T396 – b. Le but et la nécessité de l’ingérence

  • De l’avis de la Cour européenne, il est indiscutable que la mesure de surveillance par GPS ou – par analogie – par téléphonie mobile répond à des buts légitimes. Dans l’intérêt de la sécurité publique, de la sûreté, de la répression des infractions et de la bonne administration de la justice, ces dispositifs techniques sont des moyens d’investigation et de preuve adéquats[1].
  • En outre, la nécessité de l’ingérence implique qu’elle doit correspondre à un besoin de l’Etat et qu’elle soit proportionnée au but poursuivi.
  • La Cour européenne[2] et le Tribunal fédéral[3] ont relevé que, concernant la surveillance par GPS, la subsidiarité de la mesure, sa limitation dans le temps et son application dans le cadre d’une enquête pour des infractions graves étaient des critères permettant de déterminer si la proportionnalité était ou non donnée.
  • Le Code de procédure pénale aux art. 269-279 et aux art. 280-281 CPP concrétise les critères jurisprudentiels[4].
  • Ainsi, le ministère public peut ordonner la mesure de localisation par GPS si des soupçons laissent présumer qu’une infraction prévue à l’art. 269 al. 2 CPP a été commise, que la gravité de l’infraction justifie la mesure et qu’une autre mesure moins invasive n’a pas été concluante ou ne le serait pas. Pour la surveillance de la localisation par téléphonie mobile ou de recherche par champ d’antennes, l’art. 273 CPP est moins strict, mais il limite la mise en œuvre aux crimes, délits et à certaines contraventions, selon la gravité de l’infraction, et à la subsidiarité de la mesure.
  • En outre, seul un cadre restreint de personnes sont concernées, l’art. 281 al. 1 et 2 CPP ne prévoit l’emploi du dispositif technique GPS qu’à l’encontre du prévenu et des locaux ou des véhicules de tiers si le prévenu se trouve dans les lieux dont le tiers est propriétaire ou utilise les véhicules de ce dernier. L’art. 273 CPP restreint l’objet de la localisation GSM au prévenu et aux tiers si le prévenu emploie le raccordement téléphonique de celui-ci ou si le tiers concerné reçoit des communications pour le compte du prévenu ou émanant de ce dernier. Dans le domaine de la localisation, nous ne voyons que peu d’intérêt à ce que le ministère public ordonne une surveillance pour positionner le téléphone mobile d’un tiers qui reçoit les communications du prévenu ou pour ce dernier. A notre sens, le but légitime – extensivement la nécessité – n’est pas donné par la localisation d’un tiers à moins que des éléments concrets laissent penser que le prévenu est en présence de ce tiers, étant précisé que la solution la plus adaptée reste l’application par analogie de l’art. 281 al. 1 et 2 CPP lorsqu’une surveillance vise à positionner un téléphone mobile[5].
  • Quant à la durée, elle est limitée à trois mois renouvelable pour la surveillance en temps réel et la prolongation de la mesure n’est octroyée qu’en cas de nécessité. La surveillance rétroactive est – généralement – limitée, quant à elle, à une période de six mois.
  • Au vue de ces constatations, la mesure de surveillance par GPS ou de localisation par la téléphonie mobile répondent à un but légitime et la proportionnalité au sens large n’est pas d’emblée exclue.
[1] CourEDH, Affaire Uzun c. Allemagne, arrêt du 2 septembre 2010, 35623/05, § 77.

[2] CourEDH, Affaire Uzun c. Allemagne, arrêt du 2 septembre 2010, 35623/05, § 78-80.

[3] TF 1P_51/2007 du 24 septembre 2007, c. 3.5.2-3.6.

[4] Supra Partie II, Chapitre 3, I, A, 2, c, n° 1140 ss; Supra Partie II, Chapitre 3, I, B, 2, c, ii, c), n° 1534 ss.

[5] Supra Partie II, Chapitre 3, II, C, 2, a, ii, b), 1, n° 1777 ss.

