T130 – I. La dactyloscopie

A. L’introduction

  • L’auteur ou les auteurs d’une infraction qui, notamment, manipulent un objet à mains nues, marchent à pieds nus ou appuient une partie découverte de leur corps sur un objet ou un élément intégré à la scène de crime laissent immanquablement leurs empreintes papillaires formés d’entrelacs et de crêtes.
  • L’étude des empreintes papillaires – du relevé à l’identification du propriétaire de l’empreinte – est nommée la lophoscopie[1]. Une section privilégiée de la lophoscopie, appelée la dactyloscopiedactylo- provient du nom grec dactulos signifiant « doigt » et -scopie du nom skopein traduisible par le verbe « examiner » – s’intéresse uniquement aux crêtes épidermiques sises sur la pulpe des doigts.
  • En pratique, l’identification à l’aide d’une empreinte digitale est la plus usitée. C’est pourquoi, tout en n’ignorant point la preuve lophoscopique dans son ensemble dont les principes développés s’appliquent mutatis mutandis, la preuve dactyloscopique est au centre de notre écrit comme moyen probatoire permettant d’identifier le propriétaire de l’empreinte laissée sur une scène de crime.

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T129 – Les preuves fondées sur les sciences

  • Alors qu’auparavant l’ADN n’était pas considéré comme un indice, il est depuis 1984 fréquemment usité pour déterminer l’identité de l’auteur d’une infraction[1]. Plus récemment, la poussière a été analysée pour tenter de délimiter le lieu d’habitation du suspect, alors qu’il y a quelques années, elle n’était qu’une particule insignifiante pour l’enquête. Ces deux exemples illustrent que divers éléments semblant a priori insignifiants deviennent, grâce aux développements des sciences et plus particulièrement de la science forensique, des indices assortis d’une valeur probante.
  • Les empreintes au sens large pouvant provenir du corps – empreintes manuelles, palmaires, dentaires, auriculaires, épidermiques, génétiques, etc. –, d’une chose mobilière – empreintes pneumatiques, traces de peinture, débris automobiles, douilles, études balistiques, analyses des plaies, etc. –, d’une fibre – empreintes de vêtements ou de tout élément constitué de tissu ou de fibre –, ou de la découverte d’un ou de plusieurs poil(s), et les objets laissés par l’auteur de l’acte délictuel, les parasites, les poussières, les produits utilisés pour commettre une infraction – par exemple, le produit inflammable employé pour bouter le feu – ou toute autre trace n’entrant pas dans la catégorie des empreintes forment la famille des preuves indiciales[2]. Toutes ces marques laissées sur les lieux de l’infraction, sur le corps de la victime, dans le véhicule ou sur un objet ayant été en contact avec un individu sont des éléments essentiels à l’enquête et à la justice.
  • L’intérêt de la justice et de l’opinion publique a révélé l’importance des indices dans la procédure pénale moderne. Deux empreintes issues des preuves indiciales ont retenu particulièrement notre attention. L’une découle d’une technique centenaire et bien établie: l’empreinte papillaire, alors que l’autre, plus récente, fait encore débat: l’empreinte génétique. Notre chapitre consacré aux preuves fondées sur les sciences comporte donc deux parties traitant tour à tour de ces preuves, soit la dactyloscopie (I.) et l’acide désoxyribonucléique (II.).
[1] A ce sujet: Locard, T. I-II, p. 855. Supra Partie I, Chapitre 1, II, B, 2, b, n° 87 ss.

[2] Locard, T. I-II, p. 9; Message, CPP, p. 1194; Schmid, Strafprozessrecht, p. 237.

T124 – III C. La valeur probante du rapport d’expertise

1. La difficulté pour le juge de s’écarter du rapport d’expertise

  • L’expertise judiciaire apparaît comme un moyen adéquat de découvrir la vérité matérielle en découvrant et/ou en appréciant une preuve ou un indice.
  • La raison qui fonde l’appel à un spécialiste et l’axiome théorique sur l’absence d’autorité du rapport d’expertise ne se situe pas dans une logique sans faille. Il est en effet paradoxal de recourir à un expert par manque de compétence et de pouvoir, lors de la formation de l’intime conviction, dénier la fiabilité d’un rapport d’expertise fondé justement sur les aptitudes professionnelles du spécialiste[1]. D’autant plus que le juge souhaitant s’écarter des conclusions de l’expert doit le justifier alors même qu’il n’a pas les connaissances spéciales permettant de contrer l’avis éclairant l’état de fait technique ou scientifique. Sur le plan intellectuel, il est inconcevable de réfuter les résultats de l’expertise alors que leur contenu échappe clairement à la faculté d’examen du juge. C’est pourquoi, en réalité, l’expertise a une valeur accrue dont le juge ne peut s’éloigner qu’en cas de justes motifs difficilement réunis[2].
  • En toute logique, si des faits ou indices cruciaux font naître un doute sur la crédibilité du rapport d’expertise, le juge doit réfuter la valeur probante de cette preuve. En effet, en se fondant sur une expertise non concluante – notamment parce qu’elle contient des informations contradictoires, lacunaires ou erronées, ou lorsque l’opinion de l’expert est indéfendable ou encore parce qu’après désignation, il s’avère que l’expert n’a pas les connaissances requises[3] –, le juge apprécie arbitrairement une preuve et viole l’art. 9 Cst[4].

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T122 – III B. L’appréciation du rapport d’expertise

1. La direction de la procédure connaît le droit

  • En vertu du principe iura novit curia, la direction de la procédure connaît le droit et n’est donc pas tenue à l’argumentation juridique des parties. L’expertise, considérée comme un moyen de preuve, sert à établir uniquement les faits. Néanmoins, il est parfois délicat de distinguer le fait du droit.
  • Pour illustrer la problématique, prenons le cas d’un dommage à la propriété causé par une personne atteinte d’une maladie mentale. Le juge demande à un expert médical d’évaluer l’incapacité de l’auteur pour déterminer s’il s’agit d’un cas d’irresponsabilité (19 al. 1 CP) ou de responsabilité restreinte (art. 19 al. 2 CP). L’évaluation doit se baser uniquement sur un élément de fait et de manière abstraite, afin de déterminer si l’auteur est faible d’esprit ou est atteint d’un trouble mental grave.
  • Le tribunal doit s’assurer que la question qui est posée à l’expert se limite à l’état de fait et n’est pas sujette à une réponse sur le droit, à savoir si l’auteur est en état d’irresponsabilité ou de responsabilité restreinte. Il est néanmoins possible que le juge pose clairement une question de fait et que l’expert fournisse une réponse avec un avis juridique. Dans une telle hypothèse, le magistrat doit se limiter à apprécier l’état de fait établi ou prouvé par l’expertise.
  • Il est impératif que le juge ne se décharge pas de sa mission en administrant une preuve et en ratifiant l’avis juridique de l’expert sans l’apprécier[1]. Ce constat vaut de même lorsque le ministère public recourt à une expertise. Selon le principe iura novit curia, la direction de la procédure doit donc éviter de poser des questions demandant une réponse juridique et/ou de tenir compte de l’avis juridique de l’expert. Elle doit s’en tenir à l’établissement des faits par l’expertise comme moyen de preuve et apprécier ce qui est démontré.

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