T317 – iii. L’IMSI- Catcher

  1. a) La technique de l’IMSI-Catcher en quelques mots
  2. La description de l’IMSI-Catcher
  • L’IMSI-Catcher est un nouveau dispositif de surveillance des téléphones mobiles.
  • Techniquement, l’IMSI-Catcher est un boîtier qui simule une antenne GSM et se place virtuellement entre l’antenne relais et celle du téléphone mobile[1]. Ainsi, tout téléphone mobile se trouvant dans la zone de couverture de l’IMSI-Catcher est automatiquement mis en contact avec le dispositif. Le numéro IMSI et IMEI est alors à la portée de l’appareil, ce qui permet de connaître l’utilisateur du téléphone, de le localiser et, depuis la seconde version de l’appareil, d’écouter les conversations[2].
  • Relevons encore que cette technique ne nécessite pas l’intervention de l’opérateur[3]. Ainsi, cette méthode de surveillance offre une plus grande liberté et une facilité pour le service d’enquête.
  1. Les limites techniques
  • Actuellement, l’IMSI-Catcher a quelques limites techniques que nous n’exposerons pas exhaustivement[4].
  • En premier lieu, l’IMSI-Catcher fonctionnant à l’aide d’une simulation d’antenne, le téléphone mobile n’est plus en contact avec l’opérateur. Aussi, aucune communication entrante ne peut parvenir à l’utilisateur qui fait l’objet de la surveillance.
  • En second lieu, le dispositif de surveillance ne peut être activé que si le téléphone est au moins en veille. Il faut par conséquent que le téléphone soit nécessairement actif, ce qui restreint un certain nombre de cas où l’IMSI-Catcher est réellement utile.
  • En troisième lieu, certains téléphones mobiles affichent un symbole lorsque l’IMSI-Catcher est activé et qu’il capte le téléphone. Toute personne un tant soit peu attentive peut donc voir le symbole sur son appareil mobile et savoir qu’elle est surveillée.
  • En quatrième lieu, plus il y a de téléphones mobiles dans le périmètre de fonctionnement de l’IMSI-Catcher, plus le nombre d’interceptions de numéros IMSI ou IMEI est important[5]. Il faut alors faire des recoupements pour trouver la personne cible de la surveillance. Par conséquent, la surveillance à l’aide de cette technique peut apporter son lot de difficultés et d’incertitudes.
  • Enfin, l’IMSI-Catcher ne peut fonctionner que sur le réseau GSM puisqu’il exploite une faille de ce protocole. Néanmoins, actuellement, deux protocoles sont souvent employés pour la téléphonie mobile: le protocole GSM et l’UMTS[6]. Dès lors, si le protocole UMTS se développe aux dépens du protocole GSM, l’utilisation d’IMSI-Catcher sera totalement obsolète[7].

  1. b) L’utilisation de l’IMSI-Catcher au regard du droit suisse
  • Juridiquement, il ne fait aucun doute que l’IMSI-Catcher est un moyen de surveillance des télécommunications. La question que soulève l’utilisation de ce dispositif est de savoir s’il s’agit d’une méthode classique de surveillance de la correspondance (art. 269 ss CPP) ou s’il s’agit d’une autre mesure de technique de surveillance (art. 280 let. a CPP) au regard du droit procédural actuel.
  • L’IMSI-Catcher est un appareil qui permet notamment d’écouter des conversations à distance. En revanche, il n’emprunte pas les installations téléphoniques pour pouvoir fonctionner. D’après Bernhard Sträuli: « […] lorsque l’utilisation d’un appareil technique vient se greffer sur une installation terminale de télécommunication […] parce que ces procédés ne requièrent par l’intervention d’un opérateur de télécommunication […], ils relèvent exclusivement de l’utilisation d’appareils techniques de surveillance.« [8]. Par conséquent, il ne nous semble pas approprié de reconnaître cette technique comme un moyen de surveillance classique (art. 269 ss CPP).
  • Au sens de l’art. 280 CPP, les appareils techniques de surveillance se définissent à la lumière des art. 179bis, 179quater et 179octies Cette notion comprend tous les procédés acoustiques ou optiques tels que micros, magnétophones, appareils d’écoutes à distance, etc.[9] Cette définition intègre vraisemblablement l’IMSI-Catcher, mais pas toutes les fonctionnalités de cette technique de surveillance. Ainsi, l’objet de l’art. 280 CPP n’intègre pas tous les buts de l’IMSI-Catcher.
  • Quant aux écoutes des communications sortantes, la surveillance effectuée par l’IMSI-Catcher correspond à la surveillance en temps réel (art. 16 let. a OSCPT) à la différence près que ni le fournisseur du service de télécommunication, ni le SCPT n’ont en réalité besoin d’agir, ce qui pourrait accroître la confidentialité des données interceptées. L’interception des conversations sortantes entre dans le champ d’application de l’art. 280 let. a CPP, mais uniquement à l’encontre d’un prévenu (art. 281 al. 1 CPP). En revanche, il est impossible d’utiliser ce dispositif à des fins probatoires contre un prévenu en détention (art. 281 al. 3 let. a CPP) ou pour surveiller les locaux ou les véhicules d’un tiers appartenant à l’une des catégories visées aux art. 170 à 173 CPP (art. 281 al. 3 let. b CPP).