T396 – iii. La mise sous surveillance au moyen des systèmes de navigation par satellite ou d’antennes relais par les particuliers

  • Concernant l’utilisation du matériel de localisation par des personnes privées – nous pensons ici principalement aux balises GPS ou aux balises fonctionnant à l’aide d’ondes radios qui sont à la portée de tous –, ce type de surveillance n’est réglementé ni par le CPP ni par le droit policier.
  • Les privés sont donc libres d’agir sous couvert du respect de la sphère privée protégée par le Code pénal[1].
[1] Supra Partie II, Chapitre 3, I, A, 2, d, n° 1232-1233; Supra Partie II, Chapitre 3, I, B, 2, c, i, n° 1451 et 1511-1512.

T392 – ii. La procédure de mise sous surveillance au moyen des systèmes d’antennes relais

  1. a) La différence entre les dispositifs employant les systèmes mondiaux de navigation par satellite et le système de téléphonie
  • L’art. 280 let. c CPP réglemente uniquement la localisation à l’aide d’appareils techniques de surveillance tels que les dispositifs employant les systèmes mondiaux de navigation par satellite. En ce qui concerne la recherche à l’aide d’antennes relais, il faut se référer aux dispositions sur la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication (art. 269 ss CPP)[1].
  • La distinction entre les deux méthodes de géolocalisation paraît plus théorique que pratique, puisque l’art. 282 al. 4 CPP renvoie à la procédure de surveillance des télécommunications. Néanmoins, principalement quant au champ d’application, les conditions pour la localisation par GPS et celle par téléphonie mobile ne sont pas identiques[2].
  • Les données concernant l’emplacement d’un téléphone mobile sont considérées comme des données accessoires à propos desquelles des renseignements peuvent être obtenus au sens de l’art. 273 CPP[3]. Le champ d’application de cet article s’étend pour tous les crimes, délits ou contraventions au sens de l’art. 179septies
  • La localisation par GPS est, quant à elle, soumise au respect de l’art. 269 CPP qui limite, à son alinéa 2, l’usage d’une surveillance par satellite à une liste prédéfinie d’infractions.
  • N’ayant pas voulu reprendre la liste de l’art. 269 al. 2 CPP à l’art. 273 CPP – estimant que l’atteinte aux droits de la personnalité est moins grave lors de la récolte des données de facturations et des données accessoires –, le législateur a créé une différenciation légale entre deux modes de localisation alors même que le résultat fourni, soit le positionnement de l’individu et/ou de l’objet, est identique.
  • Avant l’entrée en vigueur du CPP, la localisation par GPS nécessitait une base légale pour être applicable, alors que le positionnement à l’aide d’un appareil de téléphonie mobile existait déjà dans la LSCPT et l’OSCPT. La volonté du législateur de conserver les normes préexistantes en ne les modifiant que légèrement a créé cette distinction entre les deux méthodes de localisation qui, à notre sens, ne se justifie guère.
  • Nonobstant les considérants historiques sur l’existence d’une norme légale préalablement à l’édiction du CPP, il eut été préférable, pour assurer la sécurité juridique, de prévoir une unique réglementation lorsque les appareils GPS ou de téléphonie mobile sont employés pour localiser une personne ou un objet.
  • Relevons encore que, s’il s’agit de localiser le téléphone mobile grâce au module GPS intégré dans l’appareil, le positionnement dépend alors du système satellitaire. La surveillance est donc soumise au régime des art. 280-281 CPP.
  1. b) Le dispositif légal pour la localisation à l’aide d’appareils de téléphonie mobile
  • Les systèmes de localisation par ondes hertziennes font partie des télécommunications (art. 2 al. 1 let. a OIT).
  1. Le positionnement d’un téléphone mobile déterminé
  • Pour obtenir les données de positionnement, le recours au fournisseur du service de télécommunication est nécessaire (art. 15 al. 1 à 5 LSCPT et art. 17 al. 3 à 7 OSCPT).
  • Aux fins de localiser une personne ou un objet, la surveillance des télécommunications peut être ordonnée pour déterminer et transmettre simultanément ou périodiquement l’identification cellulaire (Cell ID), la position et la direction d’émission de l’antenne relais avec laquelle l’appareil de téléphonie mobile est momentanément relié (art. 16 let. b OSCPT cum 273 al. 1 CPP pour la surveillance en temps réel). Lorsque la communication n’est pas établie, le fournisseur du service de télécommunication met à disposition et transmet simultanément ou périodiquement l’identification cellulaire, la position et la direction d’émission de l’antenne avec laquelle l’équipement terminal de la personne surveillée est relié au moment de la communication (art. 16 let. c ch. 3 OSCPT cum 273 al. 1 CPP). En cas de communication, la transmission rétroactive des informations est également possible (art. 16 let. d ch. 3 OSCPT cum 273 al. 1 et 3 CPP).
