T327 – c. Le contexte technique de la vidéosurveillance

  • Le système de vidéosurveillance commande l’usage d’une caméra, d’une ligne de transmission, d’un ou de plusieurs moniteurs/écrans permettant la visualisation des images, et, fréquemment, d’un dispositif d’enregistrement[1].
  • La capture de l’image, appelée également l’imagerie, est réalisée par une caméra optique, numérique, radar, etc. Selon la caméra employée, la fluidité des mouvements, la précision de l’image et sa luminosité peuvent varier influant sur les possibilités identificatoires ou d’élucidation des faits.
  • La transmission permet la visualisation de l’image d’un lieu géographiquement distant de la caméra. Avec l’essor de l’informatique, les moyens de transmission ont largement évolué. Généralement, le signal vidéo – se définissant comme la capture de l’image prise par une caméra identifiée par son adresse IP – transite par le réseau informatique local ou internet à l’aide d’un faisceau laser, d’un réseau électrique, d’un satellite, etc.
  • L’archivage ou le stockage est une technologie employée dans certains types de systèmes de vidéosurveillance. Corrélativement à la transmission, l’évolution de l’informatique permet de stocker les informations visuelles recueillies à l’aide des caméras sur des disques durs ou des supports amovibles. Il est donc possible de garder – en tout cas un certain temps – les images filmées dans le but de les utiliser.

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T327 – iv. Excursus: l’enregistrement audiovisuel

  • Le Code de procédure pénale (art. 76 al. 4 et 154 al. 4 CPP) prévoit la possibilité d’enregistrer sur un support visuel, audio ou audiovisuel certains actes d’instruction, notamment les témoignages ou les déclarations effectuées par la partie plaignante. Dans ce cadre, la capture des images sert non seulement à compléter le procès-verbal (art. 77 let. e et g CPP) [1], mais peut également être administrée au procès.
  • L’utilisation d’une caméra doit permettre notamment: d’éviter la confrontation entre l’accusation et la défense, de fournir un moyen de preuve en évitant ainsi les ouïes-dires et de fournir à la Cour les passages exacts des déclarations faites lors de la procédure d’enquête ou d’investigation, voire de limiter le nombre d’auditions de la victime ou d’interrogatoires des témoins[2].
  • Grâce à la technologie audiovisuelle, les gestes, les mimiques physiques et le comportement général de l’individu entendu sont enregistrés. Ces indices peuvent permettre de déterminer si la vérité est réellement apportée ou si une gêne existe. Ainsi, le tribunal peut apprécier le degré de spontanéité des déclarations de la personne concernée et fonder sa décision sur ce qu’il peut voir à travers les images[3].
  • Outre le visuel directe des formulations et gestuelles de l’individu, l’enregistrement audiovisuel accroît la précision de la traduction et assure que la procédure encadrant l’interrogatoire ait bien été respectée[4].
  • Ainsi, l’enregistrement audiovisuel est un outil précieux pour obtenir la perception la plus exacte des interrogatoires, notamment lorsqu’aucune confrontation directe n’est exigible. Néanmoins, il faut garder à l’esprit, principalement pour l’interprétation de la gestuelle et la traduction, qu’un aspect subjectif n’est pas totalement absent[5].
[1] CR-CPP-Bomio, art. 77 N 1; Hauser, Schweri, Hartmann, p. 198; Schmid, Praxiskommentar, art. 78 N 9 et 11.

[2] Etrillard, p. 48; Vogt, p. 411.

[3] Büllesfeld, p. 32; McDonald, p. 78.

[4] Etrillard, p. 48; Ill, p. 166.

[5] Infra Partie II, Chapitre 3, I, B, 4, b, ii, c, n° 1642 ss; Infra Partie II, Chapitre 3, I, B, 4, b, iii, n° 1658-1659.

T325 – iii. L’agencement du système de vidéosurveillance

  • Certains auteurs de doctrine distinguent, à juste titre, trois groupes de vidéosurveillance dépendamment de leur agencement[1].
  • La vidéosurveillance non informatisée est une surveillance directe des personnes permettant de les identifier sans enregistrement de données[2]. Il s’agit d’une pure transmission d’image sur un moniteur qui demande une présence constante d’un personnel de surveillance.
  • En grande majorité, ce type de vidéosurveillance est utilisé comme méthode de dissuasion.
  • En outre, si la caméra est munie d’un zoom optimal, il est toujours possible d’identifier un individu.
  • Ce type de vidéosurveillance sans enregistrement ne constitue pas en soi une ingérence à la sphère privée des individus[3].
  • La vidéosurveillance avec enregistrement simple occasionne, comme son nom l’indique, l’enregistrement des données – images filmées – qui sont automatiquement effacées après une brève période. Ainsi, il est possible d’admettre ultérieurement les informations enregistrées comme moyen de preuve.
  • Ce moyen de vidéosurveillance avec l’effacement automatique atteint aux libertés fondamentales de manière plus ou moins légère selon la durée de conservation[4].
  • La vidéosurveillance avec traitement informatisé permet de coupler les données enregistrées avec une ou des bases de données – biométrique, policière, etc. – afin d’établir un profil de la personnalité[5]. A l’aide du traitement informatique des images, il est également possible d’améliorer les contrastes, d’élargir une section de l’image, etc. Ce potentiel permet une meilleure évaluation des données recueillies et par conséquent une mise en perspective plus probante avec d’autres informations préalablement enregistrées.
  • Ce type de vidéosurveillance atteint sans conteste aux droits et libertés fondamentaux[6].
[1] Bausch, p. 3-4; Büllesfeld, p. 20-22; Ruegg, Flückiger, November, Klauser, p. 89.

