T392 – ii. La procédure de mise sous surveillance au moyen des systèmes d’antennes relais

  1. a) La différence entre les dispositifs employant les systèmes mondiaux de navigation par satellite et le système de téléphonie
  • L’art. 280 let. c CPP réglemente uniquement la localisation à l’aide d’appareils techniques de surveillance tels que les dispositifs employant les systèmes mondiaux de navigation par satellite. En ce qui concerne la recherche à l’aide d’antennes relais, il faut se référer aux dispositions sur la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication (art. 269 ss CPP)[1].
  • La distinction entre les deux méthodes de géolocalisation paraît plus théorique que pratique, puisque l’art. 282 al. 4 CPP renvoie à la procédure de surveillance des télécommunications. Néanmoins, principalement quant au champ d’application, les conditions pour la localisation par GPS et celle par téléphonie mobile ne sont pas identiques[2].
  • Les données concernant l’emplacement d’un téléphone mobile sont considérées comme des données accessoires à propos desquelles des renseignements peuvent être obtenus au sens de l’art. 273 CPP[3]. Le champ d’application de cet article s’étend pour tous les crimes, délits ou contraventions au sens de l’art. 179septies
  • La localisation par GPS est, quant à elle, soumise au respect de l’art. 269 CPP qui limite, à son alinéa 2, l’usage d’une surveillance par satellite à une liste prédéfinie d’infractions.
  • N’ayant pas voulu reprendre la liste de l’art. 269 al. 2 CPP à l’art. 273 CPP – estimant que l’atteinte aux droits de la personnalité est moins grave lors de la récolte des données de facturations et des données accessoires –, le législateur a créé une différenciation légale entre deux modes de localisation alors même que le résultat fourni, soit le positionnement de l’individu et/ou de l’objet, est identique.
  • Avant l’entrée en vigueur du CPP, la localisation par GPS nécessitait une base légale pour être applicable, alors que le positionnement à l’aide d’un appareil de téléphonie mobile existait déjà dans la LSCPT et l’OSCPT. La volonté du législateur de conserver les normes préexistantes en ne les modifiant que légèrement a créé cette distinction entre les deux méthodes de localisation qui, à notre sens, ne se justifie guère.
  • Nonobstant les considérants historiques sur l’existence d’une norme légale préalablement à l’édiction du CPP, il eut été préférable, pour assurer la sécurité juridique, de prévoir une unique réglementation lorsque les appareils GPS ou de téléphonie mobile sont employés pour localiser une personne ou un objet.
  • Relevons encore que, s’il s’agit de localiser le téléphone mobile grâce au module GPS intégré dans l’appareil, le positionnement dépend alors du système satellitaire. La surveillance est donc soumise au régime des art. 280-281 CPP.
  1. b) Le dispositif légal pour la localisation à l’aide d’appareils de téléphonie mobile
  • Les systèmes de localisation par ondes hertziennes font partie des télécommunications (art. 2 al. 1 let. a OIT).
  1. Le positionnement d’un téléphone mobile déterminé
  • Pour obtenir les données de positionnement, le recours au fournisseur du service de télécommunication est nécessaire (art. 15 al. 1 à 5 LSCPT et art. 17 al. 3 à 7 OSCPT).
  • Aux fins de localiser une personne ou un objet, la surveillance des télécommunications peut être ordonnée pour déterminer et transmettre simultanément ou périodiquement l’identification cellulaire (Cell ID), la position et la direction d’émission de l’antenne relais avec laquelle l’appareil de téléphonie mobile est momentanément relié (art. 16 let. b OSCPT cum 273 al. 1 CPP pour la surveillance en temps réel). Lorsque la communication n’est pas établie, le fournisseur du service de télécommunication met à disposition et transmet simultanément ou périodiquement l’identification cellulaire, la position et la direction d’émission de l’antenne avec laquelle l’équipement terminal de la personne surveillée est relié au moment de la communication (art. 16 let. c ch. 3 OSCPT cum 273 al. 1 CPP). En cas de communication, la transmission rétroactive des informations est également possible (art. 16 let. d ch. 3 OSCPT cum 273 al. 1 et 3 CPP).
  • Suite à la modification de l’ordonnance sur la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication entrée en vigueur le 1er janvier 2012, le législateur fait référence à « l’identification cellulaire » (Cell ID). Cette notion renvoie aux normes internationales (ETSI) qui préconisent que l’identificateur réel de la cellule soit fourni sous forme de coordonnées géographique et/ou d’adresse postale[4]. Ainsi, les données de géopositionnement transmises par les divers fournisseurs de service de télécommunications ont un format prédéfini, ce qui simplifie les recherches subséquentes et ne nécessite pas une transformation ou une traduction de l’information.
