T445 – 2. Les recherches secrètes

  1. a) Le champ d’application
  • La restriction du champ d’application de l’investigation secrète à l’art. 285a CPP – demandant une certaine durée de la mesure – a créé un vide juridique. C’est pourquoi le législateur a prévu l’introduction d’une nouvelle mesure: les recherches secrètes.
  • En vertu de l’art. 298a al. 1 CPP: « les recherches secrètes consistent, pour les membres d’un corps de police, à tenter d’élucider des crimes ou des délits dans le cadre d’interventions de courte durée où leur identité et leur fonction ne sont pas reconnaissables, notamment en concluant des transactions fictives ou en donnant l’illusion de vouloir conclure de telles transactions. ».
  • A la différence des agents infiltrés, les agents affectés aux recherches secrètes ne sont pas munis d’une identité d’emprunt et leur activité est de courte durée (art. 298a al. 2 CPP)[1].
  • S’agissant de l’identité d’emprunt, il sied de préciser que rien n’empêche en revanche l’agent infiltré de se présenter sous un faux nom et une fausse adresse e-mail[2]. En revanche, l’identité réelle de l’agent affecté figure dans les dossiers de procédure et peut être énoncé en audience[3].
  • A la lecture de la loi, les recherches secrètes sont donc une mesure se situant entre l’observation et l’investigation secrète[4].

  1. b) Les conditions matérielles et formelles
  • Comme l’observation, les recherches secrètes sont ordonnées par la police pendant l’investigation policière ou par le ministère public après l’ouverture de l’instruction (art 298b al. 1 CPP)[5]. Cette dernière doit recueillir l’autorisation du ministère public si la mesure se poursuit au-delà d’un mois (art. 298b al. 2 CPP).
  • En outre, l’art. 298b CPP prévoit les conditions pour ordonner une telle mesure de contraintes qui sont similaires à ce qui prévaut pour l’observation (art. 282 CPP) à la différence près que des soupçons – et non des indices concrets – sont demandés[6].
  • En revanche, à la différence d’une simple observation, les recherches secrètes impliquent un comportement actif de l’agent[7].
  • Ce moyen de contrainte s’approche, sur ce point, de l’investigation secrète par la nature active des agissements de l’agent et par la qualité requise de l’agent, soit qu’il appartienne au corps de police (art. 298c CPP).
  • Cela étant, à la différence de l’investigation secrète, une personne engagée à titre provisoire (art. 287 al. 1 let. b CPP) ne peut pas être affectée aux tâches de recherches secrètes, ceci s’explique par le fait qu’aucune autorité judiciaire ne contrôle l’ordre d’exécution de la mesure. En effet, pour le législateur, cette mesure de contrainte atteignant moins gravement aux droits fondamentaux que l’investigation secrète, l’autorisation d’un juge n’est pas nécessaire[8].
  • De même, contrairement aux mesures d’investigation secrète, les recherches secrètes sont de courte durée[9]. Néanmoins, elles peuvent s’étendre dans le temps puisqu’une autorisation du ministère public est prévue au-delà d’un mois (art. 298b al. 2 CPP)[10].
  • En outre, les recherches secrètes ne sont pas limitées à certaines infractions. Elles peuvent se concevoir en relation avec n’importe quel crime ou délit (art. 298a al. 1 CPP)[11].
  • Pour finir, les recherches secrètes ne sont pas soumises à l’obligation d’une identité d’emprunt et ne garantissent pas l’anonymat des agents affectés à cette tâche (art. 298a al. 2 CPP).
  • S’agissant de la fin des recherches secrètes et de la communication, l’art. 298d CPP est similaire à ce qui prévaut pour l’investigation secrète, extensivement à ce qui prévaut pour la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication (art. 297 CPP)[12]. Nous ne limiterons à renvoyer à notre commentaire à ce sujet, hormis pour préciser que, faute d’identité secrète, l’art. 298d al. 3 CPP prévoit que l’agent affecté ne soit pas exposé inutilement afin de le protéger et respecter sa liberté personnelle[13].
  • Relevons encore que les recherches secrètes comme l’observation qui demande des indices concrets et l’investigation qui est conditionnée à l’existence de soupçons, cette mesure ne peut être ordonnées que moyennant l’existence de soupçons, même vagues. Dès lors, les art. 298a à 298d CPP ne réglementent en aucun cas la surveillance préventive qui est du ressort des cantons[14].
  1. c) Les limites des nouvelles dispositions légales sur les recherches secrètes et l’investigation secrète
  • L’instauration des recherches secrètes comme mesure de contrainte et des dispositions telles qu’édictées sont critiquables.
  • Premièrement, le comportement prévu comme recherches secrètes est le plus fréquent dans le travail répressif au cours de l’investigation policière. Ainsi, l’investigation secrète risque de perdre toute son utilité alors même qu’elle offre – par ses conditions plus restrictives – une meilleure garantie du respect des droits fondamentaux.
  • Deuxièmement, l’absence d’autorisation par le tribunal des mesures de contrainte porte préjudice aux droits élémentaires de la procédure. Normalement, toute mesure de contrainte est ordonnée par le ministère public et autorisée par une autorité judiciaire. Il semble que cette solution devrait avoir cours pour les recherches secrètes. En effet, il est à craindre qu’à défaut d’un régime d’autorisation, la police utilise les dispositions des art. 298a à 298d CPP pour procéder à des mesures préventives, ce qui n’est en aucun cas autorisé par les articles précités[15].
  • Quant aux recherches secrètes concernant le cadre de notre étude, soit la surveillance sur Internet, elle ne nous semble pas réellement applicable. En effet, les recherches secrètes sont définies comme de courte durée, alors que la surveillance, notamment sur des groupes de discussion, est généralement étendue dans le temps.
  • Si nous considérons que les recherches secrètes peuvent avoir une certaine durée, puisqu’une autorisation du ministère public est possible au-delà d’un mois, nous serons face à deux problématiques. Premièrement, le critère de distinction entre investigation secrète et recherches secrètes ne serait pas la durée, mais bel et bien la nécessité ou non d’une identité d’emprunt. Deuxièmement, la surveillance sur Internet ne demandant pas d’identité d’emprunt attestée par un acte authentique, les agents chargés de la cybercriminalité verraient systématiquement leur identité dévoilée (art. 298a al. 2 CPP), ce qui peut largement nuire à la bonne administration de la justice.
[1]BSK-StPO-Knodel, art. 298a N 2, 4-6 et et 9-10; Donatsch, Schwarzenegger, Wohlers, p. 243; Eicker, Huber, p. 191; Jositsch, Strafprozessrechts, p.155; Schmid, Handbuch, p. 533; Schmid, Praxiskommentar, art. 298a N 1, 6, 9 et 13; StPO-Hansjakob, art. 298a N 1-2 et 14.

