T496 – b. Le potentiel inexploité du mode Light out par le système automatique d’identification des empreintes digitales

  • Jusqu’à maintenant – et peut-être pour de longues années encore –, l’expertise dactyloscopique s’effectue manuellement, la base de données dactyloscopique ne fournissant qu’une liste de candidats potentiels. L’AFIS n’est qu’un système de tri qui laisse toute latitude au dactyloscope pour fournir un résultat identificatoire[1].
  • Les capacités de l’outil de comparaison automatique sont plus importantes que l’usage actuel. Le système informatisé pourrait – notamment – être exploité de manière totalement automatique. En mode light-out, la base de données travaillerait indépendamment du concours de l’expert dactyloscope sur des identifications dites « faciles ». Ainsi, le dactyloscope pourrait se consacrer au processus identificatoire plus complexe.
  • Même si le mode light-out implique un gain de temps, une optimisation des ressources informatiques et une répartition favorable du personnel scientifique, des difficultés dans sa mise en œuvre doivent être prises en considérations. L’enjeu d’une telle utilisation du système AFIS est de permettre l’identification automatique. Cependant, il est notoire que les systèmes informatisés ne sont pas infaillibles.
  • Ainsi, avant de pouvoir utiliser le système AFIS en mode light-out, il faut impérativement déterminer le taux d’erreur lors d’analyses automatiques des empreintes digitales, fixer un taux de vraisemblance devant être atteint pour qu’aucune vérification manuelle subséquente n’intervienne ainsi que de créer un algorithme de qualité définissant si oui ou non la trace indiciale peut être soumise à une décision automatique[2].
  • Dans l’hypothèse où un tel processus ne serait pas respecté, des risques trop importants de fausse identification ou de faux-négatif seraient à prévoir, ce qui diminuerait sensiblement la force et la valeur probatoire de la dactyloscopie.
[1] Bochet, p. 107; Remy, p. 91; Informations obtenues par Monsieur Axel Glaeser, Chef de division du service AFIS ADN. Supra Partie II, Chapitre 2, I, B, 1, b, ii, n° 579 ss ; Supra Partie II, Chapitre 2, I, C, 3, n° 739 ss.

[2] Supra Partie II, Chapitre 2, I, A, 2, c, i, n° 544-548.

T495 – ii. La reconnaissance vocale des enregistrements issus de la surveillance des télécommunications

  • La voix en tant que caractéristique biométrique bénéficie d’une grande fiabilité identificatoire à l’aide de l’intonation et des sons émis[1].
  • Lors d’une surveillance des télécommunications, principalement d’écoutes des conversations, la voix est un indice important permettant, notamment, de s’assurer que l’interlocuteur est bien la personne surveillée. L’expertise en reconnaissance de locuteurs joue alors un rôle primordial[2].
  • L’indice matériel obtenu par l’enregistrement vocal est converti à l’aide d’une méthode de codage analogique ou numérique et peut être comparé avec d’autres enregistrements sonores enregistrés dans une base de données.
  • Actuellement, la qualité de la technologie de reconnaissance vocale n’est pas employée à large échelle vu son manque de maturité[3]. Généralement, l’identification à l’aide d’autres caractéristiques biométriques est privilégiée et l’utilisation de la reconnaissance vocale est une ultima ratio.
  • Néanmoins, l’empreinte vocale étant reconnue comme individuelle et l’intérêt des chercheurs se portant sur l’amélioration de la reconnaissance à l’aide des effets sonores et de l’intonation, il ne semble pas absurde d’envisager que les progrès dans cette technologie vont tôt ou tard impliquer son utilisation en science forensique à des fins identificatoires.
[1] Meuwly, p. 6.

[2] Meuwly, p. 11.

[3] Métille, Thèse, p. 61; Meuwly, p. 143.

T494 – a. Les données biométriques comme aide à l’investigation criminelle

  • La biométrie se constitue de diverses méthodes qui consistent à convertir les caractéristiques physiologiques – empreintes digitales, corps, visages, voix, etc. – en empreintes numériques[1]. Grâce aux bases de données et à la numérisation des caractéristiques physiques, il est possible de faire des recoupements, notamment, avec des images capturées pas une caméra de vidéosurveillance ou le son d’une voix enregistrée lors d’une surveillance des télécommunications pour identifier un ou des auteurs.
  • Dans le cadre de notre étude, deux techniques nous intéressent donc particulièrement: la reconnaissance faciale et la reconnaissance vocale qui ne sont pour l’heure pas ou peu exploitées par les autorités pénales.
i. La reconnaissance faciale des images de vidéosurveillance
  • Avec la démocratisation de la vidéosurveillance, le nombre d’images ou de séquences vidéo disponibles à des fins judiciaires a explosé. Selon la qualité de l’image, leur potentiel d’exploitation s’accroît.
  • La reconnaissance faciale se base sur la structure et la forme du visage. A l’aide d’un programme informatique, les données faciales – forme générale du visage, distances entre les yeux, le nez et la bouche, forme des yeux, de la bouche, du menton, etc. – sont calculées automatiquement[2]. Une fois ces images intégrées dans la base de données, il est possible, à l’aide d’une photo ou d’une vidéo de bonne qualité, de comparer les visages et ainsi d’identifier les auteurs d’infraction.
  • Dans le cadre d’identification des personnes ayant commis une infraction, le système d’information HOOGAN – collectant les données relatives aux personnes qui ont fait preuve d’un comportement violent lors de manifestations sportives organisées en Suisse ou à l’étranger – emploie le potentiel de la reconnaissance faciale. En effet, l’art. 10 al. 2 de l’Ordonnance sur les mesures de police administrative de l’Office fédéral de la police et sur le système d’information HOOGAN[3] prévoit que les images collectées dans le système informatisé peuvent être traitées dans des systèmes électroniques de reconnaissance des personnes.
  • Ce système a été le premier à utiliser le potentiel biométrique de la reconnaissance faciale. Dorénavant, l’Office des migrations emploie également cette méthode (art. 22 et 99 LAsi). La facilitation offerte par l’informatique devrait petit à petit et de plus en plus être intégrée dans les fichiers de police afin d’obtenir des résultats identificatoires plus fréquents et probants. Notons toutefois que la reconnaissance faciale s’apparente à un traitement de données personnelles et que des lois doivent être édictées pour permettre l’usage de cette possibilité biométrique.
[1] CAI, biométrie, p. 10-19; Ceyhan, p. 34; PFPDT, Biométrie.

