T026 – 4. La vidéosurveillance

« In general you could not assume that you were much safer in the country than in London. There were no telescreens, of course, but there was always the danger of concealed microphones by which your voice might be picked up and recognized […]” (George Orwell)[1]

  • Soixante ans après la publication du livre « 1984« , l’imagination de George Orwell avec les télécrans – système de surveillance et de télévision qui diffusent en permanence les messages du Parti et surveillent simultanément les citoyens de Londres – devient réalité. Dans son livre, les télécrans sont l’égal des caméras de surveillance actuelles permettant à la « police de la Pensée » d’entendre et de voir ce qui se passe dans les lieux surveillés.

a. De la photo à la vidéo
  • De la simple photo, l’évolution des techniques mène à une série de photographies permettant de reconstituer un ensemble de mouvements, c’est la naissance du kinétographe ou kinétoscope. Puis, les pellicules de film se développant, les Frères Lumière font la première projection cinématographique le 28 septembre 1895[2].
  • De 1922 jusqu’en 1970, les perfectionnements se font sur les pellicules et la miniaturisation du matériel apportant deux innovations: l’enregistrement de l’image et du son, et la fabrication de la première caméra portative[3].
  • A partir de ces innovations, les recherches techniques vont s’axer exclusivement sur la qualité des images et sur leur traitement[4]. Enfin, les années 80 sont marquées par l’instauration des réseaux informatiques permettant le transport des images sur une courte distance. Puis, grâce à l’apparition de la fibre optique et l’utilisation des réseaux hertziens, la distance de la transmission vidéo n’est plus limitée.
  • L’arrivée du numérique a révolutionné la surveillance par caméras. Avec l’émergence de l’informatique et son intégration dans la vidéosurveillance, « l’architecture récente » comporte de nouvelles fonctionnalités utiles aux autorités: occultations électroniques, détections de mouvements ou d’agressions, transmissions par réseau téléphonique, enregistrements numérisés sur des disques durs, reconnaissances de caractères ou faciales, etc. Aujourd’hui, les progrès sont ciblés sur la qualité de l’image, les possibilités de zoom, la capacité des disques durs pour l’enregistrement des vidéos et la vitesse de transmission des images capturées.
  • Relevons encore que ces dernières années, l’économie nippone est en effervescence avec la production d’appareils électroniques miniaturisés valant entre 345 CHF et 2305 CHF[5]. Ainsi, la surveillance est à portée de tous et plus spécifiquement des particuliers.

 

b. L’émergence de la vidéosurveillance
  • L’image a longtemps alimenté la preuve pénale. D’abord fixe sous forme de photographie, elle devient animée et, aujourd’hui, numérisée.
  • Suite à la reconnaissance de l’objectivité des images, les gouvernements se sont interrogés sur la nécessité d’installer des caméras de surveillance dans les lieux publics comme moyen sécuritaire et probatoire.
  • Depuis 1970, la vidéosurveillance dans sa fonction d’entraide à l’activité judiciaire et à la prévention des crimes est employée sur territoire anglais pour prévenir le terrorisme. Les résultats positifs de cette technologie sur ce territoire sont annoncés une dizaine d’années plus tard. L’utilité de la surveillance visuelle est alors reconnue. La France installe donc à son tour des systèmes de surveillance[6].
  • Poussée par un courant sociologique et politique, la vidéosurveillance se développe partout dans le monde durant les années 90 à 2000.
  • En réponse à l’augmentation de la délinquance, la Grande-Bretagne poursuit une politique de grande ampleur sur la vidéosurveillance. Aujourd’hui, le nombre exact de caméras sur le territoire anglais n’est pas connu, mais, dans un document de travail, Michael McCahill et Clive Norris estiment que ce nombre s’élève à 4,2 millions de caméras en Angleterre dont 500’000 dans la capitale[7]. Un londonien voit ainsi son image enregistrée en moyenne 300 fois par jour.
  • La Suisse ne déroge pas à la fonction sécuritaire de la vidéosurveillance principalement installée dans les parkings, les gares, les banques, les centres commerciaux ainsi que dans les transports publics. La Confédération ne dévoile aucun chiffre officiel. Pour estimer le nombre de caméras installées dans l’espace public suisse, Francisco Klauser se fonde sur le chiffre d’affaires des entreprises spécialisées dans le domaine de la surveillance par caméra. Il estime à environ 40’000 le nombre de caméras actives sur le territoire suisse en 2005, soit une caméra chaque kilomètre carré, dont 270 dans les rues de la ville de Genève[8].
  • Actuellement, sur terre, 25 millions de caméras sont recensées, mais – au vu des non-dits de certains gouvernements – ce chiffre peut ne pas refléter la réalité. Ces prochaines années et malgré les débats récents sur l’ingérence de la vidéosurveillance dans la vie privée, le nombre de caméras dans le monde devrait doubler, voire tripler.

 

[1] Orwell George, 1984, Londres 1949, p. 118.

[2] Encyclopédie Universalis, Lumières (Philosophie des), 6ème éd., Paris 2008, Tome 14; Peres, p. 7.

[3] Peres, p. 9-12, 166 et 300; Ueberschlag Josette, Jean Brérault, l'instituteur cinéaste (1898-1973), Saint-Etienne 2007, p. 217.

[4] Bauer, Freynet, p. 52-55.

[5] Bougon, Temman, p. 22.

[6] Bauer, Freynet, p. 3.

[7] McCahill Michael, Norris Clive, CCTV in London, in The Urbaneye working papers series n° 6 (2002) p. 20.

[8] Klauser Francisco, A comparison of the impact of protective and preservative videosurveillance on urban territoriality: the case of Switzerland, in Surveillance & Society vol. 2 (2005) issue 2/3 p. 145-160.

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