  • Au surplus, la procédure de mise en œuvre, d’exécution, de traitement des données et/ou des découvertes fortuites, de levée et de communication de la surveillance relève des art. 269 ss CPP. Elle est, par conséquent, identique à ce qui prévaut pour la surveillance des télécommunications[5].
  • Par conséquent, il n’est pas contestable que des bases légales suffisantes existent aux fins de respecter la prévisibilité légale de la surveillance au moyen de mesures de localisation par l’autorité pénale[6]. Tempérons ce propos en affirmant une fois encore qu’une législation commune pour la surveillance employant les données satellites et le système d’antennes relais serait plus adéquate à la lumière de la sécurité juridique.
  1. La recherche par champ d’antennes
  • La recherche par champ d’antennes qui s’est développée dans la pratique est concrétisée à l’art. 16 let. e OSCPT.
  • Avant l’entrée en vigueur de la modification de l’OSCPT, le Tribunal fédéral s’était prononcé sur l’inapplicabilité directe de l’art. 269 ou 273 CPP pour autoriser une telle mesure. En effet, en cas de recherche par champ d’antennes un nombre indéterminé d’appels sont saisis avant d’être ajustés pour individualiser concrètement le ou les suspects potentiels[7].
  • Pour éviter que des innocents soient atteints dans leur droit personnel par ce type de surveillance « de masse », des conditions supplémentaires à l’art. 269 et 273 CPP étaient exigées par le Tribunal fédéral[8]. Outre qu’il devait exister une forte suspicion qu’un crime – ou en tout cas une infraction au sens de l’art. 269 al. 1 let. a et b cum 269 al. 2 CPP – ait été commis afin de respecter le principe de proportionnalité, ceci excluant donc la surveillance purement préventive et la surveillance répressive des délits ou contraventions[9], que la personne recherchée devait être individualisable même si elle restait inconnue, et que la mesure devait être employée subsidiairement à d’autres moyens, il fallait encore que le contenu des appels ou des SMS ne soit pas connu – écouté ou lu –, que la collecte et l’analyse se ciblent sur des données anonymes – données de facturation –, et que la regroupement d’informations avec les données de facturation non-anonymisées devait se limiter à un cercle restreint de potentiels suspects. Pour l’accomplissement de cette dernière condition, le quadrillage du réseau devait s’effectuer uniquement lorsque la communication avait été émise dans un lieu connu et à un moment ou durant un laps de temps déterminé[10].
  • En respectant ces conditions, le Tribunal fédéral avait relevé que le quadrillage par champ d’antennes n’était pas d’emblée exclu par l’art. 273 CPP, mais que cet article ne constituait pas, à lui seul et en l’état, une norme adéquate[11].
  • Pour limiter la controverse et au vu de l’application fréquente de cette surveillance en pratique, le législateur a réglementé – en partie – cette jurisprudence en édictant l’art. 16 let. e OSCPT. Aujourd’hui, il est clairement établi qu’il est possible de recueillir rétroactivement les données relatives au trafic de la totalité des communications par téléphonie mobile à partir du moment où elles ont eu lieu dans un laps de temps déterminé et dans une cellule déterminée[12].
  • A noter que, contrairement à la recommandation du Tribunal fédéral, ce n’est pas le catalogue exhaustif de l’art. 269 al. 2 CPP qui est applicable. Ainsi, en cas de crime, délit ou contravention au sens de l’art. 179septies CPP, le ministère public peut – moyennant le respect des autres conditions, notamment l’art. 269 al. 1 let. b et c CPP – ordonner une recherche par champ d’antennes.
[1] Goldschmid, Maurer, Sollberger, Textausgabe-Wolter, p. 270; StPO-Hansjakob, art. 280 N 9.

[2] Métille, Thèse, p. 175.

[3] CR-CPP-Bacher, Zufferey, art. 273 N 4; Schmid, Praxiskommentar, art. 273 N 2; StPO-Hansjakob, art. 273 N 2.

[4] CSI-DFJP, Guidelines, p. 53-54; CSI-DFJP SSCPT, p. 4-5.

[5] Partie II, Chapitre 3, I, A, 2, c.

[6] CourEDH, Affaire Uzun c. Allemagne, arrêt du 2 septembre 2010, 35623/05, § 60-63; CourEDH, Affaire Shimovolos c. Russie, arrêt du 21 juin 2011, 30194/09, § 68.

[7] ATF 137 IV 340, 348-349 = JdT 2012 IV 165, 172-173; Hansjakob, Antennensuchläufen, n° 10-11 et 13.

[8] ATF 137 IV 340, 349-350 = JdT 2012 IV 165, 173-174.

[9] Hansjakob, Antennensuchläufen, n° 16-17.

[10] ATF 137 IV 340, 351-352 = JdT 2012 IV 165, 176.

[11] ATF 137 IV 340, 347-348 = JdT 2012 IV 165, 171-172.

[12] CSI-DFJP SSCPT, p. 5.

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