- L’exploitation des données de positionnement ne s’avère utile à l’autorité pénale que si elles sont de qualité ou, tout du moins, s’il est possible de quantifier l’approximation, voire le risque d’erreur. A cette fin, il faut distinguer la qualité des données en fonction de la méthode de localisation employée.
i. Les données issues des systèmes de navigation par satellite
- Le principe du GPS se base sur la multilatération, soit la réception du signal émis par trois satellites afin de définir une coordonnée en deux dimensions à l’aide des données temps et distances du signal émis. Une erreur dans une information nécessaire au calcul des coordonnées faussent par conséquent la localisation du récepteur GPS. Les principaux écarts de positionnement tiennent au retard des signaux dans leur déplacement, à la précision des horloges des satellites, aux perturbations extérieures et aux obstacles réfléchissants[1]. Des corrections peuvent être apportées pour réduire ces erreurs: modèles de l’ionosphère, conception spéciale des signaux, etc. En outre, il est toujours possible de quantifier l’approximation du positionnement et d’effectuer manuellement un correctif.
- Généralement, la précision d’une localisation à l’aide d’un récepteur GPS est d’environ 10 mètres[2]. Pour les besoins d’une recherche, cette approximation n’est pas problématique. En revanche, dans le cadre d’une poursuite pénale, une différence même de quelques mètres peut servir ou desservir la thèse de l’accusation ou de la défense.
- Prenons deux exemples, l’un est un crime commis en pleine nuit dans une zone rurale où n’est sise aucune maison, bâtisse ou tout autre bâtiment justifiant la présence d’un individu en ces lieux qui ne promènerait pas son chien et n’est pas un passionné des animaux diurnes; l’autre est un crime commis au centre-ville en pleine nuit à l’angle de deux rues à proximité de l’allée n°10 faisant partie d’un bloc de bâtiment.
- Dans le premier cas, la zone isolée ne laisse que peu de doute sur la présence du véhicule ou d’un autre appareil GPS du suspect ou de l’accusé. Couplé avec les autres éléments de l’enquête, la présence de l’individu est alors difficilement explicable. La différence possible de plus ou moins 10 mètres est pratiquement insignifiante et influe peu, voire pas, sur la qualité et la valeur probante de la localisation.
- Dans le deuxième cas, d’après les données de positionnement, le véhicule du suspect s’arrête un court instant devant l’allée n° 10. En réalité, le suspect ou le prévenu maintient qu’il n’était pas sur la rue A où est sise l’entrée de l’allée mais sur la rue B devant une autre allée sise à 10 mètres en diagonale de l’allée n° 10. Il n’a en outre pas vu quoique ce soit, puisqu’il était parqué un court instant sur une rue perpendiculaire à celle où le crime a eu lieu. Dans cette hypothèse, les 10 mètres d’approximation jouent un rôle fondamental. Un mauvais concours de circonstances est possible ce qui laisse un doute sur la qualité du positionnement.
- L’exemplification n’a pas pour but de nier toutes qualités aux données de localisation. Des mesures extrêmement précises ne peuvent être réalisées qu’en intégrant les éléments locaux pouvant créer l’approximation dans l’interprétation du géopositionnement. Dans le cas où les risques d’erreurs ne sont pas pris en considération, selon le contexte et la zone géographique, un travail d’enquête, d’interprétation et de création d’un faisceau de preuves sont déterminants pour juger de la réelle valeur probante de la preuve par GPS.
ii. Les données issues des systèmes de télécommunication mobile
- L’identification de la cellule (Cell ID) utilisée par les autorités suisses manque de précision dès lors qu’elle est étroitement liée à la zone de desserte des antennes de téléphonie. Ainsi, la précision de localisation du téléphone mobile varie selon la taille de la cellule qui dépend de la densité des relais et de leur zone de desserte[3].
- En ville, le nombre d’antennes de téléphonie est plus important limitant la taille des cellules. Dans le milieu urbain, la localisation peut être imprécise d’une centaine de mètres. En campagne, la densité des antennes est moindre, la précision est estimée de 3 kilomètres à 10 kilomètres. A certains endroits isolés, l’erreur de positionnement peut atteindre bien plus de 10 kilomètres[4]. Majoritairement, 41% de toutes les antennes desservent un territoire d’un kilomètre et 58% s’étendent à 10 kilomètres[5].
- En d’autres termes, plutôt que de parler de la géolocalisation au sens strict, il faut reconnaître que la donnée de positionnement obtenue grâce à la téléphonie mobile n’offre qu’une identification de la zone d’appel à un moment précis[6].
- Pour affiner la localisation, deux possibilités existent selon que la personne surveillée se déplace ou non.
- En cas de déplacement, l’activation d’une autre antenne offre la possibilité de coupler les informations, d’isoler une zone de jonction et ainsi de restreindre la zone de déserte.
- Dans l’hypothèse où aucun déplacement n’est effectué et pour obtenir une zone plus précise, il n’y a pas d’autre moyen que d’accroître la densité du nombre de relais sur le territoire. Cependant, la mise en fonction d’autres antennes relais ne ferait que de diminuer la taille de la zone de desserte. Il n’en reste pas moins que la donnée de positionnement – même plus précise ou plus exactement limitée à un champ territorial plus restreint – ne fournit que l’emplacement approximatif dans une zone et non pas une localisation précise.
- Par conséquent, l’identification Cell ID n’est qu’un moyen de localisation vague qui ne peut assurer de la présence d’un individu, plus précisément de son téléphone mobile, en un lieu plus ou moins étendu dans l’espace. Il ne s’agit donc pas d’administrer une preuve certaine et irréfragable d’un point géographique déterminé.
[1] Dodel, Häupler, p. 83-86 et 118-123; Oosterlink, p. 89.
[2] Andréani, p. 16; Birrer, Terrettaz-Zufferey, p. 485-486.
[3] Cartier, p. 205.
[4] Cartier, p. 205; Hansjakob, BÜPF/VÜPF, art. 1 N 18; OFCOM, infomailing 2008, p. 8.
[5] OFCOM, infomailing 2005, p. 13.
[6] Bauer, Freynet, p. 65; Birrer, Terrettaz-Zufferey, p. 485; Cartier, p. 205.