T067 – I. L’objet de la preuve

  • Pour que le juge puisse statuer sur la culpabilité ou l’innocence d’un accusé, il est nécessaire d’établir qu’une infraction pénale a été commise par l’accusé. La preuve a pour but d’élucider et de démontrer les faits constitutifs – objectifs et subjectifs – d’une infraction et/ou d’identifier l’auteur[1].
  • Ainsi, dans le cadre des débats, la partie poursuivante – composée du ministère public (art. 104 al. 1 let. c CPP) et de la partie plaignante (art. 104 al. 1 let. b cum 118 al. 1 CPP) – doit apporter la preuve de l’existence des deux éléments qui constituent l’infraction: l’élément matériel soit la démonstration des faits constitutifs d’un action ou d’une omission pénalement répréhensible, l’accomplissement d’éventuelles circonstances aggravantes réelles et l’identification de l’auteur; et l’élément moral qui concerne l’intentionnalité de l’accusé, la double intentionnalité en cas de participation accessoire ou la violation du devoir de prudence en cas d’infraction par négligence[2].
  • Dans le cadre de l’administration de la preuve, la distinction entre le fait juridique et le droit est essentielle[3]. La preuve de l’élément légal, soit l’existence d’une base légale répressive, n’est pas à la charge de l’accusation[4]. Conformément à l’adage du droit romain « jura novit curia« , le juge connaît le droit qu’il doit interpréter et appliquer lorsqu’il est démontré qu’un auteur a adopté un comportement pénalement répréhensible (art. 1er CP), étant précisé que la tâche du juge relativement à l’objet de la preuve s’arrête à la démonstration de la typicité de l’acte délictueux. Il incombe à la partie poursuivante de démontrer que l’action pénale n’est pas prescrite et à la défense de rendre vraisemblable qu’un élément justificatif ou d’exemption de peine peut être apporté[5].
  • Relevons encore que, dans un but d’économie dans la procédure, tous les faits ne sont pas à établir. Les faits non pertinents, évidents ou notoires, connus de l’autorité pénale ou suffisamment prouvés ne sont pas soumis à l’administration de la preuve (art. 139 al. 2 CPP)[6]. La restriction dans l’administration des preuves intervenant avant que le juge ne puisse se prononcer sur l’affaire, elle doit s’analyser avec prudence et dans le cas concret[7].
[1] Donatsch, Schwarzenegger, Wohlers, p. 115-116; Pieth, p. 161; Pitteloud, p. 223; Riedo, Fiolka, Niggli, p. 163; Schmid, Handbuch, p. 311.

[2] Bouloc, p. 108-110; Piquerez, Traité de procédure pénale suisse, p. 331.

[3] Kaufmann, p. 5-6.

[4] Bouloc, p. p. 108-110; Moreillon, Parein-Reymond, art. 6 N 5; Piquerez, Traité de procédure pénale suisse, p. 331 ; Preuve-Bohnet, Jeanneret, p. 67.

[5] Piquerez, Traité de procédure pénale suisse, p. 183.

[6] A ce sujet: Jositsch, Strafprozessrechts, p. 88; Kaufmann, p. 13-14 et 18; Moreillon, Parein-Reymond, art. 139 N 9; Preuve-Bohnet, Jeanneret, p. 68; Riedo, Fiolka, Niggli, p. 165; Schmid, Handbuch, p. 311-312.

[7] Message, CPP, p. 1161; Riedo, Fiolka, Niggli, p. 165; Schmid, Handbuch, p. 311.

T067 – Chapitre 3: La preuve – présentation générale

  • La procédure pénale préliminaire, s’étendant de l’enquête à l’instruction, est dominée par la recherche probatoire, la détermination objective et subjective des faits, l’appréciation des preuves et le constat du ministère public qui ordonne le classement (art. 319 ss CPP) ou engage l’accusation (art. 324 ss CPP). Au cours du procès, la preuve est centrale pour la recherche de la vérité matérielle.
  • Les moyens de preuves à disposition des autorités pénales étant variés, des dispositions légales propres à chacun sont édictées. Néanmoins, des principes généraux existent: quels éléments doit-on prouver? (I.), que doit-on rechercher? (II.), à qui revient le fardeau de la preuve? (III. A.), quels moyens de preuves peuvent être administrés? (III. B et IV.), jusqu’où faut-il prouver? (III. C.)

T052 – Le droit fédéral – Cst – CPP – LPD – LSCPT – LSIP

A. Le droit fédéral

1. La Constitution fédérale – Cst

a. Sa place dans l’ordre juridique
  • La Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 représente le sommet de la hiérarchie des normes internes. En réunissant, l’ensemble des règles juridiques importantes, elle est considérée à juste titre comme norme suprême[1].
  • La Constitution organise les tâches étatiques et légitime l’ordre juridique en limitant le pouvoir de l’Etat national, en déterminant les principes de base – notamment – des procédures judiciaires, en interdisant la violation de certaines garanties nécessaires à tout Etat de droit et en proscrivant l’arbitraire[2].
  • Par sa légitimation, la Constitution fédérale du 18 avril 1999 constitue une source primordiale et impérative en droit procédural. Promulguant les principes essentiels de procédure judiciaire devant être respectés, les législateurs fédéral et cantonal édictent le droit procédural en concrétisant le droit constitutionnel (art. 36 al. 1 et 2 Cst).

