T142 – B. Les notions juridiques

  • Lorsque les autorités soupçonnent qu’une infraction a été commise (art. 197 et 260 al. 1 CPP), elles peuvent prélever des traces ou des données signalétiques dans le but d’établir les faits de l’acte délictuel et d’identifier l’auteur[1].
  • Pour encadrer le travail de l’autorité judiciaire et de la police ainsi que pour respecter les prérogatives liées à l’administration des preuves et à la restriction des droits fondamentaux, la Suisse a légiféré sur les mesures d’investigation, notamment sur la prise d’empreintes papillaires, l’analyse des données, la transmission et la conservation des informations.

1. Le cadre légal

a. L’atteinte aux droits fondamentaux du prélèvement et de l’analyse des données signalétiques
  • La liberté personnelle est une liberté centrale qui protège la personne humaine tant en ce qui concerne sa liberté de mouvement que dans toutes les manifestations élémentaires de la personnalité humaine, soit dans son intégrité psychique et physique[2]. Le droit à l’intégrité physique protège spécifiquement les individus contre les interventions étatiques sur le corps des personnes[3].
  • Dans sa jurisprudence constante[4], le Tribunal fédéral reconnaît que le relevé des données personnelles par la police, notamment des empreintes digitales, constitue une atteinte à la liberté personnelle, plus particulièrement à la sphère intime de l’individu, et au droit de la personnalité protégé par la Constitution. Le prélèvement des données signalétiques n’étant pas invasif, cette mesure ne constitue toutefois qu’une atteinte légère[5]. En revanche, l’utilisation et le stockage des données signalétiques peut, notamment par la durée de la conservation ou l’emploi des données[6], causer une atteinte de plus forte importance – allant de légère à grave – à la liberté personnelle et au droit à l’autodétermination informationnelle protégés par la Constitution fédérale (art. 8 § 2 CEDH, art. 17 § 1 Pacte II et art. 10 et 13 Cst).
  • Partant du constat qu’il existe une atteinte en cas de prélèvement, d’analyse et d’enregistrement des données personnelles, la personne concernée par la prise d’empreintes papillaires peut se prévaloir des droits constitutionnels et des droits de la personnalité[7].
  • Par conséquent, lorsque l’autorité pénale est désireuse d’employer l’identification grâce aux empreintes papillaires, la mesure doit reposer sur une base légale, être justifiée et proportionnée. Relevons ici que l’atteinte étant de peu de gravité, le prélèvement et le processus d’identification des empreintes digitales, palmaires et plantaires peut se fonder sur une loi formelle ou une loi au sens matériel[8].
b. Les dispositions suisses sur les données signalétiques
  • En tant que mesure de contrainte, soit un acte procédural portant atteinte aux droits fondamentaux (art. 196 CPP), le prélèvement et le traitement subséquent des empreintes doivent respecter les conditions de restriction des droits fondamentaux (art. 36 Cst) et celles – générales – de la prise d’une mesure de contrainte (art. 197 CPP).
  • Jusqu’en janvier 2011, la prise d’empreintes digitales, extensivement palmaires ou plantaires, était légitimée par les dispositions légales cantonales sur la police et/ou, dans de rares cantons, de procédure pénale. Avec l’entrée en vigueur du Code de procédure pénale unifié, le prélèvement et l’analyse des données signalétiques sont régis par ledit Code (art. 260-261 CPP). Comme auparavant avec les normes cantonales, l’Ordonnance du 6 décembre 2013 sur le traitement des données signalétiques biométriques (AFIS-O) complète la législation en matière de prélèvement et de saisie des données signalétiques[9].
  • Les dispositions légales édictées traitent toutes des données signalétiques. Par ces termes, le législateur entend « toutes caractéristiques extérieures d’un être humain pouvant être mesurées ou constatées« [10]. Les empreintes digitales, palmaires et plantaires pouvant être constatées ou prélevées par le biais de révélateurs optiques, chimiques, physiques ou physico-chimiques, ainsi que mesurées et caractérisées à l’aide des pores et minuties présents dans le dessin dermatoglyphe, il s’agit bien de données signalétiques et les articles concernant ces données trouvent à s’appliquer.
i. La saisie des empreintes papillaires
  1. a) Le champ d’application matériel et personnel
  • Une trace papillaire retrouvée sur une scène de crime n’a de possible valeur identificatoire que si elle peut être comparée avec des empreintes papillaires, et, mieux, encore des empreintes dont l’identité du propriétaire est connue.