[2] Büllesfeld, p. 20; Ruegg, Flückiger, November, Klauser, p. 89.

[3] CourEDH, Affaire Peck c. Royaume-Uni, arrêt du 28 janvier 2003, 44647/98, § 59; CourEDH, Affaire Calmanovici c. Roumanie, arrêt du 1er juillet 2008, 42250/02, § 130.

[4] ComEDH, Affaire Herbecq et l'association ligue des droit de l'Homme c. Belgique, arrêt du 14 janvier 1998, 32200/96 et 32201/96, p. 92; CourEDH, Affaire Amann c. Suisse, arrêt du 16 février 2000, 27798/95, § 65-67; CourEDH, Affaire P.G et J.H c. Royaume-Uni, arrêt du 25 septembre 2001, 44787/98, § 59-60.

[5] Auer, Flückiger, p. 925; Büllesfeld, p. 21-22; Ruegg, Flückiger, November, Klauser, p. 89.

[6] ComEDH, Affaire Herbecq et l'association ligue des droit de l'Homme c. Belgique, arrêt du 14 janvier 1998, 32200/96 et 32201/96, p. 92; CourEDH, Affaire Amann c. Suisse, arrêt du 16 février 2000, 27798/95, § 65-67; CourEDH, Affaire P.G et J.H c. Royaume-Uni, arrêt du 25 septembre 2001, 44787/98, § 59-60.

T324 – ii. La finalité de la vidéosurveillance

ii. La finalité de la vidéosurveillance
  • L’objectif visé par la mise en œuvre d’un système de vidéosurveillance amène la doctrine à différencier trois, voire quatre, types de surveillance des lieux publics ou privés: invasive, dissuasive, répressive et d’observation[1].
  • La vidéosurveillance invasive a pour but de surveiller un individu déterminé ayant commis une infraction ou soupçonné d’en commettre une prochainement. Pour être efficace, cette surveillance est secrète. Les normes de droit pénal (art. 179quater et 179octies CP), de procédure pénale (art. 280 ss CPP) et de droit policier – surveillance préventive – réglementent la mise en œuvre d’une telle mesure.
  • La vidéosurveillance dissuasive doit être visible pour atteindre son but[2], c’est-à-dire d’éviter les comportements illicites en dissuadant les auteurs d’agir contrairement à la loi et à la morale. Nonobstant son usage par les particuliers, ce type de surveillance fait partie intégrante des tâches policières et est donc réglementé par le droit en la matière.
  • Les mesures de surveillance répressive peuvent être issues de la vidéosurveillance dissuasive ou invasive. Dès qu’un système d’enregistrement est intégré au dispositif de vidéosurveillance, indépendamment du but premier invasif ou dissuasif, les images collectées peuvent être utilisées a posteriori comme preuve pour établir les faits ou confondre le coupable[3]. Cette mesure de surveillance intervient dans le cadre d’une procédure pénale et doit donc respecter les dispositions générales sur la preuve (art. 139 ss CPP) et les moyens de contrainte (art. 196 ss CPP), ainsi que les dispositions spécifiques sur les autres mesures techniques de surveillances (art. 280 ss CPP).

La vidéosurveillance d’observation est notamment employée pour surveiller le trafic routier. Elle ne vise pas à modifier le comportement des usagers et les enregistrements ne contiennent généralement pas de données personnelles. Il s’agit par exemple uniquement de surveiller le flux des véhicules ou de permettre l’envoi rapide d’une patrouille en cas d’accident. Néanmoins, la résolution toujours plus performante offre la possibilité d’identifier les individus, notamment par leur numéro d’immatriculation[4]. Il paraît donc vraisemblable que la vidéosurveillance d’observation devienne prochainement une sous-catégorie de la vidéosurveillance invasive ou dissuasive.

[1] Baeriswyl, Videoüberwachung, p. 27; Büllesfeld, p. 19-20 et 31-35; Cusson, Nouvelles technologies, p. 69; DFJP, Rapport vidéosurveillance, p. 9; Flückiger, p. 197; Rémy, p. 110; Ruegg, p. 6; Ruegg, Flückiger, November, Klauser, p. 7.

[2] Baeriswyl, Videoüberwachung, p. 27; Büllesfeld, p. 22 et 34; Métille, Thèse, p. 84.

[3] Büllesfeld, p. 23 et 32; Müller, Schefer, p. 173.