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T046 – Les instruments régionaux de protection des droits de l’homme

1. La Convention européenne des droits de l’homme – CEDH

a. Sa place dans l’ordre juridique
  • Au niveau universel, les Pactes des Nations Unies prirent du temps – trente années se sont écoulées entre la mise en vigueur de la Charte des droits de l’homme et ses compléments, Pactes I et II – à être élaborés. Face à cette paralysie, la nécessité de mettre en place un système régional de protection apparaît dans l’esprit des gouvernements européens. La Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales – usuellement appelée la Convention européenne des droits de l’homme et abrégée CEDH – est conclue le 4 novembre 1950 à Rome[1]. En sa qualité de traité multilatéral, elle est contraignante pour les Etats parties.
  • En Suisse, la CEDH entre en vigueur le 28 novembre 1974 avec la ratification du texte par le Conseil fédéral. En tant que traité, la CEDH est au sommet de la hiérarchie des normes[2].
  • Les articles 2 à 18 de la CEDH étant directement applicables – « self-executing« [3] –, ils confèrent aux particuliers, sans mesure d’exécution interne, des droits et des obligations pouvant – en cas de violation – être portés devant les instances judiciaires, comme le prévoit la Constitution fédérale à son art. 189 al. 1 let. b[4].
  • Relevons encore que la Constitution fédérale suisse reprend les garanties fondamentales établies par la CEDH[5]. A ce sujet, la doctrine et la jurisprudence relèvent qu’en vertu de l’art. 53 CEDH, les particuliers peuvent se prévaloir des garanties qui leur confèrent la meilleure protection. Le Tribunal fédéral peine à appliquer la CEDH en déclarant que les droits garantis par la Convention ne sont pas plus étendus que les normes constitutionnelles, dès lors que les juges interprètent abstraitement les articles constitutionnels en y incluant les apports conventionnels. Néanmoins, la pratique des tribunaux fédéraux tend à rééquilibrer la balance en admettant que le champ d’application des normes conventionnelles est plus large que les garanties constitutionnelles[6].

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T039 – I. Le droit international – DUDH

A. Les instruments universels de protection des droits de l’homme

1. La Déclaration universelle des droits de l’homme – DUDH

a. Sa place dans l’ordre juridique
  • Pour combattre les violations des règles élémentaires de la civilisation par les trois principales nations de l’Axe – l’Allemagne nazie, l’Italie fasciste et l’Empire du Japon –, les Alliés ont sollicité le rétablissement d’un ordre dans lequel les peuples et les individus vivront libres, en paix et jouiront des droits inhérents à leur qualité sans ingérence[1]. Pour ce faire, ils proposent une nouvelle organisation internationale – les Nations Unies – qui adopte en 1945 une Charte définissant les buts et principes de l’organisation et réaffirme la « foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine« [2].
  • Pour mettre en œuvre cette Charte, les organes des Nations Unies adoptent notamment la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) qui est approuvée à l’unanimité le 10 décembre 1948 par l’Assemblée générale des Nations Unies[3].
  • La DUDH est le premier instrument universel reconnaissant les droits de l’homme[4]. Bien que dépourvue de force contraignante pour les Etats, la DUDH n’en reste pas moins un outil précieux qui est à l’origine de divers accords internationaux – notamment de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et du Pacte international sur les droits civils et politiques – et de diverses lois nationales consacrées à la protection des droits humains[5].

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T039 – Chapitre 2: Le siège de la matière

  • Le droit de la preuve trouve ses fondements à presque tous les niveaux de l’ordre juridique suisse. Afin de poser les bases juridiques de ce droit, spécifiquement des moyens de preuves scientifiques ou techniques, nous passons en revue le droit international (I.), le droit fédéral (II. A.) et, succinctement, le droit cantonal (II. B.) pertinents en mentionnant l’importance de ces actes, leurs droits et/ou garanties consacrés concernant la preuve pénale et leurs champs d’application.

