preuve, répondent à « Qui doit prouver? » (A.). L’exposé de la liberté de la preuve et de ses limites résout la question « Comment prouver? » (B.). Le principe de la libre appréciation des preuves et de l’intime conviction répondent à « Jusqu’où faut-il prouver? » (C.). Comme nous le verrons[1], les réponses aux trois questions ne sont pas indépendantes l’une de l’autre. La présomption d’innocence (art. 10 al. 1 et 3 CPP) est intimement liée au besoin d’atteindre l’intime conviction (art. 10 al. 3 CPP) qui lui-même nécessite l’administration des preuves (art. 139 à 141 CPP).

 

[1] Infra Partie II, Chapitre 3, III, A à C, n° 285 ss.

T068 – II. La recherche de la vérité matérielle

  • « Il n’est de justice que dans la vérité. » [Emile Zola]
  • Le point de départ de toute procédure pénale est la recherche de la vérité matérielle[1]. Ce principe est codifié à l’art. 6 al. 1 CPP. Il préconise que l’autorité pénale établisse les faits tels qu’ils se sont réellement déroulés ou, en tout cas, selon une vérité objective et complète qui paraît certaine[2]. Une simple vérité relative ou formelle est insuffisante, selon l’adage in dubio pro reo[3].
  • Afin de trouver la vérité matérielle, l’autorité pénale décisionnelle ne peut pas se satisfaire des déclarations des parties ou des preuves. En ce sens, la recherche de la preuve par les autorités étatiques est essentielle en procédure pénale. Elle trouve toute son essence dans les principes d’enquête, d’investigation ou d’instruction (art. 299 ss CPP) et dans le principe de vérité[4].
  • Ainsi, la recherche des preuves par les autorités pénales (art. 6 al. 1 CPP) est confiée à divers organes judiciaires. Toutes les autorités pénales – la police judiciaire et le ministère public durant la procédure préliminaire, les autorités de jugement durant la phase des débats – doivent rechercher d’office les éléments pertinents à charge ou à décharge du prévenu[5]. Pour accomplir leur tâche, les autorités bénéficient de moyens coercitifs – perquisition, saisie, mesure de surveillance, etc. – qui leur permettent de rassembler et d’exploiter des preuves[6].

 

[1] CR-CPP-Roth, art. 6 N 5; Moreillon, Parein-Reymond, art. 6 N 1; Riedo, Fiolka, Niggli, p. 166; Schmid, Praxiskommentar, art. 6 N 1; StPO-Wohlers, art. 6 N 1.

[2] Goldschmid, Maurer, Sollberger, Textausgabe-Maurer, p. 6; Moreillon, Parein-Reymond, art. 6 N 3; Riedo, Fiolka, Niggli, p. 166; Ruckstuhl, Volker, Arnold, p. 47; Schmid, Handbuch, p. 56.

[3] Infra Partie I, Chapitre 3, III, A, n° 285-290; Infra Partie I, Chapitre 3, III, C, 2, n° 317-319.

[4] Jositsch, Strafprozessrechts, p. 87; Ruckstuhl, Dittmann, Arnold, p. 47; Schmid, Praxiskommentar, art. 139-141 N 1-2.

[5] CR-CPP-Roth, art. 6 N 6; Moreillon, p. 143; Preuve-Bohnet, Jeanneret, p. 67; Schmid, Handbuch, p. 56.

[6] Perrier, Vuille, p. 17; Piquerez, Traité de procédure pénale suisse, p. 173; Polizeiliche Ermittlung-Voser, p. 25.