[2] CAI, biométrie, p. 13-14.

[3] Ordonnance du 4 décembre 2009 sur les mesures de police administrative de l'Office fédéral de la police et sur le système d'information HOOGAN (OMAH), RS 120.52.

T494 – 5. Des perspectives d’avenir – Quelques orientations possibles de l’exploitation des bases de données par les autorités pénales

  • Les indices qui découlent des diverses sciences et techniques s’intègrent nécessairement dans l’ensemble des éléments permettant d’élucider les faits et d’identifier les auteurs d’infractions. Ainsi, les bases de données, aujourd’hui déjà, améliorent considérablement l’efficacité de l’investigation criminelle grâce à l’organisation et à l’exploitation des données pertinentes.
  • Dans la présente partie, nous désirons exposer deux potentialités des bases de données et de l’informatique dans la phase de comparaison qui ne sont pour l’heure pas exploités, mais qui mériteraient de retenir l’attention des autorités pénales à des fins identificatoires.

T491 – 4. La fiabilité des bases de données dans la recherche criminelle

  • Pour offrir une assistance efficace à l’autorité pénale, un système informatisé et les données qu’il contient doivent revêtir une certaine fiabilité et qualité.
  • La présente partie expose les risques humains ou techniques qui peuvent affaiblir la valeur des données conséquemment l’utilisation des bases de données par l’autorité pénale.
a. Les risques humains
  • Le facteur humain est le principal facteur de risque dans l’utilisation, l’exploitation et la gestion d’une base de données.
i. L’adéquation et la qualité des données
  • Le principe d’adéquation des données repose sur le postulat qu’une information enregistrée dans une base de données n’est utile que si elle est exacte[1]. Ainsi, l’intégration ne doit pas être erronée et une donnée fausse ou devenue obsolète ne doit pas être conservée.
  • La LPD et la LIPAD/GE intègrent ce principe dans leurs modalités d’exploitation des fichiers automatisés. L’art. 5 al. 1 LDP prévoit que le maître du fichier « doit s’assurer qu[e les données] sont correctes. Il prend toute mesure appropriée permettant d’effacer ou de rectifier les données inexactes ou incomplètes […]« , et l’alinéa 2 prévoit le droit de rectification par le titulaire des données. Quant à l’art. 36 al. 1 LIPAD, la disposition prévoit que « [les] institutions publiques veillent […] à ce que [les données personnelles] soient exactes et si nécessaire mises à jours et complétées, autant que les circonstances permettent de l’exiger.« . Cette dernière disposition prévoyant l’adéquation des données selon les circonstances, le régime juridique applicable aux bases de données cantonales est moins strict que celui applicable aux systèmes informatisés fédéraux, mais l’exactitude des données reste une préoccupation des autorités.
  • Malgré ces dispositions, il n’est pas rare que les informations collectées soient fausses ou deviennent obsolètes. A l’appui de ce constat, nous pouvons nous référer à une étude réalisée en France. La loi française prévoit qu' »un traitement ne peut porter que sur des données à caractère personnel [qu’à condition qu’elles soient] adéquates […]« . Le CNIL a contrôlé, en 2009, le système de traitement des infractions constatées – STIC. Durant ce contrôle, il a été constaté que 70% des fiches nouvellement enregistrées comprenaient des erreurs et que 83% des fiches personnelles faisant l’objet d’une demande de droit d’accès étaient incorrectes[2].
  • La conclusion du CNIL démontre qu’un nom mal orthographié, une donnée saisie dans une mauvaise fiche, une information non confirmée ou non vérifiée s’avérant fausse, etc. ne sont pas des erreurs anodines et rares.
  • Une inadéquation des données peut avoir des répercussions importantes sur le résultat du traitement informatisé. En effet, un nom faux ou, par exemple, l’intégration d’une empreinte digitale dans une mauvaise fiche peut fournir un hit après analyse qui amènera la suspicion d’une personne innocente.
ii. Le vol, la perte de maîtrise des informations de connexion et la malveillance des utilisateurs des bases de données
  • La confidentialité, notamment de l’accès aux données collectées par les systèmes informatisés, est un facteur important pour assurer la sécurité des informations afin d’éviter qu’elles soient modifiées, détruites ou consultées indûment.
  • Dans les environnements numériques, les êtres humains sont la faille la plus importante de sécurité[3].
  • L’ingénierie sociale, dont nous avons fait état précédemment[4], exploite le facteur humain et la vulnérabilité dont les utilisateurs d’un système automatisé peuvent faire preuve. Afin d’éviter les pare-feux et les anti-virus, les hackers ou autres personnes malveillantes introduisent des chevaux de Troie non pas directement, mais par l’entremise des utilisateurs autorisés.
  • La vulnérabilité humaine est également exploitée pour simplement extirper frauduleusement un mot de passe et/ou un nom d’utilisateur. Sans parler de l’inconscience de certains employés qui notent sur un post-it collé sous le clavier, sous le tapis de souris, inscrivent dans un cahier leur mot de passe ou quittent leur place de travail sans verrouiller leur session informatique.
  • En outre, la non-actualisation des logiciels anti-virus ou le refus d’installer une mise à jour immédiatement laisse la porte aux attaques pirates et à l’introduction de virus, de portes dérobées ou de chevaux de Troie.
  • Tous ces éléments démontrent une nouvelle fois que le facteur humain cause des risques pour l’adéquation des données et la sécurité des systèmes informatisés et, conséquemment, réduit la valeur des résultats obtenus par le traitement des données, leur analyse et leur corrélation. C’est pourquoi la mise en œuvre d’une sécurité informatique adéquate, la mise à jour automatisée des logiciels de sécurité et la sensibilisation ainsi que la formation du personnel doivent être une priorité pour tout maître de fichier.
b. Les risques techniques
  • Les bases de données même sécurisées ne sont pas complètement fiables. Le risque zéro n’existe pas. Toute mise en œuvre sécuritaire ou organisationnelle a son talon d’Achille. Les hackers, les pirates ou autres petits délinquants se connaissant en informatique ou ayant une connaissance spécialisée dans le domaine trouvent – généralement rapidement – comment procéder pour mettre à mal le réseau et la sécurité d’un système informatisé en utilisant leurs failles.
  • Les bases de données étant un dispositif informatique, elles fonctionnent à l’aide d’un système d’exploitation. Ainsi, la discussion sur la vulnérabilité des systèmes d’exploitation lors de l’analyse des faiblesses des fichiers informatiques perquisitionnés s’applique par analogie aux risques techniques des bases de données[5].
  1. Des perspectives d'avenir – Quelques orientations possibles de l'exploitation
[1] Etizoni, p. 49-51; Martin D., p. 26; Métille, Thèse, p. 73.