  • La saisie des données signalétiques est réglementée à l’art. 260 CPP. Par « saisie« , il faut comprendre le processus strict du prélèvement de données, dès lors que l’utilisation et le stockage sont réglementés à l’art. 261 CPP.
  • Contrairement aux art. 255 al. 1, 269 al. 1 et 2, 281 al. 4 et 282 al. 1 let. a CPP, les art. 260 et 261 CPP sont muets sur les conditions matérielles de saisie des données signalétiques et s’agissant des personnes à propos desquelles un tel prélèvement peut intervenir. Il faut, par conséquent, se référer à la disposition générale de l’art. 197 CPP et à la volonté du législateur. S’agissant d’une mesure non-invasive, la saisie d’empreinte papillaire ou de toutes autres données signalétiques n’est pas limitée à l’existence de soupçons de perpétration d’un crime ou d’un délit, mais s’étend aux contraventions, le critère déterminant étant la gravité de l’infraction justifiant la saisie des données (art. 197 al 1 let. d CPP). Lorsque les autorités pénales soupçonnent qu’une infraction a été perpétrée et si la saisie des données signalétiques respecte la subsidiarité[11] et est justifiée au regard de la gravité de l’infraction, elles sont autorisées, notamment, à prélever les empreintes digitales d’un individu.
  • Le Conseil fédéral indique que la saisie des données signalétiques peut être entreprise sur le prévenu et sur des individus qui ne sont ni soupçonnés, ni prévenus d’une infraction, notamment pour écarter les traces indiciales laissées par les occupants légitimes sur les lieux de l’infraction ou par de simples témoins[12].
  • Si ni l’art. 260, ni l’art. 261 CPP ne limitent le champ d’application personnel de la saisie des données signalétiques, et si le législateur ouvre l’exploitation de cette mesure de contrainte contre des personnes ni prévenues ni soupçonnées, il ne faut cependant pas perdre de vue l’art. 197 al. 1 let. b CPP. Cette disposition instaure qu’une mesure coercitive ne peut pas être appliquée sans soupçons suffisants et solides sur l’existence de faits délictuels et sur l’implication du suspect dans la commission de l’infraction[13], condition faisant défaut si la personne n’est pas suspectée ou prévenue. Pour pallier ce déficit, la prise d’empreintes n’est acceptable qu’en respectant rigoureusement le principe de proportionnalité (art. 197 al. 2 CPP) et ce en considérant la gravité de l’infraction, ainsi que la difficulté d’établir les faits par d’autres méthodes[14].
  • Ainsi, la présence de soupçons sur l’implication de la personne concernée par la prise d’empreintes digitales est préférable, mais non nécessaire. Néanmoins, dans le dessein d’exclure les opérations de fishing[15], les soupçons d’action doivent obligatoirement exister. Dans ce cadre, le prélèvement permettant de disculper, inculper ou cibler les traces inconnues remplit indirectement la condition de soupçons et permet l’établissement des faits.
  1. b) La compétence pour ordonner la saisie
  • Autre conséquence de la qualification d’atteinte légère aux droits fondamentaux, la saisie des empreintes papillaires est de la compétence des tribunaux, du ministère public et également de la police (art. 260 al. 2 CPP et explicitement prévu à l’art. 206 al. 1 CPP pour la police). Généralement, l’ordre est donné sous la forme d’un mandat écrit brièvement motivé, mais, en cas d’urgence, la saisie est ordonnée oralement puis confirmée et motivée par écrit (art. 260 al. 3 CPP).
  • Le processus d’identification étant relativement long, l’attente liée à l’établissement d’un mandat écrit n’influe que peu sur la durée du traitement lophoscopique[16], ce qui restreint les cas d’urgence.
  1. c) Le refus et les voies de recours
  • La personne concernée par le relevé anthropométrique doit toujours se soumettre à l’adjonction. En cas de refus relatif à la saisie de données signalétiques décidée par la police[17], le ministère public a le pouvoir d’ordonner le prélèvement (art. 260 al. 4 CPP), décision soumise au recours (art. 393 al. 1 let. a CPP) à l’instar de la saisie ordonnée directement par le procureur, étant précisé que la personne concernée ne doit pas obligatoirement être informée de la possibilité de refuser le prélèvement[18].
  • Lorsque la direction de la procédure ordonne la saisie, il semble que le recours ne soit pas ouvert (art. 393 al. 1 let. b in fine CPP)[19]. Le législateur a, par cette disposition, voulu éviter l’interruption des débats[20]. La problématique est qu’en cas d’urgence une mesure de contrainte peut être ordonnée par la direction de la procédure en première instance, auquel cas la voie du recours n’est pas ouverte contre une telle décision[21].