  • Suite à la modification de l’ordonnance sur la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication entrée en vigueur le 1er janvier 2012, le législateur fait référence à « l’identification cellulaire » (Cell ID). Cette notion renvoie aux normes internationales (ETSI) qui préconisent que l’identificateur réel de la cellule soit fourni sous forme de coordonnées géographique et/ou d’adresse postale[4]. Ainsi, les données de géopositionnement transmises par les divers fournisseurs de service de télécommunications ont un format prédéfini, ce qui simplifie les recherches subséquentes et ne nécessite pas une transformation ou une traduction de l’information.
  • Au surplus, la procédure de mise en œuvre, d’exécution, de traitement des données et/ou des découvertes fortuites, de levée et de communication de la surveillance relève des art. 269 ss CPP. Elle est, par conséquent, identique à ce qui prévaut pour la surveillance des télécommunications[5].
  • Par conséquent, il n’est pas contestable que des bases légales suffisantes existent aux fins de respecter la prévisibilité légale de la surveillance au moyen de mesures de localisation par l’autorité pénale[6]. Tempérons ce propos en affirmant une fois encore qu’une législation commune pour la surveillance employant les données satellites et le système d’antennes relais serait plus adéquate à la lumière de la sécurité juridique.
  1. La recherche par champ d’antennes
  • La recherche par champ d’antennes qui s’est développée dans la pratique est concrétisée à l’art. 16 let. e OSCPT.
  • Avant l’entrée en vigueur de la modification de l’OSCPT, le Tribunal fédéral s’était prononcé sur l’inapplicabilité directe de l’art. 269 ou 273 CPP pour autoriser une telle mesure. En effet, en cas de recherche par champ d’antennes un nombre indéterminé d’appels sont saisis avant d’être ajustés pour individualiser concrètement le ou les suspects potentiels[7].
  • Pour éviter que des innocents soient atteints dans leur droit personnel par ce type de surveillance « de masse », des conditions supplémentaires à l’art. 269 et 273 CPP étaient exigées par le Tribunal fédéral[8]. Outre qu’il devait exister une forte suspicion qu’un crime – ou en tout cas une infraction au sens de l’art. 269 al. 1 let. a et b cum 269 al. 2 CPP – ait été commis afin de respecter le principe de proportionnalité, ceci excluant donc la surveillance purement préventive et la surveillance répressive des délits ou contraventions[9], que la personne recherchée devait être individualisable même si elle restait inconnue, et que la mesure devait être employée subsidiairement à d’autres moyens, il fallait encore que le contenu des appels ou des SMS ne soit pas connu – écouté ou lu –, que la collecte et l’analyse se ciblent sur des données anonymes – données de facturation –, et que la regroupement d’informations avec les données de facturation non-anonymisées devait se limiter à un cercle restreint de potentiels suspects. Pour l’accomplissement de cette dernière condition, le quadrillage du réseau devait s’effectuer uniquement lorsque la communication avait été émise dans un lieu connu et à un moment ou durant un laps de temps déterminé[10].
  • En respectant ces conditions, le Tribunal fédéral avait relevé que le quadrillage par champ d’antennes n’était pas d’emblée exclu par l’art. 273 CPP, mais que cet article ne constituait pas, à lui seul et en l’état, une norme adéquate[11].
  • Pour limiter la controverse et au vu de l’application fréquente de cette surveillance en pratique, le législateur a réglementé – en partie – cette jurisprudence en édictant l’art. 16 let. e OSCPT. Aujourd’hui, il est clairement établi qu’il est possible de recueillir rétroactivement les données relatives au trafic de la totalité des communications par téléphonie mobile à partir du moment où elles ont eu lieu dans un laps de temps déterminé et dans une cellule déterminée[12].
  • A noter que, contrairement à la recommandation du Tribunal fédéral, ce n’est pas le catalogue exhaustif de l’art. 269 al. 2 CPP qui est applicable. Ainsi, en cas de crime, délit ou contravention au sens de l’art. 179septies CPP, le ministère public peut – moyennant le respect des autres conditions, notamment l’art. 269 al. 1 let. b et c CPP – ordonner une recherche par champ d’antennes.
[1] Goldschmid, Maurer, Sollberger, Textausgabe-Wolter, p. 270; StPO-Hansjakob, art. 280 N 9.

