Au cours du procès pénal, l’expert se définit comme la personne qui fournit les éléments pertinents au juge pour comprendre et apprécier des éléments théoriques spécifiques.
La formation des juristes dans le domaine des nouvelles technologies et la formation des experts dans le domaine juridique de l’expertise judicaire doit permettre une meilleure communication entre ces deux acteurs essentiels à la procédure pénale.
Ainsi, grâce à leur formation respective, le juge doit pouvoir avoir les bases suffisantes pour critiquer un rapport d’expertise, pouvoir s’y référer à sa juste valeur et également pouvoir déterminer la crédibilité ou la fiabilité d’un élément probatoire technique ou scientifique.
En outre, l’expert comprenant mieux son rôle et pouvant compter sur un minimum de connaissances acquises par les juristes, il peut expliquer de manière appropriée la démonstration apportée par l’indice issue des nouvelles technologies.
Ajoutons que des rencontres et/ou séminaires conjoints – technico-juridiques – devraient également permettre de favoriser les échanges d’informations et la communication entre les autorités pénales et les experts.
Les notions scientifiques et techniques étant abstraites pour un juriste, voire incompréhensibles, il faut se demander si les experts n’ont pas une part de responsabilité dans le manque d’appréciation d’un élément probatoire scientifique ou technique.
Comme les juristes, les médecins, les chimistes, les physiciens ou encore les informaticiens ont tous ce que nous nommons communément une déformation professionnelle. Lorsqu’ils formulent un élément, un fait ou une explication en rapport avec leur domaine d’activités, ils ont tendance à employer les termes spécifiques à leur domaine et à aller droit au but sans explication. Dès lors, pour le simple quidam, il est difficile de comprendre et de critiquer les dires exposés.
Une formation juridique sur ce qu’est une expertise judiciaire et ce qu’elle implique doit permettre aux experts de comprendre la place qui est la leur durant un procès pénal. Ainsi, il est essentiel que les experts aient connaissance de leurs droits et devoirs lorsqu’ils viennent en aide à la justice, et qu’ils les comprennent.
En outre, une formation juridique adéquate des experts doit leur permettre de mieux cibler les éléments nécessaires à l’appréciation des preuves et de les exposer aisément. Ajoutons encore que pour parfaire la formation des experts, il est envisageable de leur donner des cours durant lesquels ils apprennent à formuler clairement, précisément et avec un vocabulaire simple leur résultat d’expertise.
A la lumière des constats effectués, la formation des juristes dans le domaine des nouvelles technologies et de l’appréciation de la preuve est insuffisante. En effet, les juristes ne bénéficient pas de connaissances adéquates pour déterminer la valeur scientifique d’une preuve et pour l’interpréter à la lumière du cas d’espèce.
Il ne s’agit pas ici de demander aux autorités pénales et aux juristes de devenir des experts en matière de nouvelles technologies, mais uniquement de leur inculquer quelques bases essentielles. Il faut notamment leur expliciter les problématiques et risques pouvant exister lors du prélèvement, du relever, de l’analyse, du traitement etc. de la preuve, leur fournir les éléments utiles pour apprécier un rapport d’expertise avec un œil critique et le comprendre, leur donner les outils nécessaires pour comprendre les faits établis par les éléments probatoires scientifiques ou techniques, expliciter comment des recoupements peuvent se faire entre divers indices technologiques, etc.; en d’autres termes, leur offrir la possibilité de comprendre les sciences, les techniques et les risques liés à leur usage quant à leur valeur probatoire.
A noter que cette formation peut tout autant se dérouler durant les études de droit ou être une formation continue des juristes.
Dans le dessein d’améliorer l’administration de la justice et de ne pas reconnaître un rôle de décideur à l’expert, la décision juridique sur l’admission et sur l’appréciation d’une preuve scientifique ou technique doit impliquer une réflexion conjointe des acteurs du procès pénal.
Pour remplir cet objectif, il est essentiel d’améliorer la collaboration et les échanges entre les autorités pénales et les experts et, pour ce faire, une formation adéquate de ces acteurs est nécessaire.
Actuellement, nous pouvons conclure que l’appréciation des preuves issues des nouvelles technologies ne repose que sur la confiance accordée aux rapports d’expertise.
Les magistrats savent que des questions sur la crédibilité des preuves scientifiques ou techniques se posent. Ils sont également conscients qu’un examen critique selon le cas d’espèce doit être réalisé. Néanmoins, par manque de connaissance et de dialogue avec l’expert, ils ne sont pas disposés à apprécier librement les preuves apportées et sont obligés de se référer à l’avis des experts.
