T355 – 3. L’usage et le moyen probatoire

  • L’évolution importante de la criminalité tant du point de vue de la fréquence que de la nature des infractions commises a nécessité une réaction de la part de l’autorité pénale pour sécuriser et rassurer la population.
  • Considérée comme un moyen de prévention efficace et qui permet d’établir le déroulement d’un acte délictuel[1], voire d’identifier le coupable, la vidéosurveillance s’est vite imposée comme un moyen adéquat pour répondre à l’insécurité et permettre de gérer la délinquance, voire poursuivre les auteurs d’infractions[2].
a. L’efficacité de la vidéosurveillance dissuasive
  • Dans le cadre de notre sujet, la vidéosurveillance dissuasive dans son but premier de dissuader ou prévenir les infractions et de lutter contre l’insécurité est de second plan. Nous nous attardons donc uniquement sur la question de son efficacité.
  • Selon une étude de Baptiste Viredaz[3], la présence des caméras sur le domaine privé ou public diminue la criminalité de 20 à 30%, ce que contredisent partiellement certaines études effectuées sur territoire anglais[4].
  • En tout état de cause, les études sur le sujet doivent être nuancées. En effet, l’efficacité de la vidéosurveillance dissuasive dépend étroitement des formes de délinquance et de criminalité[5]. Il est évident que la vidéosurveillance exercée par l’autorité n’est pas efficace contre les violences domestiques à l’intérieur d’un logement, par exemple. Ainsi, selon les circonstances et les lieux[6], l’efficience du système de surveillance par caméra est extrêmement variable.
  • En contrariété avec les études démontrant une baisse de criminalité, certains réfractaires à la vidéosurveillance plaident en faveur d’un déplacement de la criminalité dans des lieux non-surveillés. Si cela est en partie vrai, l’augmentation de la criminalité dans les lieux sans caméra est moins importante que la diminution de la commission d’actes délictuels dans les espaces surveillés et les zones avoisinantes. Nous constatons en effet que la prévention découlant de la présence de caméra en un lieu rayonne dans les lieux alentours[7].
  • Nonobstant les avis réfractaires concernant l’efficacité préventive, l’opinion publique s’accorde à reconnaître que la vidéosurveillance rassure et aide à la tranquillité publique. Il s’agit dès lors plus d’un sentiment psychologique de sûreté que d’une réelle efficience. Certes, la vidéosurveillance a un pouvoir dissuasif, aide la police à déterminer les lieux à risque où potentiellement une patrouille devrait être envoyée, mais elle n’est pas une barrière absolue contre les crimes ou les délits. Ainsi, ce moyen de surveillance doit s’additionner avec d’autres tâches sécuritaires.

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T352 – d) La vidéosurveillance invasive des espaces publics

  • La vidéosurveillance invasive des espaces publiques se distingue de la vidéosurveillance préventive par le fait qu’elle est secrète et intervient après la commission d’une infraction[1] excluant l’applicabilité de la législation sur la police. Elle se distingue également des autres mesures techniques de surveillance par le fait qu’elle n’observe pas des actions dans des lieux privés ou non librement accessibles au public.
  • La vidéosurveillance invasive des espaces publics au sens large s’effectue dans le dessein de poursuivre les auteurs d’une infraction. Elle est dirigée contre une ou des personnes spécifiques et se planifie sur une certaine durée[2]. Par conséquent, il s’agit d’une observation – qui se définit comme « [la] surveillance systématique d’événements et de personnes sur la voie publique pendant un certain temps dans le cadre de la poursuite pénale« [3] – au sens des art. 282 et 283[4].

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T350 – c) La vidéosurveillance invasive du domaine privé ou secret