  • Ce dernier constat est choquant, car même si l’appel est ouvert contre cette décision intermédiaire en même temps que la décision finale, il ne reste pas moins qu’il existe une divergence notable entre la situation d’un individu qui se voit prélever ses empreintes en urgence durant la procédure de première instance et celui dont la saisie de données signalétiques est ordonnée par le ministère public ou la police. En outre, nous comprenons difficilement pourquoi il faudrait attendre le jugement final pour attaquer la décision sur la saisie des données signalétiques qui n’est pas de nature à influencer le jugement au fond[22]. C’est pourquoi, comme le relèvent André Kuhn et Camille Perrier[23], il est préférable de considérer une mesure de contrainte prise en urgence à une décision du tribunal afin d’éviter que le magistrat ne puisse soustraire sa décision à la voie du recours.
ii. L’enregistrement dans AFIS
  • Si la saisie des empreintes papillaires n’atteint que légèrement aux droits fondamentaux de la personne concernée par la mesure coercitive, l’utilisation et la conservation de ces données signalétiques peuvent avoir des conséquences plus lourdes.
  • L’intérêt de l’Etat à compléter la base de données AFIS pour qu’elle soit la plus exhaustive et efficace possible s’oppose à l’intérêt de chaque individu à son droit à l’autodétermination informationnelle (art. 13 al. 2 Cst).
  • L’art. 261 CPP règlemente notamment l’utilisation des données signalétiques qui ne se trouvent pas dans le dossier de procédure (art. 100 a contrario CPP). Cet article est complété par l’ordonnance sur le traitement des données signalétiques.
  1. a) Le traitement des empreintes digitales et palmaires
  • L’exploitation des données signalétiques débute par le traitement de la donnée – dans notre hypothèse de travail de l’empreinte digitales ou palmaire – dans le système automatisé AFIS géré par la Fedpol (art. 1 al. 1 AFIS-O). L’intégration d’une empreinte papillaire permet d’exploiter de manière centralisée la donnée afin d’identifier un individu ou d’établir un lien entre plusieurs infractions (art. 1 al. 2 et 3 let. a AFIS-O).
  • Diverses autorités listées à l’art. 4 AFIS-O, dont notamment la police judiciaire fédérale et les services d’identification compétents des autorités de police cantonales, peuvent demander au service AFIS ADN d’effectuer une comparaison des empreintes digitales, des empreintes palmaires et des traces relevées sur une scène de crime.
  • Une fois la saisie des empreintes effectuée, celles-ci sont intégrées au fichier AFIS qui comprend quatre catégories de données: les empreintes des deux doigts, les empreintes des dix doigts, les empreintes palmaires et les traces relevées (art. 7 al. 1 AFIS-O). Complétées avec des informations sur le dessin papillaire, les données saisies sont mises en mémoire dans AFIS.
  • Outre les informations sur les lieux du délit, aucune autre information personnelle n’est détenue dans AFIS. En effet, chaque empreinte enregistrée contient un numéro de contrôle du processus qui n’est relié au fichier IPAS[24], AUPER[25] ou avec le RCE[26] que si une concordance a été retenue par les experts. Ce n’est d’ailleurs que dans cette dernière hypothèse que le service AFIS-ADN transmet les données personnelles – nom, prénom, date de naissance, etc. (art. 16 al. 1 AFIS-O) – à l’autorité ayant demandé la comparaison.
  1. b) L’utilisation des données enregistrées dans AFIS
  • La saisie de l’empreinte papillaire est bien entendu utile dans le cadre d’une procédure pendante durant laquelle la mesure de contrainte a été ordonnée. En outre, une donnée signalétique peut être utilisée en dehors du dossier de procédure lorsque des soupçons suffisants laissent présumer une récidive (art. 261 al. 1 CPP).
  • L’intérêt de l’Etat est de pouvoir disposer de certaines données quand une récidive s’avère probable afin d’assurer la sécurité publique et une bonne administration de la justice. Il peut donc s’avérer nécessaire d’utiliser hors dossier de procédure des empreintes papillaires préalablement enregistrées afin d’identifier un individu ou de lier les scènes de crime entre elles.
  • Les empreintes étant utilisées en dehors du but ayant déterminé leur saisie, la notion de « soupçons suffisants » doit être interprétée de manière restrictive[27]. Employée trop largement, une atteinte importante aux droits fondamentaux de l’individu concerné serait causée.