[2] CNIL, Conclusion du contrôle du STIC, p. 26.

[3] Bondallaz, protection des personnes, p. 36; Caprioli, p. 5.

[4] Supra Partie II, Chapitre 3, III, A, 5, c, i, n° 2164.

[5] Supra Partie II, Chapitre 3, III, A, 5, c, i, n° 2164 ss.

T484 – 3. L’utilisation des bases de données et la protection des données personnelles

a. Les atteintes à la sphère privée et à l’autodétermination informationnelle
  • La naissance et le développement de l’informatique, sa diffusion progressive et son intégration dans le travail de la police et des autorités judiciaires ont soulevé des problèmes – notamment sur la collecte et la sécurité des données – et suscité quelques débats, notamment, sur l’ingérence aux droits fondamentaux.
  • Les facilités et la rapidité du processus de détection ou de confirmation via les bases de données couplées avec la nécessité de recourir à moins de ressources humaines sur un même dossier ont immanquablement développé les recherches et traitements informatisés par la police. Ces dernières années, le nombre et la nature des bases de données gérées et exploitées par les autorités pénales s’étant accrus[1], les atteintes à la vie privée sont devenues plus fréquentes et d’une intensité plus importante dès lors que les données recueillies s’étendent à tous les aspects de la vie publique, privée et aux informations personnelles[2].
i. Quelles menaces pour la vie privée et les libertés fondamentales?
  • Le traitement des informations pertinentes pour une enquête pénale et pour l’administration de la justice existe depuis longtemps. D’abord effectués manuellement, l’enregistrement et le traitement des données se sont informatisés. Les possibilités de stockage ont augmenté, la vitesse de traitement s’est accrue, l’architecture des bases de données s’est améliorée et l’utilisation a été facilitée au fur et à mesure de l’évolution dans le monde informatique.
  • La caractéristique principale d’une base de données est de recueillir et d’enregistrer des informations généralement personnelles. Pour rappel, grâce aux traitements informatisés, il est possible de trier, de fusionner, d’effectuer des regroupements avec des informations d’une autre base de données, de sélectionner, de mettre à jour, etc. les données enregistrées dans un système[3]. Toutes ces possibilités engendrent l’accumulation des informations. En effet, avant, le traitement manuel nécessitait de ne conserver que certaines données sans quoi le travail était impossible ou gargantuesque; aujourd’hui, si nous regroupons la totalité des données collectées dans une unique base de données, nous ne pourrions que constater qu’il est possible de nous suivre et de contrôler tous nos faits et gestes.
  • Le simple citoyen peine parfois à se rendre compte quelles autorités, entreprises ou personnes privées détiennent des informations personnelles, mais aussi quelles sont ses données personnelles qui sont enregistrées, traitées, voire regroupées. Ainsi, l’accroissement des environnements informationnels crée le risque de perdre peu à peu la maîtrise des données qui nous concernent et de voir sa vie privée violée de manière inadmissible.
  • La Cour européenne des droits de l’Homme[4] et le Tribunal fédéral[5] ont à plusieurs reprises reconnu que l’enregistrement et le traitement d’informations personnelles dans une base de données créent une ingérence au droit à l’autodétermination informationnelle (art. 8 § 1 CEDH et 13 al. 2 Cst). Il va sans dire que le regroupement des données permettant de créer des profils de la personnalité (art. 3 let. d LPD et art. 4 let. c LIPAD/GE) engendre un risque plus élevé pour le respect des garanties des droits personnels.
  • Lors de l’analyse de la preuve dactyloscopique et celle de la preuve génétique, nous avons abordé la nature et la gravité des ingérences aux droits fondamentaux consécutives à l’emploi des bases de données AFIS et CODIS[6]. Les informations concernant l’atteinte aux droits fondamentaux par l’utilisation de ces deux bases de données sont généralisables à toutes les bases de données exploitées par une autorité pénale.
  • Ainsi, plus le nombre de bases de données et de recoupements entre elles augmentent, plus il y a de risque d’une ingérence disproportionnée à la vie privée, au droit à l’autodétermination informationnelle et plus le risque de violation de la présomption d’innocence est important.
ii. Comment limiter des ingérences inacceptables et les craintes suscitées par l’exploitation des bases de données?
  1. a) Les principes généraux
  • L’évaluation de la justification de l’ingérence causée par le traitement informatisé des bases de données AFIS et CODIS fournit un premier élément de réponse[7].
  • Toute exploitation d’une base de données par une autorité pénale doit reposer sur une disposition légale, être justifiée par un intérêt public prépondérant et respecter le principe de proportionnalité.
  • La limitation à un certain cercle d’individus ou à certaines circonstances, la limitation de la conservation et la destruction des données sont des points essentiels pour reconnaître l’atteinte à l’autodétermination comme proportionnée[8].
  1. b) La surveillance, la transparence et l’harmonisation des procédures
  • Trois autres points peuvent limiter les craintes suscitées par l’exploitation des bases de données et le risque d’ingérences inacceptables: la mise en place d’une surveillance drastique et complète dans la gestion des fichiers, l’obligation du respect de la transparence et l’harmonisation des dispositions liées à la constitution et à l’exploitation des données personnelles[9].
  • Grâce à ces éléments, les particuliers peuvent mieux appréhender le traitement des données personnelles qui les concernent et mieux comprendre la procédure applicable à la gestion des bases de données.
  1. La surveillance de la gestion des bases de données
  • La mise en place d’une surveillance doit permettre de contrôler les données qui sont enregistrées, traitées et conservées, de découvrir si des informations inutiles devant être détruites ou ne respectant pas le principe de finalité sont recueillies et conservées, et si les conditions légales pour l’exploitation et la conservation des données sont respectées.
  • Le préposé fédéral à la protection des données personnelles et à la transparence (art. 27 LPD) et les services cantonaux compétents – le préposé à la protection des données à Genève en ce qui concerne les bases de données cantonales (art. 56 LIPAD/GE) – sont chargés de vérifier le respect des normes en vigueur.
  • Néanmoins, vu l’ampleur de leurs tâches, il ne leur est pas possible d’avoir un œil sur toutes les données intégrées et conservées. C’est pourquoi, la surveillance n’est qu’un garde-fou qui n’empêche pas en soi les craintes de l’opinion publique sur la gestion des fichiers.
  1. Le devoir d’informer
  • Le respect du principe de transparence contient deux aspects. D’une part, il s’agit d’informer le public et, d’autre part, de leur octroyer un droit d’accès[10].