[2] StPO-Hansjakob, art. 298a N 15.

[3] BSK-StPO-Knodel, art. 298a N 5-6 et 11-12; Schmid, Handbuch, p. 533; Schmid, Praxiskommentar, art. 298a N 15; StPO-Hansjakob, art. 298a N 17.

[4] Schmid, Praxiskommentar, art. 298a N 1-2; StPO-Hansjakob, art. 298a N 1.

[5] BSK-StPO-Knodel, art. 298b N 9; Riklin, art. 298b N 1; Schmid, Praxiskommentar, art. 298b N 3; StPO-Hansjakob, art. 298b N 1.

[6] BSK-StPO-Knodel, art. 298b N 7; Jositsch, Strafprozessrechts, p. 155; Schmid, Praxiskommentar, art. 298b N 3-4; StPO-Hansjakob, art. 298b N 2.

[7] Jositsch, Strafprozessrechts, p. 155; Schmid, Handbuch, p. 533; Schmid, Praxiskommentar, art. 298a N 8; StPO-Hansjakob, art. 298a N 5.

[8] BSK-StPO-Knodel, art. 298c N 2; Schmid, Handbuch, p. 536; Schmid, Praxiskommentar, art. 298c N 1; StPO-Hansjakob, art. 298c N 1.

[9] Eicker, Huber, p. 191.

[10] Riklin, art. 298b N 5; Schmid, Handbuch, p. 535; Schmid, Praxiskommentar, art. 298a N 5; StPO-Hansjakob, art. 298a N 8-9.

[11] StPO-Hansjakob, art. 298a N 10.

[12] Jositsch, Strafprozessrechts, p. 157; Riklin, art. 298d N 1; Schmid, Handbuch, p. 537; Schmid, Praxiskommentar, art. 298d N 1 ss; StPO-Hansjakob, art. 298d N 1. Supra Partie II, Chapitre 3, I, A, 2, c, iii, d) et e), n° 1191 ss et 1197 ss.

[13] BSK-StPO-Knodel, art. 298d N 10; Schmid, Handbuch, p. 537-538.

[14] BSK-StPO-Knodel, art. 298b N 6; Riklin, art. 298b N 3; Rudaz, n° 51; StPO-Hansjakob, art. 298a N 11.

[15] Initiative parlementaire 08.458 – Synthèse des résultats, p. 15.

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