[2] Métille, Thèse, p. 175.

[3] CR-CPP-Bacher, Zufferey, art. 273 N 4; Schmid, Praxiskommentar, art. 273 N 2; StPO-Hansjakob, art. 273 N 2.

[4] CSI-DFJP, Guidelines, p. 53-54; CSI-DFJP SSCPT, p. 4-5.

[5] Partie II, Chapitre 3, I, A, 2, c.

[6] CourEDH, Affaire Uzun c. Allemagne, arrêt du 2 septembre 2010, 35623/05, § 60-63; CourEDH, Affaire Shimovolos c. Russie, arrêt du 21 juin 2011, 30194/09, § 68.

[7] ATF 137 IV 340, 348-349 = JdT 2012 IV 165, 172-173; Hansjakob, Antennensuchläufen, n° 10-11 et 13.

[8] ATF 137 IV 340, 349-350 = JdT 2012 IV 165, 173-174.

[9] Hansjakob, Antennensuchläufen, n° 16-17.

[10] ATF 137 IV 340, 351-352 = JdT 2012 IV 165, 176.

[11] ATF 137 IV 340, 347-348 = JdT 2012 IV 165, 171-172.

[12] CSI-DFJP SSCPT, p. 5.

T389 – i. La procédure de mise sous surveillance au moyen des systèmes de navigation par satellite

