T323 – i. La vidéosurveillance exercée par les personnes privées et par les autorités publiques

  • En réponse aux menaces d’insécurité, les autorités fédérales ou cantonales et les particuliers ont massivement déployé des systèmes de surveillance caméra sur le domaine privé ou public[1]. Cependant, selon la qualification juridique de l’auteur de la vidéosurveillance, les domaines pouvant être surveillés diffèrent.
  • Un particulier est habilité à surveiller sa propriété alors que les autorités cantonales ou fédérales peuvent surveiller le domaine public. En revanche, un particulier n’est en général pas autorisé à filmer le domaine public; corrélativement, une autorité publique, exception faite de la police en cas d’infraction pénale, n’est pas habilitée à employer la vidéosurveillance dans un lieu privé sans l’assentiment de l’ayant-droit[2]. Il faut par conséquent définir ces divers lieux pour connaître où une personne privée ou morale et où une autorité officielle peuvent agir.
  • Le domaine privé comprend la partie du territoire appartenant à une personne physique ou morale dont elle peut disposer librement, soit sa propriété (art. 641 CC).
  • Si le domaine privé appartient aux personnes physiques ou morales, l’espace public échoit aux collectivités publiques et à ses organes. Pour la doctrine et la jurisprudence, « le domaine public comprend l’ensemble des choses et des biens qui ne sont pas affectés à une finalité particulière par l’Etat et qui peuvent être utilisés par les particuliers sans interventions des agents publics, en principe de manière libre, égale et gratuite« , ce qui comprend les rues, les places, les parcs, etc. A ceci s’ajoute le patrimoine administratif de l’Etat – biens mobiliers ou immobiliers – lui permettant de remplir ses tâches, tels que les hôpitaux, musées, écoles, parkings, etc.[3].
  • Cette démarcation entre domaine privé et public implique quelques inégalités. Par exemple, alors que les commerçants d’une rue piétonne devront faire la demande aux autorités s’ils désirent installer un système de caméra de surveillance pour se prémunir contre les incivilités extérieures; la situation est différente pour les commerçants regroupés dans un centre commercial, dès lors qu’ils sont seuls à décider.
  • En accord avec une partie de la doctrine, la frontière entre le domaine privé et public doit être parfois atténuée à l’aide de la notion d' »espace à usage public » qui intègre les lieux ouverts au public issus du secteur privé ou public. Il ne s’agit alors plus de distinguer les lieux en fonction du statut juridique de l’exploitant de la vidéosurveillance, mais de son usage[4]. En revanche, seule la propriété foncière est opérante pour déterminer l’applicabilité des droits relatifs à la mise en place d’un système de surveillance caméra.
[1] Klauser, CCTV, p. 148-149.

[2] Infra Partie II, Chapitre 3, I, B, 2, c, i, n° 1496 ss; Infra Partie II, Chapitre 3, I, B, 2, c, ii, a) et c), n° 1530 et 1546-1547.

[3] Auer, Flückiger, p. 926; Hottelier, SJ 2002, p. 124 et 126; Moor, Poltier, p. 253 ss; Ruegg, p. 3; Ruegg, Flückiger, November, Klauser, p. 47.

[4] Ghorra-Gobin, p. 50; Lévy J., p. 337; Ruegg, p. 4.