  • La vidéosurveillance invasive est utilisée par le ministère public aux fins de la recherche de la vérité, notamment à l’aide de la collecte et de l’enregistrement des données pouvant servir de preuve. En tant que dispositif technique de surveillance – comprenant notamment les appareils évoqués aux art. 179bis et 179quater CP[1] –, les systèmes de surveillance caméra font partie des « autres mesures techniques de surveillance » prévus aux art. 280 ss CPP. Cette disposition permet de mettre en œuvre une surveillance caméra et non pas d’utiliser des bandes-vidéo déjà capturées. Lorsque la police récupère des images filmées par une installation de vidéosurveillance préexistante afin de déterminer le déroulement des faits, il s’agit d’un séquestre (art. 246 CPP)[2].
  • L’autorité pénale est donc autorisée – sous certaines conditions – à utiliser la vidéosurveillance pour observer et/ou enregistrer des conversations ou actions se déroulant dans des lieux non-publics ou qui ne sont pas librement accessibles au public (art. 280 let. b CPP)[3].
  • La compétence pour ordonner oralement ou par écrit la mise en œuvre de la surveillance par caméra revient au ministère public. Si l’ordre est donné oralement, une confirmation écrite afin de documenter les actes de procédure doit exister (art. 76 ss CPP)[4]. S’il est nécessaire d’entrer dans une habitation ou tout type de domicile (art. 186 CP) pour installer une caméra de surveillance, l’autorisation du ministère public doit être couplée avec un mandat de perquisition (art. 241 al. 1 et 245 al. 1 CPP)[5].
  • Dans les grandes lignes, la procédure – demande d’autorisation et informations utilisables –pour exercer la surveillance à l’aide d’appareils de prise de vue est identique à celle régissant la surveillance des télécommunications (art. 269 à 279 CPP via 281 al. 4 CPP)[6]. Nonobstant l’applicabilité des art. 269 à 279 CPP, quelques points spécifiques à l’utilisation des autres moyens de surveillance méritent notre attention.
  • L’art. 281 al. 1 et 2 CPP prévoit que la surveillance ne peut être ordonnée que contre un prévenu. Les tiers, au sens de l’art. 270 let. b CPP, ne sont donc pas concernés par cette surveillance sous réserve de leurs locaux ou de leurs véhicules qui peuvent faire l’objet d’une surveillance si le prévenu s’y trouve ou les utilise[7]. La possibilité de surveiller les locaux ou véhicules appartenant à un tiers connaît toutefois une exception. Lorsque le tiers entre dans une des catégories visées aux art. 170-173 CPP, la surveillance est interdite (art. 282 al. 3 let. b CPP) sauf si le secret professionnel n’est manifestement pas menacé[8].
  • L’interdiction de surveiller s’étend en outre au prévenu en détention lorsqu’il s’agit d’obtenir des preuves (art. 282 al. 3 let. a CPP). Cette interdiction découle directement du noyau intangible de la protection de la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst) et du droit à la sphère privée (art. 13 al. 1 Cst).
  • En outre, la vidéosurveillance et tout dispositif technique de surveillance entrant dans la catégorie visée par les art. 280-281 CPP causent une atteinte plus intrusive aux droits de la personnalité et à la sphère privée de l’individu concerné que la surveillance des télécommunications (art. 269 al. 1 let. a CPP). C’est pourquoi l’exigence quant aux soupçons de commission d’une infraction est plus élevée[9].
[1] Moreillon, Parein-Reymond, art. 280 N 3; Schmid, Praxiskommentar, art. 280 N 2; StPO-Hansjakob, art. 280 N 2.

[2] Au sujet de la notion de séquestre, voir: Infra Partie II, Chapitre 3, III, A, 3, c, iii, n° 2058 ss.

[3] BSK-StPO-Katzenstein, Eugster, art. 280 N 28 ss; Goldschmid, Maurer, Sollberger, Textausgabe-Wolter, p. 270; Piquerez, Macaluso, p. 520; Polizeiliche Ermittlung-Rhyner, Stüssi, p. 465; Rémy, p. 112; Riklin, Strafprozessordnung, art. 280 N 3; Schmid, Praxiskommentar, art. 280 N 9.

[4] CR-CPP-Chirazi, art. 241 N 14; Schmid, Praxiskommentar, art. 280 N 4.

[5] Moreillon, Parein-Reymond, art. 280 N 12; Riklin, Strafprozessordnung, art. 280 N 4; Schmid, Praxiskommentar, art. 280 N 4.

[6] Supra Partie II, Chapitre 3, I, A, 2, c, iv, n° 1171 ss.

[7] Donatsch, Schwarzenegger, Wohlers, p. 237; Goldschmid, Überwachungsmassnahmen, p. 166-167; Moreillon, Parein-Reymond, art. 281 N 3; Polizeiliche Ermittlung-Rhyner, Stüssi, p. 467; Schmid, Praxiskommentar, art. 281 N 2.

[8] CPP-Commentario-Meli, art. 281 N 3; CR-CPP-Bacher, Zufferey, art. 281 N 4; Donatsch, Schwarzenegger, Wohlers, p. 216; Goldschmid, Maurer, Sollberger, Textausgabe-Wolter, p. 271; Moreillon, Parein-Reymond, art. 281 N 10; Polizeiliche Ermittlung-Rhyner, Stüssi, p. 467-468; Schmid, Praxiskommentar, art. 281 N 7.

[9] Goldschmid, Maurer, Sollberger, Textausgabe-Wolter, p. 271.