  • Avant l’entrée en vigueur du CPP, la surveillance par GPS de la position d’un véhicule sur le domaine public était dépourvue de base légale à défaut d’entrer dans le champ d’application de la LSCPT[1]. Une preuve issue de ce procédé était dès lors illégale et donc – en principe – irrecevable[2]. Cette lacune est aujourd’hui comblée.
  1. a) La prévisibilité de la loi
  • L’art. 280 let. c CPP règlemente l’utilisation d’appareils techniques qui ne sont ni visuels ni acoustiques et qui permettent de localiser une personne ou une chose.
  • La surveillance par GPS ne constituant ni une surveillance visuelle ni acoustique et permettant, à l’aide des données stockées ou enregistrées sur un serveur, de géopositionner ou d’établir des profils de déplacement d’une personne, d’un véhicule ou d’un objet[3], cette surveillance est couverte par l’art. 280 let. c CPP.
  • Il ressort donc clairement du libellé de la loi que le moyen technique de localisation par GPS est prévu comme moyen de contrainte[4]. L’exigence de prévisibilité est sur ce point satisfaite.
  1. b) La procédure et les garanties contre les abus
  • Au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme[5], la surveillance par GPS doit remplir un certain nombre de conditions pour admettre comme justifiée l’ingérence. La loi doit notamment renfermer des garanties suffisantes et effectives contre les abus.
  • Aux fins de ces garanties et pour protéger au mieux la vie privée, la Cour énumère un certain nombre d’éléments. Le droit interne doit contenir l’indication d’une durée ou tout du moins la durée de surveillance doit rester proportionnée aux circonstances. Les motifs requis pour ordonner une surveillance doivent être délimités, notamment en indiquant qui peut être surveillé, dans quelles circonstances – crime, délit, liste exhaustive d’infractions, etc. – une surveillance par GPS peut être mise en œuvre, et qui a la compétence de donner l’ordre de localiser un individu en employant les systèmes de navigation par satellite. Afin d’avoir une protection suffisante contre l’arbitraire, la Cour rappelle qu’un contrôle judiciaire subséquent à l’ordre de mise sous surveillance est adéquat et préférable. Enfin, la possibilité d’écarter les éléments de preuve inutiles ou obtenus illégalement ainsi que le recours subsidiaire à la méthode de surveillance permettent d’affirmer que l’ingérence dans l’exercice du droit à la vie privée est prévue par la loi.
  • Quant aux conditions pour ordonner la mesure de surveillance par GPS, la durée d’un tel procédé, le traitement des informations recueillies, l’utilisation des découvertes fortuites, la levée de la surveillance et la communication aux personnes concernées par cette méthode, elles sont similaires à celles applicables pour la vidéosurveillance du domaine privée ou secret effectuée par les autorités (art. 281 CPP, et art. 269 et 274 al. 5 phr. 1 CPP par analogie)[6]. Au surplus, les articles concernant la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication sont applicables (art. 269 ss CPP cum 281 al. 4 CPP)[7].
  • Mentionnons encore que le champ d’application des art. 280-281 CPP se limite à la surveillance en temps réel à l’aide du système de localisation par satellite dans le cadre de la poursuite pénale.
  • Par conséquent, nous pouvons affirmer que le Code de procédure pénale suisse subordonne l’utilisation de la mesure de surveillance au respect de conditions légales strictes assurant une garantie adéquate contre les abus.
  1. c) La surveillance par GPS à but préventif et la surveillance rétroactive
  • L’exploitation à but préventif de la surveillance par GPS relève des normes du droit cantonal sur la police. Par manque de législation, actuellement de nombreux cantons ne peuvent donc pas l’exercer[8].
  • Quant aux données GPS qui ne font pas l’objet d’une surveillance en temps réel, les normes relatives aux perquisitions (art. 244-248 CPP), séquestres (art. 263-268 CPP) et à l’obligation de dépôt (art. 265 CPP) sont applicables[9]. En effet, il s’agit alors d’obtenir les informations grâce aux enregistrements des déplacements sur un serveur ou à l’aide de l’historique de la mémoire cache de l’appareil de navigation, ce qui sort de l’utilisation pure d’un dispositif technique permettant de localiser un individu.
  1. d) Les divergences entre la surveillance par GPS et l’observation
  • En cas de filature, l’art. 280 CPP n’est pas pertinent. En effet, l’art. 282 CPP concernant l’observation est plus spécial.
  • Dans les faits, qu’une autorité pénale suive un véhicule directement sans recourir à un dispositif technique ou surveille à distance plus éloignée ce même véhicule à l’aide d’un système GPS, l’atteinte aux droits fondamentaux est similaire. Dans certaines circonstances, la pose d’une balise GPS est même moins intrusive que l’observation puisqu’elle ne permet pas de visualiser les faits[10].
  • En pratique, les deux situations sont donc quasiment identiques et permettent d’obtenir le même résultat, à condition que la filature s’exécute discrètement.
  • Pourtant, alors que l’observation nécessite une autorisation si elle dure plus d’un mois, le tribunal des mesures de contrainte doit approuver la localisation par GPS. Il est difficile de comprendre le raisonnement du législateur sur ce point vu la ressemblance pratique des deux mesures. Il n’en reste pas moins qu’il a clairement voulu différencier les deux mesures et instaurer un régime plus strict lors de l’utilisation d’un appareil de localisation dans un but probatoire – par exemple, lors de la fixation secrète d’un dispositif GPS sur le véhicule d’un suspect – afin d’analyser et/ou de conserver les déplacements d’une personne surveillée[11].
[1] TF 1P_51/2007 du 24 septembre 2007, c 3.4 et 3.5; Vetterli, p. 84-85.

