T102 – 1 C. La portée de l’expertise

  • Historiquement, le juge a eu recours ponctuellement à des spécialistes lorsqu’une question était soulevée et n’entrait pas dans les limites de ses connaissances. Ainsi, les arpenteurs à Rome mesuraient les terres, les huissiers-priseurs estimaient les biens et les jardiniers de Constantinople évaluaient les légumes[1].
  • Dans le domaine pénal, l’usage de l’expertise s’est forgé une place lorsque la justice s’est tournée vers la science et la technique pour comprendre et interpréter les faits de l’affaire en cause. Le recours à l’expert est devenu de plus en plus fréquent dès le XIXe siècle[2]. Aujourd’hui plus qu’hier, les techniciens ou scientifiques jouent un rôle toujours plus éminent dans l’administration des preuves, la « phase sentimentale » de la preuve morale se transformant en « phase scientifique ». Plus la science se développe, plus les tribunaux recourent à des spécialistes pour être informés de manière adéquate sur les questions d’ordre scientifique ou technique[3].

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T100 – B 2. Le statut juridique de l’expert

a. Les relations entre l’expert et les parties
  • L’expert judiciaire n’étant pas désigné par les parties, il n’existe pas de relation contractuelle entre eux. Par conséquent, aucune partie ne peut se prévaloir des articles 97 ss CO, notamment du droit de révoquer le contrat.
b. Les relations entre l’expert et la direction de la procédure
  • Les relations juridiques entre la direction de la procédure et l’expert sont plus complexes à définir.
  • Le Tribunal fédéral a examiné la qualification des relations juridiques entre l’expert et l’autorité publique[1]. En s’appuyant sur l’avis de plusieurs auteurs de doctrine[2], il a reconnu que l’expert était lié par un rapport de droits et d’obligations similaire au contrat de mandat (art. 394-418v CO)[3] ou au contrat d’entreprise (art. 368 CO) lorsque le résultat de l’expertise est susceptible d’être vérifié selon des critères objectifs[4]. Néanmoins, la Cour a tempéré ses propos en déclarant que les litiges entre l’autorité publique et l’expert n’étaient pas du ressort du droit privé, mais bien du droit public[5].
  • La position du Tribunal fédéral se base à juste titre sur la qualité du mandant. Dans le cadre de l’expertise judiciaire, le mandant est le juge ou toute autre autorité publique compétente qui agit en tant que détenteur de la puissance publique[6].

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T096 – B. Le statut de l’expert

1. Le rôle de l’expert en procédure

a. L’expert et le témoin
  • Par le passé[1], l’expertise a souvent été comprise dans la catégorie des preuves testimoniales, le rapport d’expertise étant le pendant des déclarations faites par les témoins qui exposent les faits marquants et les circonstances utiles à la procédure.
  • Même s’il est exact d’affirmer que l’expert effectue des constations sur les faits et événements liés à l’affaire, l’expert est un technicien intervenant dans le cadre d’une procédure pendante grâce à ses connaissances[2].
  • Contrairement au témoin, il n’explique pas ce qu’il a perçu durant la commission de l’infraction, mais il donne une opinion scientifique ou technique motivée et répond à des questions spécifiquement posées par le juge.

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T095 – expertise I. Les généralités A. La définition et la notion

  • L’expert joue un rôle central en procédure. Il est un acteur indispensable dans la recherche de la vérité. Qu’il s’agisse d’une demande du ministère public ou des tribunaux (art. 182 ss CPP), l’appel à un ou plusieurs spécialistes chargés d’effectuer une expertise judiciaire est licite pour élucider une problématique liée au manque de connaissances des juristes. Le recours à un expert est une des caractéristiques principales de la phase dite scientifique du système de preuve morale[1].
  • Un expert peut intervenir dans de nombreux domaines, notamment lors de la réalisation d’un projet législatif, comme contrôleur pour déterminer l’état de fonctionnement d’un véhicule, pour appréhender la capacité de discernement et/ou la responsabilité d’un individu, etc. Nous ne traitons toutefois que de l’expert au sein de la procédure pénale qui peut intervenir dans le domaine médical, biologique, toxicologique, des sciences forensiques ou informatiques.