  • Concernant l’information, il s’agit de porter à la connaissance de la population la création d’une base de données et les informations qu’elle peut contenir. En droit fédéral et en droit cantonal genevois, un registre, respectivement un catalogue, est tenu par le préposé (art. 11a et 14 LPD et 43 LIPAD/GE)[11]. En outre, l’organe fédéral a le devoir d’informer les personnes concernées par toute collecte de données la concernant (art. 11a et 18a LPD et 18 LIPAD/GE)[12].
  1. Le droit d’accès
  • Il faut différencier l’exercice du droit d’accès en dehors d’une procédure pénale et le droit d’accès dans le cadre d’une telle procédure.
  1. Le droit d’accès en dehors d’une procédure pénale
  • L’ordonnance RIPOL, l’Ordonnance IPAS, la Loi sur les profils d’ADN et l’Ordonnance sur les profils d’ADN ne règlent pas expressément le droit d’accès aux données. En l’absence de dispositions spéciales, le droit d’accès prévu aux art. 8 et 9 LPD, soit un droit d’accès direct[13], est applicable. D’ailleurs, la LSIP y renvoie expressément (art. 7 LSIP).
  • Ainsi, toute personne peut demander au maître du fichier – la Fedpol – si des données la concernant sont traitées dans les systèmes automatisés RIPOL, IPAS ou CODIS.
  • Le système JANUS a une réglementation particulière. L’accès direct est octroyé en ce qui concerne les saisies dans le système d’appui aux enquêtes de la police judiciaire (art. 2 al. 2, 3 al. 2 et 25 let. c O-JANUS cum 7 al. 4 et 10 LSIP).
  • En revanche, l’accès est limité en ce qui concerne les données saisies dans le système informatisé des Offices centraux de police (art. 3 al. 1 et 3 et 25 let. a et b O-JANUS), exception faite des données transmises dans le cadre de la coopération avec d’autres Etats Schengen (art. 3 al. 4 et 25 let. b O-JANUS) et des données cantonales (art. 3 al. 5 et 25 let. d O-JANUS).
  • Quant aux systèmes AFIS, il ne contient aucune disposition relative aux droits d’accès. Cette absence s’explique par le fait qu’aucune donnée nominale n’est intégrée dans cette base de données[14].
  1. Le droit d’accès dans le cadre d’une procédure pénale pendante
  • La Loi fédérale sur la protection des données et la loi cantonale genevoise sur l’information du public, l’accès aux données et la protection des données personnelles ne s’appliquent pas aux procédures pénales pendantes (art. 2 al. 2 let. c LPD et art. 3 al. 3 let. b LIPAD).
  • Dès lors, seul celui qui fait valoir un intérêt à la procédure – soit celui qui participe à la procédure pénale – peut bénéficier du droit de consulter le dossier (art. 101 cum 107 CPP).
  • Ainsi, une personne qui ne participe pas à la procédure doit attendre sa clôture définitive pour pouvoir bénéficier du droit d’accès sur les données recueillies qui la concernent. Ce cas de figure est plutôt rare, les éléments du dossier de procédure concernent généralement une partie. Néanmoins, il peut se présenter. Dès lors, nous pourrions nous interroger si l’inapplicabilité générale de la LPD en cas de procédure pendante ne contrevient pas aux art. 8 § 1 CEDH et 13 al. 2 Cst.
  • En accord avec une partie de la doctrine[15], il nous semble préférable d’instaurer un droit d’accès même durant une procédure pénale pendante pour les non-participants, étant précisé qu’il serait possible de le limiter ou le différer en appliquant par analogie l’art. 9 LPD.
  1. L’harmonisation des procédures
  • La LPD – pour les systèmes informatisés fédéraux – et la LIPAD/GE – pour les systèmes automatisés cantonaux genevois – soumettent quelques exigences d’ordre général. Pour le surplus, la procédure diffère pour chaque base de données, dès lors qu’elles sont réglementées par des ordonnances spécifiques.
  • L’harmonisation du droit offre une meilleure sécurité juridique. Certes, certaines dispositions doivent rester spécifiques aux diverses bases de données: leur champ d’application, leur contenu, les compétences pour gérer, avoir accès, enregistrer ou traiter des données. En revanche, il ne nous paraît pas souhaitable, notamment, que le droit d’accès des particuliers diffère d’une base de données à l’autre.
  • Le droit d’accès est un droit primordial des particuliers dans le respect de leur vie privée et dans l’exercice de leur droit à l’autodétermination informationnelle[16]. Il doit permettre à chacun de contrôler les autorités et de les obliger à transmettre les informations collectées à l’insu de la personne, éventuellement à corriger ou effacer des données.
  • C’est pourquoi, dans l’idéal, les art. 8 et 9 LPD et leurs corollaires au niveau cantonal, les art. 24 et 26 LIPAD/GE, devraient être appliqués[17]. Ainsi, les particuliers pourraient exercer leurs droits avec une meilleure aisance, compléter le contrôle des autorités effectué par le préposé fédéral et les préposés cantonaux, et, ainsi, amoindrir leur crainte du « Big Brother ».
b. L’utilité des bases de données
  • L’automatisation et la création de bases de données comprenant des données personnelles menacent certes le respect à la vie privée ainsi que toutes les libertés personnelles, mais, en contrepartie, l’influence des ordinateurs sur la société a eu un bienfait quant à la facilitation de l’enregistrement, du traitement, de l’analyse, etc. des informations.
  • La prévention et la répression des infractions commandent que les autorités pénales puissent agir rapidement et efficacement. En disposant de renseignements détaillés, valables et actuels, il est possible de cibler les soupçons sur une ou plusieurs personnes, de confondre un auteur d’infraction ou de lier deux affaires entres elles et de bénéficier notamment de plus d’informations, voire d’indices.
  • De manière générale en procédure pénale, la surveillance, la recherche d’indice ou de preuve et leur analyse ne sont utiles que si le but recherché – prouver un fait, identifier ou confondre l’auteur de l’infraction – peut être atteint. Pour ce faire, la récolte des informations susceptibles de prouver un fait allégué doit se poursuivre avec le traitement et l’analyse de ladite information.
  • La croissance constante du volume de données recueillies à montrer les limites du classement manuel. La technologie du traitement automatisé de données offre la possibilité de conserver une quantité presque illimitée de données, de rechercher des informations rapidement et d’effectuer des liens qui étaient jusqu’alors impossibles ou extrêmement longs[18].
  • Toutes les techniques ou sciences présentées dans notre étude peuvent faire l’objet de fiches informatisées et être intégrées à une base de données. Ainsi, en enregistrant les indices dactyloscopiques, les prélèvements ADN et les données de localisation, en traitant les données de facturation, les images de vidéosurveillance, etc. et en couplant toutes les informations recueillies – moments et lieux de commission des infractions, modes opératoires, éléments pertinents, etc. –, l’autorité pénale peut développer ou gérer des hypothèses de travail.
  • A partir des faits constatés, les informations obtenues peuvent par exemple permettre d’affirmer que deux scènes de crimes sont liées entre elles, parce que la présence d’un même individu est constatable ou simplement parce que le mode opératoire est similaire.