  • Par conséquent, lorsqu’une empreinte ou toute autre donnée signalétique est employée hors dossier de la procédure, il est impératif de respecter le principe de proportionnalité de façon stricte. Il est nécessaire que les soupçons de récidive ne soient pas seulement « suffisants« , mais qu’ils soient avérés et élevés, voire que la gravité de l’infraction soit prise en considération.
iii. La conservation et la destruction d’une fiche signalétique dans AFIS
  • La jurisprudence concordante du Tribunal fédéral et de la Cour européenne des droits de l’homme reconnaît que les données stockées dans un système informatisé, tel que le fichier AFIS, ne peuvent l’être ad vitam aeternam[28].
  • Une pesée des intérêts doit être effectuée entre l’intérêt de l’Etat à disposer d’archives pour effectuer des recoupements futurs et l’intérêt des individus à obtenir l’effacement de leurs données personnelles.
  1. a) La conservation des données signalétiques au sens de l’art. 261 CPP
  • L’art. 261 CPP règlemente selon les circonstances la durée de conservation des données signalétiques, extensivement des empreintes digitales.
  • Lorsque la personne concernée par la saisie des empreintes digitales ou palmaires est le prévenu et qu’il a été condamné ou acquitté pour cause d’irresponsabilité, ses données lophoscopiques sont conservées jusqu’à l’expiration des délais impartis pour la radiation des inscriptions au casier judiciaire (art. 369 CP cum 261 al. 1 let. a CPP).
  • En cas d’acquittement, de classement de procédure (art. 320 al. 4 CPP prévoit expressément qu’un classement équivaut à un acquittement) ou d’ordonnance de non-entrée en matière[29], les données sont radiées immédiatement à l’entrée en force du jugement (art. 261 al. 1 let. b CPP). Cependant, si les données lophoscopiques peuvent – avec une certaine probabilité – être utilisées pour identifier l’auteur d’infractions futures, elles sont conservées et utilisables pendant dix ans à compter de l’entrée en force de la décision.
  • Quant aux empreintes d’une personne qui n’a pas la qualité de prévenu, ses données automatisées sont détruites immédiatement après la clôture de la procédure contre le prévenu (art. 261 al. 3 CPP).
  • Les données devenues inutiles, comme moyen de preuve ou parce que l’accusé est décédé (art. 17 al. 1 AFIS-O) sont détruites immédiatement (art. 261 al. 4 CPP). L’intérêt public nécessaire à la restriction des droits fondamentaux n’étant plus donné, la conservation violerait illicitement la sphère privée des individus (art. 8 al. 2 CEDH, art. 17 § 1 Pacte II et 13 al. 2 Cst).
  1. b) La conservation des données selon l’Ordonnance réglementant l’AFIS
  • En comparant l’Ordonnance réglementant l’AFIS, soit l’ordonnance sur le traitement des données signalétiques biométriques (Ordonnance sur les données signalétiques), avec le Code de procédure pénale, des précisions mais aussi des divergences apparaissent relativement aux durées de conservation.
  • Les empreintes digitales des personnes ne pouvant pas être l’auteur du délit ou les traces s’avérant être attribuables à une personne ne pouvant pas être l’auteur de l’infraction (art. 17 al. 1 let. a AFIS-O) doivent être effacées immédiatement. Lorsque ni demande, ni décès n’intervient, l’effacement a lieu au plus tard trente ans après le traitement signalétique (art. 17 al. 3 let. a AFIS-O). A noter que le suspect s’avérant ne pas être l’auteur de l’infraction considérée ne peut pas demander lui-même l’effacement de ses données (art. 22 a contrario AFIS-O).
  • En fin de compte, l’art. 17 AFIS-O complète et précise les cas où l’intérêt public fait défaut et donc que la destruction des données s’impose. Ainsi, l’applicabilité de cette disposition n’est pas remise en cause par l’édiction de l’art. 261 al. 4 CPP.
  • L’application de l’art. 17 AFIS-O relatif à la destruction des empreintes papillaires dans le secteur policier est plus problématique depuis la mise en vigueur du Code de procédure pénale fédéral.
  • L’effacement des données est immédiat en cas d’acquittement ayant force de droit (art. 17 al. 1 let. c AFIS-O), sauf si la décision est rendue pour cause d’irresponsabilité de l’auteur (art. 17 al. 2 AFIS-O); lorsque la peine prononcée est assortie du sursis, les empreintes sont supprimées cinq ans après la fin du délai d’épreuve (art. 17 al. 1 let. e AFIS-O); la durée de cinq ans est également instaurée pour l’effacement après le paiement d’une peine pécuniaire ou l’exécution d’un travail d’intérêt général (art. 17 al. 1 let. f AFIS-O); finalement, le service AFIS ADN efface les empreintes digitales ou palmaires vingt ans après la libération suite à une peine privative de liberté, d’un internement, ou après l’exécution d’une mesure thérapeutique (art. 17 al. 4 AFIS-O). De surcroît, l’autorité compétente peut refuser la destruction des données, si une enquête en cours existe ou s’il est à craindre que l’auteur récidive (art. 19 AFIS-O).
