T435 – 1. L’investigation secrète

  • Avant l’entrée en vigueur de l’art. 285a CPP le 1er mai 2013, la jurisprudence considérait que toute prise de contact avec un suspect aux fins d’élucidation d’une infraction par un fonctionnaire de police qui n’est pas reconnaissable comme tel devait être qualifiée d’investigation secrète au sens de l’aLFIS, indépendamment des moyens mis en œuvre pour tromper le suspect et de l’intensité de l’intervention[1].
  • Actuellement, l’art. 285a CPP définit « l’investigation secrète comme une mesure consistant pour un membre du corps de police ou des personnes engagées à titre provisoire pour accomplir des tâches de police, à infiltrer un milieu criminel pour élucider des infractions particulièrement graves, en nouant un contact avec des individus et en instaurant avec eux une relation de confiance particulière par le biais d’actions ciblées menées sous le couvert d’une fausse identité dont ils sont munis dans la durée et qui est attestée par un titre (identité d’emprunt)« .
  • Cette disposition limite l’investigation secrète telle que connue originellement, soit avant l’édiction de dispositions sur les recherches secrètes, et réduit considérablement son champ d’application.
  • En premier lieu, contrairement à ce qui prévalait avant le 1er mai 2013 au sens de l’art. 288 al. 1 aCPP, la dotation d’une identité d’emprunt attestée par un titre est obligatoire et non plus laissée à la libre appréciation du ministère public[2]. En outre, la compétence d’octroyer cette identité d’emprunt revient à la police et non plus au ministère public.
  • Deuxièmement, l’investigation secrète ne se définit plus par le rôle actif et la prise de contact avec un interlocuteur, mais comme une prise de contact qui s’étend sur la durée. Ainsi, les comportements, même actifs, d’un agent infiltré qui agit spontanément, ponctuellement et sur une courte durée n’entre plus dans le champ d’application de l’investigation secrète.
  • Deux critiques peuvent être formulées sur cette modification du Code de procédure civile qui à restreindre le champ d’application de l’investigation secrète.
  • L’une est d’ordre général. A la lecture de l’art. 285a CPP, le texte légal nous laisse penser que ce qui est déterminant pour qualifier la mesure policière d’investigation secrète est l’utilisation dans la durée d’une identité d’emprunt. Cette interprétation littérale est malheureuse.
  • En effet, d’après nous, ce qui doit qualifier la mesure c’est l’activité déployée et non pas l’usage d’une identité d’emprunt en tant que tel. Dès lors, il serait préférable de modifier le texte pour éviter toute ambiguïté.
  • La deuxième critique vise spécifiquement le cadre de notre étude. Dans le monde virtuel, l’identité d’emprunt se limite bien souvent à un complexe de mensonges sur le nom, le prénom, l’emploi, le lieu d’habitation, etc. de l’agent de police, voire l’envoi d’une fausse photographie.
  • Par conséquent, la surveillance sur Internet via, notamment, des réseaux sociaux ou des forums de discussions, ne nécessite pas l’utilisation d’un acte authentique. L’art. 285a CPP ne semble donc pas adapté à la réalité du cyberespace. La conséquence est qu’à défaut d’identité d’emprunt attestée par un titre, l’une des conditions cumulatives de cette base légale n’est pas remplie, et donc la surveillance sur Internet ne sera jamais ou très rarement qualifiée d’investigation secrète créant des risques considérables pour la protection des droits fondamentaux[3]. Cette remarque vaut de même en cas de surveillance préventive réalisée avant la commission d’infraction, si tant est que le droit cantonal prévoit une telle surveillance[4].
[1] ATF 134 IV 266, c. 3.5 à 3.7 = JdT 2008 IV 35; Perrier Depeursinge, art. 285a, p. 369; Pitteloud, p. 470.

[2] ATF 140 I 381, 385.

[3] Initiative parlementaire 08.458 – Synthèse des résultats, p. 11.

[4] ATF 140 I 381, 385; Rudaz, n° 1.

T435 – b) L’investigation secrète

  • Originellement, lors de l’entrée en vigueur du Code de procédure pénale suisse le 1er janvier 2011, l’investigation secrète était réglementée aux art. 286 et ss CPP.
  • Depuis l’entrée en vigueur des dispositions sur les recherches secrètes (art. 298a ss CPP), l’art. 285a CPP vient compléter les dispositions légales précitées qui sont incontestablement des bases légales formelles nécessaires pour justifier l’atteinte grave aux droits fondamentaux causée par cette mesure d’investigation[1].
[1] CR-CPP-Jeanneret, Ryser, art. 286-289 N 19; Oberholzer, Strafprozessrechts, p. 434-435; Schmid, Strafprozessrecht, p. 295-296; Zalunardo-Walser, p. 126.