Néanmoins, les bases de données ne sont pas et ne seront jamais des « créatrices » de preuve[19]. Elles ne font que confirmer une hypothèse issue du travail d’enquête et du raisonnement des enquêteurs, ou, si aucune hypothèse n’est préalablement formulée, elles peuvent mettre en évidence une voie possible de raisonnement en suggérant de s’intéresser

[1] Cornu, p. 257 ; DSG-Belser, p. 40. Supra Partie II, Chapitre 3, III, B, 2, n° 2208 ss.

[2] Cornu, P. 257; Paoletti, p. 54; Ribaux, p. 148; Vitalis, p. 137-139.

[3] DSG-Waldmann, Oeschger, p. 842; Vitalis, p. 55.

[4] CourEDH, Affaire Leander c. Suède, arrêt du 26 mars 1987, § 48; ComEDH, Affaire Herbecq et l'association ligue des droit de l'Homme c. Belgique, arrêt du 14 janvier 1998, 32200/96 et 32201/96, p. 92; CourEDH, Affaire Amann c. Suisse, arrêt du 16 février 2000, 27798/95, § 65; CourEDH, Affaire Rotaru c. Roumanie, arrêt du 4 mai 2000, 28341/95, § 43-44; CourEDH, Affaire Khelili c. Suisse, arrêt du 18 octobre 2011, 16188/07, § 55-56; CourEDH, Affaire M.M c. Royaume-Uni, arrêt du 13 novembre 2012, 24029/07, § 187-188.

[5] ATF 120 Ia 147, 149 = JdT 1996 IV 61, 61; ATF 124 I 80, 81-82 = JdT 2000 IV 24, 25-26; ATF 128 II 259, 269 = JdT 2003 I 411, 420 = SJ 2002 I 531, 531-532; ATF 133 I 77, 80-81; ATF 137 I 167, 172-173.

[6] Supra Partie II, Chapitre 2, I, B, 1, b, ii, n° 579 ss; Supra Partie II, Chapitre 2, I, C, 3, n° 739 ss; Supra Partie II, Chapitre 2, II, B, 1, a, ii et iii, n° 850 ss et 853 ss; Supra Partie II, Chapitre 2, II, C, 2, a, ii, n° 1040 ss; Supra Partie II, Chapitre 2, II, C, 2, c, n° 1060 ss.