  • Même s’il est exact que les art. 17 al. 2 AFIS-O et 261 al. 2 CPP présentent de fortes similitudes pouvant coexister, tel n’est pas le cas des art. 17 al. 1 AFIS-O et 369 CP via 261 al. 1 let. a CPP.
  • Les durées de conservation du casier judiciaire diffèrent sensiblement de celles prévues dans l’ordonnance du 6 décembre 2013. La conservation durant vingt années n’est possible que pour les peines privatives de liberté d’au moins cinq ans (369 al. 1 let. a CP), elle n’est que de quinze ans pour les peines privatives de liberté de un à moins de cinq ans, et de dix ans pour celles de moins d’un an. Lorsqu’une peine privative de liberté avec sursis, une peine pécuniaire, un travail d’intérêt général ou une amende est prononcé, les données sont conservées durant dix ans (art. 369 al. 3 CP), et pas seulement cinq (art. 17 al. 1 let. e et f AFIS-O). Si une mesure thérapeutique ou un internement est décidé, l’effacement intervient après quinze ans (art. 369 al. 4 let. a CP).
  • Au vu des divergences importantes et inconciliables entre les dispositions de AFIS-O et celle du Code de procédure pénale qui renvoie au Code pénal, la question se pose de savoir quelles sont les durées applicables à l’élimination des fiches décadactylaires ou monodactylaires de la base de données AFIS. A ce sujet, les dispositions du CPP et le message du Conseil fédéral sont silencieux, aucune modification ou abrogation de l’art. 16 aAFIS-O n’est mentionnée, remplacé par l’art. 17 AFIS-O, et les auteurs des commentaires sur le Code de procédure pénale éludent la problématique de la coexistence de la base légale de l’ordonnance et de l’art. 261 al. 1 let. a CPP[30]. Seule la Chancellerie fédérale répond à ce sujet que, de manière générale, lorsqu’une situation comme celle-ci existe « il paraît évidant qu’à la prochaine modification de loi une abrogation ou modification sera effectuée« [31], si tant est qu’il n’y ait pas d’oubli, ce qui nuit, dans l’intervalle, à la sécurité juridique. D’ailleurs, force est de constater que l’entrée en vigueur de AFIS-O n’a pas réglé toutes les divergences qui existaient du temps de l’ancienne AFIS-O.
  • Plus problématique est le fait que même si le Code de procédure pénale prévaut quant à sa supériorité hiérarchique et à sa pertinence, l’Ordonnance sur les données signalétiques est postérieure si bien qu’on ignore quelles dispositions prédominent.
  • Cela étant, il paraît par ailleurs inexact de prétendre que les art. 17 ss AFIS-O seraient une lex specialis par rapport à l’art. 261 CPP, puisque ce dernier affirme clairement réglementer non pas la radiation des casiers judiciaires, mais bien celle des données signalétiques. De plus, le renvoi à l’art. 369 CP a l’avantage de régler l’effacement des données de manière plus précise, tant en ce qui concerne les empreintes d’une personne condamnée à une peine privative de liberté – une différenciation étant faite en vertu de la durée de la peine –, que celle découlant de la prise d’empreintes d’une personne sanctionnée par un traitement ambulatoire ou une autre mesure des art. 66 à 67b
  • En conséquence, à notre avis, les art. 17 ss AFIS-O perdent de leur essence et il est nécessaire d’appliquer le dispositif légal en vigueur selon le Code de procédure pénale. En revanche, l’ordonnance dans son entier ne doit pas être considérée comme désuète. Bien au contraire, elle encadre la procédure de traitement et de communication des résultats et précise certains points où le CPP reste muet.
  1. c) La destruction des données signalétiques
  • Dans les cas visés par l’art. 261 al. 1 à 3 CPP et à l’échéance des délais, les données doivent être détruites. Cette obligation prévaut également pour la radiation des données signalétiques au sens de l’Ordonnance AFIS. Au surplus, pour respecter au mieux les délais de conservation et éviter une atteinte non justifiée aux droits fondamentaux des personnes concernées, il serait préférable d’instaurer une destruction automatique des données plutôt qu’un effacement sur demande.
  • Quant aux données prévues par l’art. 261 al. 4 CPP, elles sont effacées d’office[32] et nonobstant l’écoulement d’un délai puisque c’est leur nature même de données inutiles qui fonde la radiation.
[1] Message, CPP, p. 1225; Taroni, Thèse, p. 13.