T036 – d. Les technologies de l’information au service de la police et de la justice

  • Les technologies informatiques comme l’ordinateur, l’Internet et le courrier électronique se sont largement diffusés et sont devenus des commodités quasiment nécessaires, ce qui n’a pas échappé aux institutions policières et judiciaires.
  • En outre, accompagnant l’émergence de l’informatique et l’Internet, de nouvelles criminalités ont vu le jour telles que le trafic d’images pornographiques enfantines via le Peer-to-Peer ou au travers de groupes fermés. Pour lutter contre ces nouvelles criminalités, la police recours aux technologies informatiques, notamment en surveillant les adresses IP[1].
  • Historiquement, le combat contre la criminalité informatique est récent, mais aucune date précise n’est fournie quant au premier traçage IP effectué. En Suisse, l’opération Genesis de 2002 menée pour lutter contre les sites internet relevant de la pornographie enfantine est la première opération d’ampleur nationale[2]. Six mois après le début de l’opération Genesis, le service de coordination de la lutte contre la criminalité sur Internet – SCOCI – voit le jour[3]. Dorénavant, en sus des brigades de criminalité informatique cantonales – autorisées par la loi[4] –, le service fédéral recherche quotidiennement le contenu illicite sur Internet et identifie les suspects à l’aide de l’adresse IP.
  • Les criminels ont également vite cerné l’avantage des communications par messageries électroniques. Connaissant la possibilité d’écoutes téléphoniques, les conversations écoutées deviennent de moins en moins intéressantes. Les délinquants utilisant fréquemment les emails pour communiquer, il est devenu rapidement nécessaire de surveiller ce mode de communication.

Ainsi, pour lutter contre la criminalité, prouver un fait ou identifier les auteurs d’une infraction, les autorités policières et judiciaires ont su tirer les avantages des technologies informatiques.

[1] Informations disponibles sur le site internet du SCOCI: http://www.kobik.ch [consulté le 08.05.2016].

[2] Proposition du groupe de travail, p. 1.

[3] Proposition du groupe de travail, p. 4.

[4] Infra Partie II, Chapitre 3, III, A, 5, a, i, n° 2118 ss; Infra Partie II, Chapitre 3, IV, B, n° 2205.

T031 – 6. Les moyens informatiques

  • Le monde moderne emploie souvent le terme ordinateur comme synonyme du mot informatique. Il est erroné de restreindre l’informatique à des équipements électroniques de traitements automatiques de données. Originellement, l’informatique se définit comme la science du traitement rationnel. En d’autres termes, toutes les méthodes techniques facilitant le calcul ou le traitement d’informations s’intègrent à cette notion.
  • Contrairement à l’ordinateur né il y a à peine septante ans, l’informatique comprise dans son sens large date de plusieurs milliers d’années. L’homme a de tout temps créé des outils pour l’aider à calculer en limitant les erreurs et en économisant du temps.

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T029 – 5. Le Global Positioning System

a. La naissance du GPS et son utilisation
  • En 1957, l’impulsion nécessaire à la recherche et à la création du GPS est donnée. Suite au lancement du satellite russe Spoutnik, les scientifiques découvrent qu’à l’aide du signal radio émis par le satellite il est possible de suivre ses déplacements[1].
  • Une idée naît dans l’esprit des scientifiques et grandit: utiliser sur terre le système GPS pour déterminer la position d’un individu ou d’un lieu. Issu d’un projet de recherche de l’U.S Navy, le premier système GPS nommé TRANSIT est créé en 1960[2]. Treize ans plus tard, le système NAVSTAR – Navigation Satellite Timing And Ranging – déployé par le Pentagone prend le relais[3]. Ces dispositifs sont exclusivement réservés à l’usage militaire.
  • D’ailleurs, pour éviter l’utilisation des satellites par des civils, les quatre Bloc de satellite GPS des systèmes TRANSIT et NAVSTAR étaient munis de la fonction Selective Availability[4]. Ce système d’accès limitait la précision à une centaine de mètres pour tout utilisateur tiers de l’U.S Navy. Le 2 mai 2000, le Président américain Bill Clinton confirme l’intérêt du GPS à des fins civiles et demande la désactivation de la fonction Selective Availability[5]. La diffusion des signaux GPS n’étant plus restreinte, une précision inférieure à 20 mètres est possible sans correction de signal. En outre, les satellites de dernière génération – Bloc IIR – sont dotés de la fonction AUTONAV grâce à laquelle le satellite reste opérationnel lorsque le contact avec le récepteur GPS est rompu[6].
  • Actuellement, les systèmes de positionnement par satellites – opérationnels ou en cours de mise en place – sont au nombre de trois: le GPS (système américain d’origine militaire), le GLONASS (système soviétique repris partiellement par la Russie) et GALILEO (système européen). Ces systèmes s’appuient tous sur la triangulation tridimensionnelle afin de donner la position géographique des récepteurs[7].
  • Techniquement, les systèmes sont constitués d’une constellation de satellites qui gravitent autour de la terre sur plusieurs plans orbitaux – six pour le GPS et trois pour GALILEO – et émettent des signaux continus.
  • La localisation précise et la disponibilité des signaux vingt-quatre heures sur vingt-quatre indépendamment des conditions météorologiques ont pour conséquence la démocratisation de la technologie GPS dès le milieu de l’année 2000.
  • Les perfectionnements du système GPS ne sont actuellement qu’à leurs débuts. Les fonctions, la précision du signal et la durée de vie des satellites devraient subir des améliorations conséquentes permettant de faire perdurer le GPS au moins jusqu’en 2030.

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