[2] ATF 131 I 272, 281; TF 1P_51/2007 du 24 septembre 2007, c. 3.5, plus spécifiquement c. 3.5.6; CourEDH, Affaire Uzun c. Allemagne, arrêt du 2 septembre 2010, 35623/05, § 60.

[3] BSK-StPO-Katzenstein, Eugster, art. 280 N 37; Message, CPP, p. 1234; Rémy, p. 112; Pitteloud, p. 457; Ruckstuhl, Dittmann, Arnold, p. 271; Schmid, Praxiskommentar, art. 280 N 10; StPO-Hansjakob, art. 280 N 8.

[4] CourEDH, Affaire Uzun c. Allemagne, arrêt du 2 septembre 2010, 35623/05, § 67-68.

[5] CourEDH, Affaire Uzun c. Allemagne, arrêt du 2 septembre 2010, 35623/05, § 69-73; CourEDH, Affaire Shimovolos c. Russie, arrêt du 21 juin 2011, 30194/09, § 68.

[6] Supra Partie II, Chapitre 3, I, B, 2, c, ii, d), n° 1553 ss.

[7] Supra Partie II, Chapitre 3, I, A, 2, c, n° 1142 ss.

[8] Supra Partie II, Chapitre 3, I, A, 4, c, ii, c), n° 1362-1372.

[9] Infra Partie II, Chapitre 3, III, A, 3, c, iii, n° 2060 ss.

[10] Gisler, p. 87-90; Vest, p. 668-670; Zalunardo-Walser, p. 51-52.

[11] BSK-StPO-Katzenstein, Eugster, art. 280 N 36-37; Polizeiliche Ermittlung-Rhyner, Stüssi, p. 466; Stalder, Vergères, p. 62; StPO-Hansjakob, art. 280 N 20-22.

T388 – a) La prévisibilité de la loi

  • L’art. 280 let. c CPP règlemente l’utilisation d’appareils techniques qui ne sont ni visuels ni acoustiques et qui permettent de localiser une personne ou une chose.
  • La surveillance par GPS ne constituant ni une surveillance visuelle ni acoustique et permettant, à l’aide des données stockées ou enregistrées sur un serveur, de géopositionner ou d’établir des profils de déplacement d’une personne, d’un véhicule ou d’un objet[1], cette surveillance est couverte par l’art. 280 let. c CPP.
  • Il ressort donc clairement du libellé de la loi que le moyen technique de localisation par GPS est prévu comme moyen de contrainte[2]. L’exigence de prévisibilité est sur ce point satisfaite.
[1] BSK-StPO-Katzenstein, Eugster, art. 280 N 37; Message, CPP, p. 1234; Rémy, p. 112; Pitteloud, p. 457; Ruckstuhl, Dittmann, Arnold, p. 271; Schmid, Praxiskommentar, art. 280 N 10; StPO-Hansjakob, art. 280 N 8.

[2] CourEDH, Affaire Uzun c. Allemagne, arrêt du 2 septembre 2010, 35623/05, § 67-68.