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T093 – Deuxième partie: Les nouvelles technologies comme moyen de preuve

  • Toute procédure pénale est centrée sur la détermination de la vérité matérielle des faits à juger. Il en découle une volonté d’administrer des preuves à charge et à décharge assorties d’une crédibilité patente. Les techniques et les sciences, par leur objectivité, répondent positivement à ce désir.
  • Pour interpréter correctement les circonstances de fait liées à un domaine technique ou scientifique, des connaissances spécifiques dudit domaine sont nécessaires. Le juge, désireux d’exploiter une preuve scientifique ou technique ou de délimiter ce qu’elle prouve selon l’état de fait, doit faire intervenir quasiment inévitablement un expert afin de faire « parler » les indices. L’intégration des domaines scientifiques et techniques en procédure pénale oblige régulièrement la justice à recourir à l’expertise pour comprendre une preuve et établir sa fiabilité.

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T087 – C. Les constatations hybrides

  • Lorsque le juge aurait pu observer personnellement et déduire seul la force probante d’une preuve, mais, par manque de connaissances spécifiques ou par économie de procédure, un intermédiaire – expert ou rédacteur d’un procès-verbal – est appelé à participer à l’interprétation ou à la récolte des preuves, la preuve matérielle n’est plus directe. Ces preuves fournies en partie par les choses et en partie par les personnes se situent entre les constatations matérielles des faits et les constatations médiates.
  • Nous pouvons regrouper dans la catégorie des constatations hybrides les indices devant être interprétés (1.) et les procès-verbaux relatifs à la phase d’enquête ou d’instruction ainsi qu’à la recherche de preuve (2.).

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T084 – B. Les constatations directes ou immédiates

  • Les constatations directes ou immédiates sont des preuves réelles ou purement matérielles, le juge acquiert personnellement et immédiatement la connaissance du fait ou d’une chose en lien avec l’affaire à juger.
  • Le Code de procédure pénale scinde les preuves déduites des choses en deux groupes distincts: les éléments pouvant être directement versés au dossier (1.) et les éléments qui, en raison de leur nature, ne peuvent être intégrés qu’indirectement au dossier d’enquête (2.)[1].

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T079 – A. Les constatations indirectes ou médiates

  • Les preuves indirectes ou médiates sont celles qui nécessitent un raisonnement logique et un examen critique approfondi pour pouvoir être appréciées à leur juste valeur.
  • Trois catégories de personnes peuvent fournir des preuves indirectes ou médiates: le prévenu entendu lors de l’interrogatoire (1.), les témoins interrogés au cours d’une audition (2.) et les personnes appelées à donner des renseignements (3.).

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T079 – IV. Les différents moyens de preuves

  • Théoriquement, il est impossible d’énumérer tous les moyens probatoires dès lors que la preuve pénale n’est pas soumise à un numerus clausus.
  • Cependant, environ sept catégories de preuves existent: l’audition du prévenu, les témoignages, l’audition des personnes appelées à donner des renseignements, les pièces à conviction, les observations faites sur les lieux de l’infraction, l’expertise qui peut être considérée comme une déclaration à titre de renseignement ou un indice, et les procès-verbaux. En outre, la doctrine classifie les preuves selon qu’elles sont indirectes, médiates ou par indices (A.), directes, matérielles ou immédiates (B.) ou hybrides (C.)[1].
[1] Piquerez, Traité de procédure pénale suisse, p. 345; Polizeiliche Ermittlung-Zuber, p. 220; Rassat, p. 359; Riedo, Fiolka, Niggli, p. 164; Ruckstuhl, Dittmann, Arnold, p. 149.

T077 – C. La libre appréciation, l’intime conviction et le doute

  • L’exigence de l’établissement des faits découlant de la présomption d’innocence (10 al. 1 CPP) et de l’adage in dubio pro reo (10 al. 3 CPP) entrent en contact direct avec l’appréciation des preuves (art. 10 al. 2 CPP, corollaire de la liberté des preuves consacrée à l’art. 139 al. 1 CPP)[1].

 

1. La libre appréciation des preuves

  • Dans le système des preuves morales ou système de l’intime conviction, la liberté de la preuve impose aux législateurs de ne pas fixer par avance la valeur probatoire d’un moyen de preuve. Le juge est libre d’apprécier chacune des preuves, il le fait selon sa conscience et ses croyances, sans s’en remettre à ses sentiments personnels, et n’est lié ni par le genre ni par le nombre des preuves[2].

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