[7] Supra Partie II, Chapitre 2, I, B, 1, b, ii, n° 579 ss; Supra Partie II, Chapitre 2, I, C, 3, n° 739 ss; Supra Partie II, Chapitre 2, II, B, 1, a, ii et iii, n° 850 ss et 853 ss; Supra Partie II, Chapitre 2, II, C, 2, a, ii, n° 1040 ss; Supra Partie II, Chapitre 2, II, C, 2, c, n° 1060 ss.

[8] TF 1C_363/2014 du 13 novembre 2014, c. 2 = SJ 2015 I 128, 129-130.

[9] Bondallaz, protection des personnes, p. 440, Métille, Thèse, p. 295-300; Message, CPP, p. 1138; Vitalis, p. 144.

[10] DSG-Epiney, p. 544; Meier P., p. 275.

[11] DSG-Epiney, Fasnacht, p. 544; Meier P., p. 347; Rosenthal, Jöhri, art. 7a N 11.

[12] DSG-Epiney, Fasnacht, p. 608; DSG-Waldmann, Bickel, p. 691; Rosenthal, Jöhri, art. 4 N 51.

[13] A ce sujet: DSG-Epiney, Fasnacht, p. 612-613; Meier P., p. 370-372.

[14] Supra Partie II, Chapitre 2, I, B, 1, b, ii, a), n° 582 ss; Supra Partie II, Chapitre 2, I, C, 3, b, n° 747 ss.

[15] BSK-DSG-Maurer-Lambrou, Kunz, art. 2 N 27; Rosenthal, Jöhri, art. 2 N 31-32.

[16] BSK-DSG-Gramigna, Maurer-Lambrou, art. 8 N 1 ; Meier P., p. 361.

[17] A ce sujet, voir: DSG-Waldmann, Oeschger, p. 865 ; Métille, Thèse, p. 305-308.

[18] Cornu, p. 258; Métille, Thèse, p. 74; Ribaux, p. 136-137; Rossy, p. 73.

[19] Ribaux, p. 142.

T479 – 2. Quelques bases de données fédérales

  • Proposé en 1970 par le chercheur Edgar F. Codd d’IBM[1], le modèle de base de données relationnelle, composée de diverses tables contenant des données et étant liées en entre-elles, s’est propagé rapidement. Le système JANUS, le système RIPOL, le système IPAS, la base de données AFIS, la base des données ADN CODIS, tous ces fichiers des autorités suisses utilisent un système de gestion relationnelle.
  • Néanmoins, en vertu de la nature des données collectées, du nombre d’utilisateurs potentiels et du type d’utilisation désirée, une même information peut être présentée et/ou classée de diverses manières en fonction de l’usage qui en est fait et de sa mise en œuvre, notamment quant aux critères principaux ou secondaires de traitement et de recherche. Les bases de données sont donc de facto toutes différentes[2].
  • En Suisse, il existe un certain nombre de bases de données: privées ou publiques, communales, cantonales, intercantonales ou fédérales, etc. Physiquement et juridiquement, toutes ces bases de données ont leurs propres particularités. Il est difficile, voire impossible, d’être exhaustif quant au contenu matériel de ces systèmes informatisés ou au champ d’application juridique. Nous présenterons brièvement les principales bases de données intéressantes dans le cadre de notre étude et de la procédure pénale.

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T475 – B. Les bases de données – 1. L’avènement des systèmes d’information

« [Le développement de l’informatique] a suscité, en même temps que l’espérance d’une société mieux informée, plus prospère et plus libre, des appréhensions très sérieuses. […] l’informatique pouvant mettre à la disposition des personnes publiques et des entreprises privées, un assez grand nombre d’informations sur les particuliers […] »[1].

  • Cette citation reprise de l’écrit de Jean Frayssinet et Pierre Kayser fait référence aux bases de données créées par les autorités compétentes ou par des entreprises privées.
  • Le domaine de l’informatique offre de nouvelles perspectives rendant quasiment dépendantes les utilisateurs qui constatent une facilitation dans l’exercice de leurs tâches professionnelles et privées. La création de bases de données automatisées ne fait pas exception. Les entreprises, les personnes privées et l’administration recourent de plus en plus à cette méthode pour classer, rechercher, mettre à jour et transmettre les données, renseignements ou informations recueillies.
  • La présente partie vise à placer l’utilisation des bases de données dans la perspective de la recherche criminelle relative à l’identité du ou des auteurs, à la comparaison d’indices, voire à leur corrélation. Après une présentation générale des bases de données et leur usage en Suisse par les autorités pénales ou les acteurs de la justice (1.-2.), nous axerons notre analyse sur les conflits pouvant exister entre les droits de la personnalité et l’exploitation de bases de données (3.) ainsi que sur les risques inhérents à la technicité de ce domaine informatique (4.). Puis, nous conclurons par le potentiel futur des bases de données (5.)

1. L’avènement des systèmes d’information

a. Les remarques générales
  • Depuis de nombreuses années, la puissance des systèmes informatiques a considérablement progressé, les composants se sont miniaturisés et le coût du matériel informatique a chuté pour devenir accessibles à toutes les entreprises et aux particuliers. Les premiers disques durs en 1956 ont permis d’utiliser les ordinateurs pour collecter et stocker de grandes quantités d’informations. Avec le développement de la technicité des équipements utiles à la transmission et au traitement des informations, l’intégration, la gestion et la recherche automatisée des données sont devenues qualitativement et quantitativement plus performantes.