T388 – 2. La justification de l’ingérence – a. L’existence d’une loi et la prévisibilité de la norme

  • Dans le contexte de la surveillance des télécommunications, la Cour européenne a déterminé des critères. La loi doit définir:
  • la nature des infractions susceptibles de donner lieu à un mandat d’interception;
  • les personnes susceptibles d’être mises sur écoute;
  • la durée maximale de l’exécution;
  • la procédure de mise en œuvre, d’utilisation et de conservation des données;
  • les précautions à prendre en cas de communication des données; et,
  • les circonstances pour l’effacement ou la destruction des données.
  • Ces quelques éléments doivent permettre de se déterminer sur la suffisance en termes de prévisibilité de la loi et sur l’existence de garanties adéquates contre les abus[1].
  • Néanmoins, ces critères stricts s’appliquent exclusivement à la surveillance des télécommunications, extensivement à la localisation par téléphonie mobile ou à la recherche par champ d’antennes[2].
  • Pour qu’une protection adéquate de la vie privée soit reconnue en cas de surveillance par la géolocalisation au moyen d’un système GPS, la Cour européenne se base sur les principes généraux. L’ingérence doit être prévue par une loi et être suffisamment prévisible. Afin de déterminer la prévisibilité de la norme, il faut apprécier l’existence de garantie adéquate en fonction de la nature, de l’étendue et de la durée de la surveillance. En outre, les conditions de mise en œuvre, les autorités compétentes pour les ordonner et les exécuter, et les recours fournis par le droit interne sont des éléments à considérer.

 

 

[1] CourEDH, Affaire Weber et Saravia c. Allemagne, arrêt du 29 juin 2006, 54934/00, § 95; CourEDH, Affaire Association pour l’intégration européenne et les droits de l’homme et Ekimdjiev c. Bulgarie, arrêt du 28 juin 2007, 62540/00, § 76; CourEDH, Affaire Liberty et autres c. Royaume-Uni, arrêt du 1er juillet 2008, 58243/00, § 62; CourEDH, Affaire Iordachi et autres c. Moldova, arrêt du 10 février 2009, 25198/02, § 39; CourEDH, Affaire Uzun c. Allemagne, arrêt du 2 septembre 2010, 35623/05, § 65-66; CourEDH, Affaire Shimovolos c. Russie, arrêt du 21 juin 2011, 30194/09, § 68.

[2] CourEDH, Affaire Uzun c. Allemagne, arrêt du 2 septembre 2010, 35623/05, § 65-66; CourEDH, Affaire Shimovolos c. Russie, arrêt du 21 juin 2011, 30194/09, § 68.

T387 – c. La nature de l’atteinte à la vie privée

  • Concernant la gravité de l’atteinte, la Cour européenne distingue la surveillance par GPS – par analogie, à l’aide de la téléphonie mobile dans la stricte circonstance où seule la donnée de positionnement est fournie – et les autres méthodes de surveillances visuelles ou acoustiques.
  • De par sa nature, la géolocalisation est moins intrusive dès lors qu’elle ne fournit pas d’informations sur le comportement, les opinons ou les sentiments de la personne surveillée[1]. Néanmoins, en cas de traitement et d’utilisation des données obtenues à l’aide d’une surveillance GPS, l’atteinte à la vie privée est – au minimum – légère.
  • Par conséquent, l’ingérence à la vie privée doit être justifiée.
[1] ATF 130 II 425, 447-448; TF 1P_51/2007 du 24 septembre 2007, c. 3.5.4; TF 2C_116/2011 du 29 août 2011, c. 8.4; CourEDH, Affaire Uzun c. Allemagne, arrêt du 2 septembre 2010, 35623/05, § 52 et 72; CourEDH, Affaire Shimovolos c. Russie, arrêt du 21 juin 2011, 30194/09, § 65; BSK-StPO-Katzenstein, Eugster, art. 280 N 35 ss;CR-CPP-Bacher, Zufferey, art. 280 N 14; Goldschmid, Maurer, Sollberger, Textausgabe-Wolter, p. 270; Message, CPP, p. 1234.

