T194 – 3. Les trois qualités fondamentales des traces ADN et du profil génétique

  • A l’aune des qualités fondamentales de l’empreinte papillaire, les informations génétiques nécessaires à l’établissement du profil ainsi que la molécule ADN sont pérennes, inaltérables et individuelles.
  • Il sied à nouveau de préciser que ces constats sont purement théoriques et ne doivent pas se confondre avec l’identification par l’analyse ADN qui, dès lors qu’il s’agit de mettre en relation une trace ADN avec un profil génétique contient quelques incertitudes dans l’individualisation, comme nous le verrons dans notre discussion de ce moyen de preuve[1].
a. La pérennité
  • Contrairement aux données médicales ou aux autres aspects morphologiques de l’individu – tels que les photographies –, les séquences ADN sont considérées comme stables[2]. Grâce à la division cellulaire, de notre conception à notre mort, le même enchaînement de nucléotide formant notre ADN est continuellement copié au sein des noyaux cellulaires[3].
  • Conséquemment, un accusé ayant fait l’objet d’un profilage ADN ne peut pas apporter la preuve de son innocence en alléguant devant la Cour que ses caractéristiques génétiques se sont modifiées.
  • Ainsi, la stabilité de la molécule génétique offre un argument essentiel pour reconnaître la valeur identificatoire de l’ADN.
b. L’inaltérabilité
  • Conservé dans un lieu sec, au froid et à l’abri de la lumière, l’échantillon d’ADN ne s’altère pas avec le temps[4]. Que l’échantillon date d’un jour ou de plusieurs milliers d’années, si les trois conditions de conservation sont garanties, la force probatoire du résultat identificatoire reste inchangée[5].
  • L’humidité, la chaleur ou la lumière, principalement les rayons ultraviolets, sont trois facteurs pouvant enclencher ou accélérer le processus de dégradation[6]. Bien que les caractéristiques génétiques ne soient pas modifiées, les trois causes de dégradations peuvent rendre difficile, voire impossible, l’analyse scientifique. Une dégradation partielle du matériel génétique fournit immanquablement un résultat partiel donc moins probant, dès lors que la longueur du fragment d’ADN est interdépendante avec les chances de succès identificatoire. La conséquence de la poursuite du processus de dégradation est d’autant plus problématique. En effet, dans une telle hypothèse, les séquences ADN ne donnent plus d’indications et l’identification devient impossible.
c. L’individualité
  • L’ordre dans lequel les nucléotides déterminant l’information génétique sont placés dépend étroitement de la filiation. Dans chaque noyau cellulaire humain, l’ADN est enveloppé dans 46 chromosomes définissant notre patrimoine génétique. Lors de la fécondation d’un ovule, les vingt-trois chromosomes du spermatozoïde et les vingt-trois chromosomes de l’ovule se réunissent dans l’ovule fécondé. Ainsi, l’ordre des 3 milliards de nucléotides de notre ADN est intimement lié au patrimoine génétique de notre mère et de notre père. Cependant, par le nombre de combinaisons possibles, il reste dépendant de l’un ou de l’autre membre de la même famille.
  • Considérons le chromosome 1 du père et le chromosome 1 de la mère, ils sont tous deux composés d’une paire héritée en partie de leur père et en partie de leur mère. Pour le chromosome 1, il existe donc deux sortes de spermatozoïdes et deux sortes d’ovules, ce qui fournit quatre possibilités d’enfants ayant une paire chromosomique différente. Cette réflexion peut se faire sur la totalité des chromosomes. Dès lors, au moment de la fécondation, il peut exister 8 millions de spermatozoïdes différents (2×2 soit quatre sortes possibles sur vingt-trois chromosomes, ce qui nous donne 223)[7]. Ce chiffre vaut de même pour le nombre d’ovules. De mêmes père et mère, il n’existe pas moins de 70’000 milliards d’ADN différents. Sachant que les nucléotides des parents proviennent de leur propre patrimoine héréditaire et que les bases peuvent s’enchaîner de diverses manières, le nombre de possibilité d’ADN différents tend vers l’infini. Il faut néanmoins relever que lors des analyses génétiques, ce n’est pas la totalité de l’ADN qui est analysée impliquant des statistiques d’individualité différentes.
  • A relever encore que certains loci présentent un haut taux de variation dans la population humaine tant par leur composition que par le nombre de répétitions de la séquence nucléotide. Ces loci sont donc très discriminatoires permettant de distinguer les individus entre eux et d’être utilisés comme moyen identificatoire[8]. A l’exception des jumeaux homozygotes, la probabilité d’avoir un profil d’ADN identique est de un sur plus d’un milliard et d’un sur cent mille en cas de lien de parenté. Il est donc quasiment improbable que deux individus aient la même attribution des gènes[9].
[1] Infra Partie II, Chapitre 2, II, C, n° 940 ss.

[2] Coquoz, Comte, Hall, Hicks, Taroni, p. 75 et 224; Malauzat, p. 81; Rohmer, Thèse, p. 67.

[3] OPECST, ADN, p. 10; Rohmer, Thèse, p. 50-51.

[4] BSK-StPO-Fricker, Maeder, art. 255 ss N 13; Buquet, p. 400; Coquoz, Comte, Hall, Hicks, Taroni, p. 224.

[5] Altendorfer, p. 33-34; Rohmer, Thèse, p. 49.

[6] Altendorfer, p. 33; Coquoz, Comte, Hall, Hicks, Taroni, p. 224; Huyghe, ADN, p. 26; Klumpe, p. 34; OPECST, ADN, p. 44. Infra Partie II, Chapitre 2, II, C, 1, b, ii, b) , n° 992-993.

[7] Coquoz, Comte, Hall, Hicks, Taroni, p. 27-28; Malauzat, p. 72-73.

[8] Huyghe, ADN, p. 31; Lavergne, p. 48; Viredaz, p. 316.

[9] Coquoz, Comte, Hall, Hicks, Taroni, p. 27-28; Coquoz, p. 167; Durupt, p. 76; Huyghe, ADN, p. 31; Lavergne, p. 48; Rohmer, Thèse, p. 48.