T389 – i. La procédure de mise sous surveillance au moyen des systèmes de navigation par satellite

  • Avant l’entrée en vigueur du CPP, la surveillance par GPS de la position d’un véhicule sur le domaine public était dépourvue de base légale à défaut d’entrer dans le champ d’application de la LSCPT[1]. Une preuve issue de ce procédé était dès lors illégale et donc – en principe – irrecevable[2]. Cette lacune est aujourd’hui comblée.
  1. a) La prévisibilité de la loi
  • L’art. 280 let. c CPP règlemente l’utilisation d’appareils techniques qui ne sont ni visuels ni acoustiques et qui permettent de localiser une personne ou une chose.
  • La surveillance par GPS ne constituant ni une surveillance visuelle ni acoustique et permettant, à l’aide des données stockées ou enregistrées sur un serveur, de géopositionner ou d’établir des profils de déplacement d’une personne, d’un véhicule ou d’un objet[3], cette surveillance est couverte par l’art. 280 let. c CPP.
  • Il ressort donc clairement du libellé de la loi que le moyen technique de localisation par GPS est prévu comme moyen de contrainte[4]. L’exigence de prévisibilité est sur ce point satisfaite.
  1. b) La procédure et les garanties contre les abus
  • Au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme[5], la surveillance par GPS doit remplir un certain nombre de conditions pour admettre comme justifiée l’ingérence. La loi doit notamment renfermer des garanties suffisantes et effectives contre les abus.
  • Aux fins de ces garanties et pour protéger au mieux la vie privée, la Cour énumère un certain nombre d’éléments. Le droit interne doit contenir l’indication d’une durée ou tout du moins la durée de surveillance doit rester proportionnée aux circonstances. Les motifs requis pour ordonner une surveillance doivent être délimités, notamment en indiquant qui peut être surveillé, dans quelles circonstances – crime, délit, liste exhaustive d’infractions, etc. – une surveillance par GPS peut être mise en œuvre, et qui a la compétence de donner l’ordre de localiser un individu en employant les systèmes de navigation par satellite. Afin d’avoir une protection suffisante contre l’arbitraire, la Cour rappelle qu’un contrôle judiciaire subséquent à l’ordre de mise sous surveillance est adéquat et préférable. Enfin, la possibilité d’écarter les éléments de preuve inutiles ou obtenus illégalement ainsi que le recours subsidiaire à la méthode de surveillance permettent d’affirmer que l’ingérence dans l’exercice du droit à la vie privée est prévue par la loi.
  • Quant aux conditions pour ordonner la mesure de surveillance par GPS, la durée d’un tel procédé, le traitement des informations recueillies, l’utilisation des découvertes fortuites, la levée de la surveillance et la communication aux personnes concernées par cette méthode, elles sont similaires à celles applicables pour la vidéosurveillance du domaine privée ou secret effectuée par les autorités (art. 281 CPP, et art. 269 et 274 al. 5 phr. 1 CPP par analogie)[6]. Au surplus, les articles concernant la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication sont applicables (art. 269 ss CPP cum 281 al. 4 CPP)[7].
  • Mentionnons encore que le champ d’application des art. 280-281 CPP se limite à la surveillance en temps réel à l’aide du système de localisation par satellite dans le cadre de la poursuite pénale.
  • Par conséquent, nous pouvons affirmer que le Code de procédure pénale suisse subordonne l’utilisation de la mesure de surveillance au respect de conditions légales strictes assurant une garantie adéquate contre les abus.
  1. c) La surveillance par GPS à but préventif et la surveillance rétroactive
  • L’exploitation à but préventif de la surveillance par GPS relève des normes du droit cantonal sur la police. Par manque de législation, actuellement de nombreux cantons ne peuvent donc pas l’exercer[8].
  • Quant aux données GPS qui ne font pas l’objet d’une surveillance en temps réel, les normes relatives aux perquisitions (art. 244-248 CPP), séquestres (art. 263-268 CPP) et à l’obligation de dépôt (art. 265 CPP) sont applicables[9]. En effet, il s’agit alors d’obtenir les informations grâce aux enregistrements des déplacements sur un serveur ou à l’aide de l’historique de la mémoire cache de l’appareil de navigation, ce qui sort de l’utilisation pure d’un dispositif technique permettant de localiser un individu.
  1. d) Les divergences entre la surveillance par GPS et l’observation
  • En cas de filature, l’art. 280 CPP n’est pas pertinent. En effet, l’art. 282 CPP concernant l’observation est plus spécial.
  • Dans les faits, qu’une autorité pénale suive un véhicule directement sans recourir à un dispositif technique ou surveille à distance plus éloignée ce même véhicule à l’aide d’un système GPS, l’atteinte aux droits fondamentaux est similaire. Dans certaines circonstances, la pose d’une balise GPS est même moins intrusive que l’observation puisqu’elle ne permet pas de visualiser les faits[10].
  • En pratique, les deux situations sont donc quasiment identiques et permettent d’obtenir le même résultat, à condition que la filature s’exécute discrètement.
  • Pourtant, alors que l’observation nécessite une autorisation si elle dure plus d’un mois, le tribunal des mesures de contrainte doit approuver la localisation par GPS. Il est difficile de comprendre le raisonnement du législateur sur ce point vu la ressemblance pratique des deux mesures. Il n’en reste pas moins qu’il a clairement voulu différencier les deux mesures et instaurer un régime plus strict lors de l’utilisation d’un appareil de localisation dans un but probatoire – par exemple, lors de la fixation secrète d’un dispositif GPS sur le véhicule d’un suspect – afin d’analyser et/ou de conserver les déplacements d’une personne surveillée[11].
[1] TF 1P_51/2007 du 24 septembre 2007, c 3.4 et 3.5; Vetterli, p. 84-85.

[2] ATF 131 I 272, 281; TF 1P_51/2007 du 24 septembre 2007, c. 3.5, plus spécifiquement c. 3.5.6; CourEDH, Affaire Uzun c. Allemagne, arrêt du 2 septembre 2010, 35623/05, § 60.

[3] BSK-StPO-Katzenstein, Eugster, art. 280 N 37; Message, CPP, p. 1234; Rémy, p. 112; Pitteloud, p. 457; Ruckstuhl, Dittmann, Arnold, p. 271; Schmid, Praxiskommentar, art. 280 N 10; StPO-Hansjakob, art. 280 N 8.

[4] CourEDH, Affaire Uzun c. Allemagne, arrêt du 2 septembre 2010, 35623/05, § 67-68.

[5] CourEDH, Affaire Uzun c. Allemagne, arrêt du 2 septembre 2010, 35623/05, § 69-73; CourEDH, Affaire Shimovolos c. Russie, arrêt du 21 juin 2011, 30194/09, § 68.

[6] Supra Partie II, Chapitre 3, I, B, 2, c, ii, d), n° 1553 ss.

[7] Supra Partie II, Chapitre 3, I, A, 2, c, n° 1142 ss.

[8] Supra Partie II, Chapitre 3, I, A, 4, c, ii, c), n° 1362-1372.

[9] Infra Partie II, Chapitre 3, III, A, 3, c, iii, n° 2060 ss.

[10] Gisler, p. 87-90; Vest, p. 668-670; Zalunardo-Walser, p. 51-52.

[11] BSK-StPO-Katzenstein, Eugster, art. 280 N 36-37; Polizeiliche Ermittlung-Rhyner, Stüssi, p. 466; Stalder, Vergères, p. 62; StPO-Hansjakob, art. 280 N 20-22.

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