Alors que l’expert ne devrait être désigné que pour assister le tribunal en lui fournissant des avis éclairés, il nous semble correct d’affirmer qu’il a en partie la décision juridique entre ses mains. En effet, en affirmant ou infirmant la valeur d’une démonstration scientifique ou technique, l’expert a la possibilité de faire pencher le juge en faveur ou en défaveur de l’accusation.
Ce constat est renforcé par le manque cruel de questions posées à l’expert par le juge au cours des procès pénaux. En outre, lorsque des débats ont lieu ou que quelques questions sont posées, les experts peinent à exprimer clairement et simplement des considérants scientifiques et techniques. Ils oublient bien souvent que le juge n’est pas un spécialiste du domaine.
Par conséquent, à l’heure actuelle, la collaboration entre les autorités pénales et les experts n’est ni suffisante, ni adéquate.
Le manque de connaissances des magistrats dans les domaines scientifiques ou techniques est inhérent au principe de l’expertise, extensivement de la confiance portée aux dires de l’expert.
En vertu de l’art. 182 CPP: « Le ministère public et les tribunaux ont recours à un ou plusieurs experts lorsqu’ils ne disposent pas des connaissances et des capacités nécessaires pour constater ou juger un état de fait.« . A défaut de pouvoir analyser la preuve scientifique ou technique administrée au procès, le juge recourt aux experts. Extensivement, nous discernons difficilement comment le juge peut se positionner de manière certaine ou critiquer le rapport d’expertise.
Le juge ne pouvant s’écarter que pour de justes motifs des rapports d’expertises, l’absence de compétences en matière scientifique et technique le pousse à croire en l’expert et en ses capacités à juger la force probante d’un indice.
Plusieurs raisons expliquent la confiance portée aux experts lorsqu’une preuve scientifique ou technique est administrée.
1. L’impartialité et l’indépendance des experts
Un expert n’est pas nommé au hasard et sans cadre juridique. Contrairement aux témoins, aux personnes appelées à donner des renseignements ou au prévenu, les experts judiciaires n’ont aucun parti pris et sont indépendants tant des parties que du juge.
En outre, leur professionnalisme fonde également la confiance. En effet, ils suivent – en règle générale – des protocoles qui assurent aux juges que l’expertise a été réalisée dans les règles de l’art.
2. L’accréditation des laboratoires et l’expérience des experts
Dans certains domaines, notamment pour les analyses génétiques, la Confédération et les cantons ont utilisé la possibilité offerte par le Code de procédure pénale en accréditant des laboratoires au sein desquels des experts officiels peuvent être nommés (art. 183 al. 2 CPP).
L’accréditation officielle des laboratoires de médecine légale garantit un certain niveau de qualité des laboratoires et de formation des experts.
En outre, nous l’avons énoncé, l’expérience des experts joue un rôle fondamental dans l’esprit du magistrat. En effet, la crédibilité d’une expertise dépend étroitement des connaissances de son rédacteur. Ainsi, la formation continue des experts et leurs années de pratique permettent d’acquérir des connaissances supplémentaires renforçant leur crédibilité.
3. La reconnaissance technique et scientifique
L’art. 139 al. 1 CPP spécifie que: « les autorités pénales mettent en œuvre tous les moyens de preuves licites qui, selon l’état des connaissances scientifiques et l’expérience, sont propres à établir la vérité. ». La lettre de la loi est claire, une nouvelle technologie n’est une preuve viable que si elle est scientifiquement ou techniquement probante.
Ainsi, la confiance des juristes pour les preuves issues des nouvelles technologies est en premier lieu basée sur la reconnaissance scientifique ou technique de leur qualité identificatoire ou d’élucidation des faits.
Tout au long de notre travail, nous avons pu constater que les sciences et les techniques demandent des connaissances spécifiques dans le domaine considéré.
Que ce soit au stade de l’instruction ou de la juridiction de jugement, les magistrats se trouvent dans l’obligation de recourir aux expertises. Par ailleurs, la police technique ou scientifique est fréquemment sollicitée lors des enquêtes policières. Il en résulte que le nombre de missions d’expertises judiciaires est en constante augmentation et que l’expert devient un acteur fondamental et récurrent du procès pénal.
Nous l’avons également déjà exprimé, les juristes ont une grande confiance dans les experts – indépendants et impartiaux – et dans la valeur des expertises.
Cette confiance apparaît dans le travail du magistrat qui ne pose guère de questions aux spécialistes, ne s’attarde que sur les résultats ou conclusions de l’expertise et ne débat pas de la force probante des sciences ou techniques.