T385 – b. Le respect de la vie privée en cas de localisation GPS

  • La localisation de la téléphonie mobile est directement liée aux données accessoires obtenues lors d’une surveillance des télécommunications[1]. Nous nous intéressons donc ici plus particulièrement au positionnement effectué à l’aide des données GPS en ajoutant quelques détails concernant la téléphonie mobile.
  • Dans l’affaire Uzun c. Allemagne, la Cour de Strasbourg a appliqué les principes susmentionnés pour se déterminer sur l’ingérence dans le respect de la sphère privée que peut causer l’utilisation d’un système de localisation par satellite.
  • Le premier élément que la Cour a examiné est celui de l’individualité de la donnée. La localisation par GPS est autorisée à l’égard du prévenu et dans certaines circonstances à l’égard de tiers[2]. En cas de surveillance d’un local ou d’un véhicule d’un tiers, ce qui est déterminant, c’est de savoir qui l’autorité d’enquête désire surveiller et non pas qui est le propriétaire du bien. Ainsi, il est possible de déterminer quelle est la personne dont la vie privée est touchée[3].
  • La Cour relève également que la surveillance au moyen de la localisation GPS par une autorité pénale amène immanquablement le recueil systématique et permanent – durant la période de surveillance – des données de déplacement de la personne. Vraisemblablement, ces informations sont en outre enregistrées afin de permettre de suivre l’individu ou de lier le positionnement à un moment donné dans un lieu donné avec la réalisation d’une infraction[4].
  • Ainsi, au regard de l’art. 8 CEDH, la localisation par GPS employée comme preuve pénale, soit la surveillance d’une personne déterminée couplée avec le traitement et l’utilisation des données atteint au respect de la vie privée[5]. L’utilisation des informations émises par les antennes relais pour déterminer le positionnement d’un téléphone mobile étant également un service de localisation, le constat effectué par la Cour européenne des droits de l’homme concernant le GPS vaut par analogie à la téléphonie mobile dans le cadre de la géolocalisation.
[1] Supra Partie II, Chapitre 3, I, A, 2, a, n° 1116 ss.

[2] Infra Partie II, Chapitre 3, II, C, 2, a, i, n° 1741.

[3] CourEDH, Affaire Uzun c. Allemagne, arrêt du 2 septembre 2010, 35623/05, § 49.

[4] CourEDH, Affaire Uzun c. Allemagne, arrêt du 2 septembre 2010, 35623/05, § 51; CourEDH, Affaire Shimovolos c. Russie, arrêt du 21 juin 2011, 30194/09, § 65.

[5] CourEDH, Affaire Uzun c. Allemagne, arrêt du 2 septembre 2010, 35623/05.

T384 – C. Le cadre légal – 1. Les droits fondamentaux, les libertés et leur protection

1. Les droits fondamentaux, les libertés et leur protection

  • Corrélativement aux autres mesures de surveillance secrète précédemment analysées, les techniques de localisation mettent en péril la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst), le droit au respect de la sphère privée (art. 8 CEDH, art. 17 Pacte II et art. 13 al. 1 Cst) et le droit d’être protégé contre l’emploi abusif de ses données personnelles (art. 13 al. 2 Cst)[1].
  • En revanche, contrairement à la vidéosurveillance avec enregistrement ou à la surveillance des télécommunications, la localisation d’une personne ou d’un objet ne comporte pas nécessairement une atteinte à la sphère privée ou secrète des individus surveillés ou, tout du moins, l’atteinte est qualifiée de légère[2].
  • La Cour européenne des droits de l’homme a eu l’occasion, dans l’Affaire Uzun c. Allemagne, de se déterminer sur la violation de l’art. 8 CEDH, lors de l’exploitation des données GPS pour localiser un individu. Le constat réalisé par la Cour vaut également pour la localisation de la téléphonie mobile à ceci près que le secret des télécommunications protège également les renseignements ou données accessoires dont font parties les données de positionnement de téléphonie mobile[3]. Leur transmission constitue toutefois une atteinte moins grave aux droits fondamentaux que l’interception ou l’enregistrement de la correspondance.
[1] Supra Partie II, Chapitre 3, I, A, 2, a, i, n° 1116 ss; Supra Partie II, Chapitre 3, I, B, 2, a, i, n° 1451 ss.

[2] Message, CPP, p. 1234.

[3] Supra Partie II, Chapitre 3, I, A, 2, a, n° 1116 ss.