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T472 – 6. Une perspective d’avenir – L’espion clavier

6. Une perspective d’avenir – L’espion clavier

  • Depuis quelques années, un nouveau produit est apparu: l’espion clavier, enregistreur de frappe ou keylogger, permettant d’intercepter des informations directement depuis l’ordinateur d’une personne surveillée.
a. Qu’est-ce que l’espion clavier?
  • Il existe deux types d’espion clavier: logique ou matériel[1]. Tous deux se définissent comme un processus furtif qui est chargé d’enregistrer les touches frappées sur le clavier.
  • L’espionnage logiciel ou espion clavier logique est un programme inoffensif et invisible de l’utilisateur qui enregistre les frappes dans un fichier du disque dur. Si le logiciel est couplé avec un cheval de Troie, il les transmet directement à un tiers via le réseau. Dans le cas contraire, le fichier peut être récupéré directement sur l’ordinateur. Ce logiciel s’installe soit directement, soit par le biais d’un logiciel type cheval de Troie. L’utilisation d’un pare-feu peut permettre de contrecarrer les risques d’un espion clavier logique.
  • L’espionnage par matériel ou espion clavier matériel ne peut pas être déjoué par un pare-feu, mais demande d’avoir accès au matériel informatique. Pour pouvoir intercepter les touches frappées par un utilisateur, il suffit d’ajouter un dispositif – câble ou dongle (clé électronique) – entre le port de branchement du clavier et le clavier lui-même. Quant au clavier sans fil, il suffit de capter les ondes émises entre le clavier et le récepteur, et de les déchiffrer. En outre, le dispositif matériel peut ou non être pourvu d’un émetteur afin de transmettre en direct l’information à l’observateur.
b. L’utilité de l’espion clavier en procédure pénale
  • L’utilité de la surveillance policière et judiciaire des messages électroniques n’est plus à prouver. L’espion clavier offre un nouveau moyen de surveillance.
  • Niklaus Schmid considère que l’utilisation des ondes électromagnétiques et l’usage d’un espion clavier relève de l’art. 280 let. b CPP[2]. Il considère que l’espion clavier matériel est un dispositif technique de surveillance qui permet d’enregistrer des actions.
  • Néanmoins, l’interprétation de Niklaus Schmid semble aller trop loin sur un point. Comme le relève Thomas Hansjakob[3], en accord avec Stefan Trechsel et Viktor Lieber[4], l’enregistrement d’un autre dispositif technique doit être en relation avec un élément qui est observé. En l’espèce, l’espion clavier ne permet pas l’observation. En outre, l’espion clavier logique est un programme et non un dispositif qui ne serait donc pas inclus dans le champ d’application de l’art. 280 CPP[5].
  • Alors qu’aucune solution ne semble envisagée actuellement pour l’utilisation de l’espion clavier logique, la modification de la LSCPT et l’introduction de l’art. 269ter CPP permettront l’utilisation d’un logiciel qui capte et lit des données informatiques. Par conséquent, outre la possibilité de pouvoir utiliser les chevaux de Troie, l’art. 269ter CPP constitue la base légale justifiant l’ingérence aux droits fondamentaux créée par l’utilisation de l’espion clavier.
c. L’évolution du espion clavier avec l’espionnage à distance à l’aide des ondes électromagnétiques
  • L’espion clavier est devenu une méthode de piratage couramment utilisée grâce aux logiciels de type keyloggers. En 2008, deux étudiants de l’EPFL ont trouvé une méthode pour faire parler les claviers sans utiliser de logiciels espions ni de dispositifs techniques[6]. Il suffit d’intercepter les ondes électromagnétiques.
  • Onze claviers filaires connectés par PS/2 – prise classique –, par USB ou raccordés à un ordinateur portable ont été testés. Les claviers étant tous conçus avec des composants électroniques, ils émettent des ondes électromagnétiques de faible portée. Ainsi, à une distance de 20 mètres, il est possible d’intercepter les ondes et de retranscrire les informations tapées.
  • Même si la portée des ondes est faibles, ce processus offre la possibilité d’employer une faille qui ne peut être déjouée ni par un antivirus, ni par aucun pare-feu. Ainsi, si l’autorité pénale emploie ce moyen – à condition que cette technique soit prévue par la loi –, la personne surveillée n’aura pour seul moyen que de placer son clavier dans une cage métallique – cage de Faraday – pour ne pas voir ses frappes claviers interceptées.
  • Précisons au surplus que cette méthode n’est encore ni prouvée par une autre étude, ni testée plus concrètement et à large échelle. Dès lors, les risques d’interférence, notamment, ne sont pas démontrés. Par conséquent, la fiabilité des données de frappes doit encore être établie pour déterminer si cette méthode peut faire l’objet d’un moyen de preuve suffisamment probant.

 

[1] Bondallaz, protection des personnes, p. 39; Moreillon, Blank, p. 81-82; Treccani, p. 234-236.

[2] Schmid, Praxiskommentar, art. 280 N 9.

[3] StPO-Hansjakob, art. 280 N 15.

[4] Trechsel, Pieth-Trechsel, Lieber, art. 179bis N 7.

[5] Supra Partie II, Chapitre 3, I, A, 4, c, i, b), n° 1309 ss.

[6] Le Temps, Comment espionner à distance un clavier, article du 28 octobre 2008.