[4] Müller, Wyssmann, p. 542; Ruegg, Flückiger, November, Klauser, p. 41.

T323 – i. La vidéosurveillance exercée par les personnes privées et par les autorités publiques

  • En réponse aux menaces d’insécurité, les autorités fédérales ou cantonales et les particuliers ont massivement déployé des systèmes de surveillance caméra sur le domaine privé ou public[1]. Cependant, selon la qualification juridique de l’auteur de la vidéosurveillance, les domaines pouvant être surveillés diffèrent.
  • Un particulier est habilité à surveiller sa propriété alors que les autorités cantonales ou fédérales peuvent surveiller le domaine public. En revanche, un particulier n’est en général pas autorisé à filmer le domaine public; corrélativement, une autorité publique, exception faite de la police en cas d’infraction pénale, n’est pas habilitée à employer la vidéosurveillance dans un lieu privé sans l’assentiment de l’ayant-droit[2]. Il faut par conséquent définir ces divers lieux pour connaître où une personne privée ou morale et où une autorité officielle peuvent agir.
  • Le domaine privé comprend la partie du territoire appartenant à une personne physique ou morale dont elle peut disposer librement, soit sa propriété (art. 641 CC).
  • Si le domaine privé appartient aux personnes physiques ou morales, l’espace public échoit aux collectivités publiques et à ses organes. Pour la doctrine et la jurisprudence, « le domaine public comprend l’ensemble des choses et des biens qui ne sont pas affectés à une finalité particulière par l’Etat et qui peuvent être utilisés par les particuliers sans interventions des agents publics, en principe de manière libre, égale et gratuite« , ce qui comprend les rues, les places, les parcs, etc. A ceci s’ajoute le patrimoine administratif de l’Etat – biens mobiliers ou immobiliers – lui permettant de remplir ses tâches, tels que les hôpitaux, musées, écoles, parkings, etc.[3].
  • Cette démarcation entre domaine privé et public implique quelques inégalités. Par exemple, alors que les commerçants d’une rue piétonne devront faire la demande aux autorités s’ils désirent installer un système de caméra de surveillance pour se prémunir contre les incivilités extérieures; la situation est différente pour les commerçants regroupés dans un centre commercial, dès lors qu’ils sont seuls à décider.
  • En accord avec une partie de la doctrine, la frontière entre le domaine privé et public doit être parfois atténuée à l’aide de la notion d' »espace à usage public » qui intègre les lieux ouverts au public issus du secteur privé ou public. Il ne s’agit alors plus de distinguer les lieux en fonction du statut juridique de l’exploitant de la vidéosurveillance, mais de son usage[4]. En revanche, seule la propriété foncière est opérante pour déterminer l’applicabilité des droits relatifs à la mise en place d’un système de surveillance caméra.
[1] Klauser, CCTV, p. 148-149.

[2] Infra Partie II, Chapitre 3, I, B, 2, c, i, n° 1496 ss; Infra Partie II, Chapitre 3, I, B, 2, c, ii, a) et c), n° 1530 et 1546-1547.

[3] Auer, Flückiger, p. 926; Hottelier, SJ 2002, p. 124 et 126; Moor, Poltier, p. 253 ss; Ruegg, p. 3; Ruegg, Flückiger, November, Klauser, p. 47.

[4] Ghorra-Gobin, p. 50; Lévy J., p. 337; Ruegg, p. 4.

322 – 1. L’introduction

a. La définition de la vidéosurveillance
  • La vidéosurveillance désigne l’observation de lieux, de comportements ou de personnes à l’aide d’un dispositif optique électronique[1]. Il s’agit d’un système technique composé d’une caméra et d’un moniteur distant géographiquement – même de quelques mètres – qui sont reliés par un moyen technique de transmission et dont les images transférées peuvent ou non faire l’objet d’un enregistrement[2].
  • Ainsi, l’utilisation de la surveillance vidéo fait appel à diverses technologies: la capture, la transmission et, éventuellement, l’archivage et l’analyse des données[3].
  • En d’autres termes, la vidéosurveillance est une technique de surveillance permettant d’obtenir des images, de les visualiser et/ou de les archiver afin de pouvoir les utiliser en cas de besoin, notamment pour élucider une infraction ou identifier l’auteur d’un acte délictuel, voire pour servir de preuve.
b. Les divers types de vidéosurveillance
  • La vidéosurveillance peut être installée par une personne physique ou morale ou encore par une autorité. Elle englobe toute une série de systèmes qui s’utilisent à diverses fins. En outre, elle s’accompagne ou non d’un enregistrement des images. En fonction de ces trois critères, la protection des droits fondamentaux et le régime juridique de mise en œuvre varient substantiellement. C’est pourquoi il faut distinguer les divers types de vidéosurveillance pouvant exister en Suisse.
[1] Bausch, p. 3

[2] Bauer, Freynet, p. 11; Büllesfeld, p. 6; Fichet-Boyle, p. 205.

[3] Ruegg, Flückiger, November, Klauser, p. 31-36. Infra Partie II, Chapitre 3, I, B, 1, c, n° 1439 ss.