[2] Auer, Hottelier, Malinverni, Vol. II, p. 143-144; Grabenwarter, Pabel, p. 230; Grisel A., p. 550 ss; Harris, O'Boyle, Warbrick, p. 366-368; Müller, Schefer, p. 57 ss.

[3] Auer, Hottelier, Malinverni, Vol. II, p. 149; Grabenwarter, Pabel, p. 230; Harris, O'Boyle, Warbrick, p. 361 et 366-367; Rainer, p. 692.

[4] ATF 107 Ia 138 = JdT 1982 IV 147; ATF 109 Ia 146, 155; ATF 113 Ia 257, 263; ATF 120 Ia 147, 149 = JdT 1996 IV 61; ATF 128 II 259, 268; ATF 136 I 101 = JdT 2010 I 367; ATF 138 I 256, 258 = JdT 2012 I 102.

[5] ATF 107 Ia 138, 145 = JdT 1982 IV 147, 151; ATF 128 II 259, 270; ATF 134 III 241, 247 = JdT 2009 I 411; CPP-Commentario-Bernasconi, art. 260 N 11; Schmid, Praxiskommentar, art. 260 N 9.

[6] ATF 113 Ia 257, 263-264; ATF 128 II 259, 270 = JdT 2003 I 411.

[7] ATF 104 Ia 35, 39-40 = JdT 1979 IV 150, 154-155; ATF 107 Ia 138, 145 = JdT 1982 IV 147, 151; ATF 113 Ia 257, 263; ATF 120 Ia 147, 149 = JdT 1996 IV 61; ATF 128 II 259, 268; ATF 136 I 101 = JdT 2010 I 367; ATF 138 I 256, 258 = JdT 2012 I 102.