T470 – c. Les données issues de la perquisition sur un support informatique

i. La vulnérabilité des systèmes d’exploitation
  • Les systèmes d’exploitation, malgré l’utilisation de sécurités, de logiciels anti-virus ou de programmes anti-malware, sont vulnérables et sujets à des attaques extérieures pouvant décrédibiliser la validité des données informatiques perquisitionnées, dès lors que leur intégrité n’est plus garantie[1].
  • Les attaques par logiciels malveillants – virus, vers, chevaux de Troie, etc. – ou logiciels espions vont infecter le système informatique à l’insu de l’utilisateur. Diverses variantes existent et ne cessent d’évoluer pour déjouer la sécurité des anti-virus. Nous énonçons les attaques les plus fréquentes et les conséquences qu’elles peuvent avoir sans pour autant être exhaustif sur les méthodes possibles.
  • La modification de données est la méthode la plus simple, la plus sûre et la plus courante en matière de criminalité informatique. Elle peut être effectuée manuellement par toutes personnes participant ou ayant accès au processus de création, d’enregistrement, de codage, d’analyse, de conservation ou de transformation des données informatisées[2]. Il est ainsi possible d’obtenir des documents falsifiés.
  • Les virus et les vers sont des programmes malveillants conçus pour pénétrer dans des systèmes et se dupliquer. Ce type de logiciels malveillants n’a que peu d’impact sur la preuve informatique dès lors qu’ils ne font que détruire les données.
  • Les kits racines ou Rootkits offrent les droits d’administrateur sur une machine afin d’installer une porte dérobée (voir l’explication sous la description des chevaux de Troie), de truquer les informations et d’effacer certaines traces – historiques, chronologies, journaux, etc. – à distance.
  • Les chevaux de Troie ont déjà fait l’objet de notre étude[3], nous revenons donc brièvement sur le sujet. Le programme parasite réalise des tâches non-autorisées sur l’ordinateur infecté qui continue pour autant à fonctionner normalement. Il existe plusieurs sous-catégorie de chevaux de Troie, notamment les « portes dérobées » qui sont les chevaux de Troie les plus dangereux, les plus répandus et ceux qui créent le plus de risques pour l’authenticité des fichiers informatiques. Il s’agit d’un utilitaire d’administration à distance qui permet de prendre le contrôle de l’ordinateur et ainsi d’intégrer des fichiers, des données, de les modifier ou d’intercepter des informations confidentielles comme les mots de passe[4].
  • Le super-zapping est un programme utilitaire permettant de modifier des fichiers.
  • Ces quelques exemples de logiciels espions nous mènent à un seul constat: les systèmes d’exploitation ne sont pas protégés contre tous les risques et les données informatiques ne sont ni fiables, ni inaltérables, ni forcément authentiques. En cas d’utilisation des informations enregistrées sur supports informatiques, des mesures tangibles de vérification pour s’assurer de l’originalité des données, notamment en combinant les données informatiques avec d’autres types de preuve, doivent être prises sans quoi le doute ne peut pas être ôté[5].
ii. L’incapacité générale d’authentifier les données informatiques
  • Nous l’avons énoncé ci-dessus toute une série de moyens peuvent mettre à mal l’authenticité des fichiers informatiques[6]. En effet, actuellement, il est difficile, en l’absence de signature électronique, de prouver qu’il existe aucune modification ou manipulation d’une preuve informatique[7].
  • La signature électronique est un procédé qui permet de déterminer l’origine du document électronique et de vérifier qu’il n’a pas été modifié[8]. Il est ainsi possible de prouver l’authenticité et l’intégrité du document signé électroniquement.
  • L’admissibilité de l’écrit électronique est par ailleurs étendue à l’acte authentique sous forme électronique. Il dispose de la même force probante que l’acte authentique sur support papier sous réserver, notamment, que le fichier soit établit en respectant une certaine procédure (art. 10, 11 et 13 OAAE[9]) et que la signature électronique soit apposée par l’officier public (art. 3 al. 1 let. d OAAE).
  • Cependant, il nous faut relever qu’en 2008, soit avant l’introduction de l’ordonnance sur les actes authentiques électroniques, des chercheurs en sécurité indépendants, notamment de l’EPFL, ont trouvé des failles dans l’infrastructure du certificat électronique. Une équipe chinoise a réussi à créer une attaque dite de collision et a pu créer deux messages différents avec une même signature électronique[10]. Certes, le MD5 – algorithme utilisé pour certaines signatures électroniques – n’est quasiment plus exploité; néanmoins, il n’est pas exclu que le SHA-3 fasse également l’objet de faille que les hackers découvriront rapidement[11]. Il est, également, utile de relever que le SwissID – signature électronique utilisée en Suisse qui répond aux normes en vigueur (Loi fédérale du 19 décembre 2000 sur les services de certification dans le domaine de la signature électronique (SCSE), RS 943.03) – a fait l’objet d’un piratage en 2010.
  • Ce constat remet en cause la valeur scientifique ou technique des moyens informatiques qui peuvent facilement être décrédibilisés. Dès lors qu’il n’est pas possible de prouver qu’un fichier est un original qui n’a subi aucune modification, la défense pourra facilement émettre un doute permettant l’acquittement de l’accusé.
  • Ainsi, comme toute preuve analysée jusqu’à présent, la nécessite d’un faisceau d’indices et de moyens probatoires est essentiel.
[1] Caprioli Eric, L'archivage électronique: de la dématérialisation à la politique d'archivage, l'omniprésence du droit, disponible sur: http://www.caprioli-avocats.net/ [consulté le 08.05.2016]; Furner, p. 210; Lathoud, p. 189; Treccani, p. 226.

[2] Buquet, p. 327.

[3] Supra Partie II, Chapitre 3, I, A, 4, c, i, d), n° 1347 ss; Supra Partie II, Chapitre 3, III, A, 5, a, ii, n° 2128 ss.

[4] Buquet, p. 327 et 328; Treccani, p. 226.

[5] Furner, p. 210-211.

[6] Supra Partie II, Chapitre 3, III, A, 5, c, i, n° 2164 ss.

[7] Lathoud, p. 190.

[8] Fischer, Kuhn, p. 6-7; Jaccard, p. 120 ss; Message, SCSél, p. 5428; Müller Jérémie, p. 251.

[9] Ordonnance du 23 septembre 2011 sur l’acte authentique électronique (OAAE), RS 943.033.

[10] Informations disponibles sur le site de l’EPFL: http://actualites.epfl.ch [consulté le 08.05.2016].

[11] Informations disponibles sur le site de l’EPFL: http://actualites.epfl.ch [consulté le 08.05.2016].