[8] Auer, Hottelier, Malinverni, Vol. II, p. 185; Grisel E., p. 29-30; Müller, Schefer, p. 170-171.

[9] Ordonnance fédérale du 21 novembre 2001 sur le traitement des données signalétiques biométriques (AFIS-O), RS 361.3.

[10] BSK-StPO-Werlen, art. 260-262 N 3-4; Message, CPP, p. 1225; Polizeiliche Ermittlung-Albertini, Scossa-Baggi, p. 397; StPO-Hansjakob, art. 260 N 1.

[11] ATF 109 Ia 146, 155.

[12] CPP-Commentario-Bernasconi, art. 260 N 6-7; CR-CPP-Rohmer, art. 260 N 13-14; Eicker, Huber, p. 175; Jositsch, Strafprozessrechts, p. 138-139; Message, CPP, p. 1225; Moreillon, Parein-Reymond, art. 260 N 10; Riklin, Strafprozessordnung, art. 260 N 5; Schmid, Handbuch, p. 477.

[13] ATF 116 Ia 143, 146 = JdT 1992 IV 120,121; ATF 134 II 318, 327; ATF 136 IV 82, 85; ATF 137 IV 122, 126; TF 1B_322/2013 du 20 décembre 2013, c. 3.1; TF 1B_487/2012 du 18 février 2013, c. 3.5; Pieth, p. 118 ; StPO-Hug, Scheidegger, art. 197 N 5-6.

[14] Moreillon, Parein-Reymond, art. 250 N 10; Polizeiliche Ermittlung-Albertini, Scossa-baggi, p. 401; Rapport explicatif relatif à l'avant-projet, p. 193; Schmid, Handbuch, p. 477; Schmid, Praxiskommentar, art. 260 N 6.

[15] ATF 129 II 462, 467-468 = JdT 2005 IV 29, 33-34; ATF 134 II 318, 327; ATF 136 IV 82, 85; Pieth, p. 119.

[16] BSK-StPO-Werlen, art. 260 N 4-5; Mullis, p. 312; StPO-Hansjakob, art. 260 N 10.

[17] Message, CPP, p. 1225.

[18] Schmid, Praxiskommentar, art. 260 N 13; StPO-Hansjakob, art. 260 N 13.

[19] CR-CPP-Rémy, art. 393 N 11; Schmid, Praxiskommentar, art. 393 N 9; StPO-Keller, art. 393 N 15, 21 et 27.

[20] Message, CPP, p. 1296.

[21] Schmid, Praxiskommentar, art. 65 N 1; StPO-Brüschweiler, art. 65 N 1; StPO-Keller, art. 393 N 27-28.

[22] Message, CPP, p. 1296.

[23] Kuhn, Perrier, N 18.

[24] L'IPAS est le fichier de gestion et d'indexation de dossiers et de personnes géré par la Fedpol. Infra Partie II, Chapitre 3, III, B, 2, c, n° 2218 ss.

[25] L'AUPER est le système d'enregistrement automatisé des personnes.

[26] Le RCE est le registre central des étrangers.

[27] CR-CPP-Rohmer, art. 261 N 9; StPO-Hansjakob, art. 261 N 8.

[28] ATF 109 Ia 146, 155-157; ATF 120 Ia 147, 151 = JdT 1996 IV 61, 61; CourEDH, Affaire S. et Marper c. Royaume-Uni, arrêt du 4 décembre 2008, 30562/04 et 30566/04, § 119-125

[29] ATF 109 Ia 146, 157; ATF 113 Ia 257, 263; De 29 à l'unité, p. 194; Hauser, Schweri, Hartmann, p. 373.

[30] A ce sujet: Goldschmid, Maurer, Sollberger, Textausgabe-Lips-Amsler, p. 246; Jositsch, Strafprozessrechts, p. 139; Perrier, Vuille, p. 155; Polizeiliche Ermittlung-Albertini, Scossa-baggi, p. 405; Schmid, Praxiskommentar, art. 261 N 1 ss; StPO-Hansjakob, art. 261 N 1 et 12.

[31] Information obtenue par le Centre des publications officielles du Secteur Conseil fédéral de la Chancellerie fédérale.

[32] StPO-Hansjakob, art. 261 N 12.

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