  • S’agissant de l’identification du titulaire du raccordement, la capture du numéro IMSI et IMEI peut faire l’objet d’une surveillance (art. 15 al. 1 LSCPT et art. 19 OSCPT) moyennant le concours du fournisseur de services de télécommunication. Premièrement, parce que l’IMSI-Catcher ne nécessite par le concours du fournisseur, et deuxièmement, parce que l’art. 280 CPP ne prévoit pas l’utilisation d’une autre technique de surveillance pour identifier le titulaire d’un raccordement, l’IMSI-Catcher ne peut donc pas actuellement être employé à cette fin faute de base légale suffisante.
  • En ce qui concerne la localisation à l’aide de l’IMSI-Catcher, l’art. 280 let. c CPP la permet. Ce constat crée une incohérence. En effet, les numéros IMSI et IMEI peuvent être employés pour localiser un prévenu, mais non pas pour l’identifier. Pour une meilleure sécurité juridique, et parce que l’identification d’un utilisateur n’est pas plus invasive que sa localisation ou l’écoute de ses conversations, il nous semble approprié d’autoriser par le biais de l’art. 280 CPP l’identification de l’utilisateur[10].
  • Se pose encore la question du clonage de l’antenne relais par l’IMSI-Catcher qui impose qu’aucune communication entrante ne puisse parvenir à son destinataire.
  • En principe, il est illicite de perturber le trafic des communications[11]. Cependant, l’art. 34 al. 1ter LTC prévoit la possibilité d’utiliser des brouilleurs. D’après Stéphane Bondallaz, cet article ne doit s’appliquer que subsidiairement et pour un laps de temps restreint[12].
  • La Cour constitutionnelle allemande s’est prononcée en faveur de l’utilisation d’un IMSI-Catcher, notamment en déclarant que l’interruption du réseau subie par l’utilisateur est insignifiante et correspond à une coupure réseau normale qui peut survenir sur un réseau de téléphonie mobile[13]. L’utilisation de l’IMSI-Catcher ne paraît donc pas illicite de ce point de vue[14].
  • A priori, l’utilisation de l’IMSI-Catcher n’est donc pas illégale et, à certaines conditions, peut être autorisée en se fondant sur l’art. 280 let. a et c CPP.
  • Néanmoins, le législateur a, à juste titre, relevé qu’il était indispensable pour les autorités de poursuite pénale de pouvoir identifier un utilisateur au moyen de l’IMSI-Catcher et qu’une telle mesure de contrainte atteignait moins gravement aux droits fondamentaux que la localisation[15]. C’est pourquoi, dans le cadre de la révision de la LSCPT, une base légale expresse a été prévue à l’art. 269bis CPP pour autoriser la police sur ordre du ministère public à utiliser des appareils particuliers, tels que l’IMSI-Catcher[16]. Si cet article entre en vigueur, et contrairement à ce qui prévaut aujourd’hui, il sera alors possible d’identifier, grâce aux numéros IMSI et IMEI, l’utilisateur de téléphonie, étant relever que l’art 269bis CPP prévoit également spécifiquement le recours à l’IMSI-Catcher pour écouter et/ou enregistrer les conservations ou encore localiser les utilisateurs sans requérir l’intervention de l’opérateur[17].
  • Le classement de cette disposition légale au sein de la surveillance par poste et télécommunication a été justifié par le fait que cette méthode de surveillance permet d’obtenir des données relevant de la correspondance par télécommunication, même si le fournisseur et/ou le service n’a aucun rôle à jouer[18].
  • Il sied encore de relever qu’au vu de l’atteinte aux droits fondamentaux créée par cette méthode de surveillance et de l’importance d’éviter au maximum que des personnes innocentes soient entravées par cette mesure dès lors qu’elles se trouvent simplement dans le champ d’action de l’IMSI-catcher, l’art. 269bis CPP prévoit que le Ministère public doit disposer d’une autorisation du Tribunal des mesures de contrainte (art. 274 CPP) et que les conditions suivantes doivent être respectées, à savoir : que les conditions requises en vertu de l’art. 269 CPP pour une surveillance classique soient remplies (let. a); que l’utilisation de l’IMSI-Catcher soit subsidiaire à toutes les autres méthodes classiques dès lors que ce moyen ne doit pas remplacer les modes de surveillance actuels, mais les compléter en tant que besoin[19] (let. b); et que le Ministère public ait obtenu l’autorisation octroyée pour un utilisateur défini ainsi que pour une utilisation d’un certain nombre d’appareils et délivrée par l’Office fédéral des télécommunications (OFCOM) (let. c cum 32a et 34 al. 1ter LTC, art. 6 al. 4 OIT et 49 ss de l’ordonnance du 9 mars 2007 sur la gestion des fréquences et les concessions de radiocommunication (OGC)), avec la précision que la demande doit contenir les paramètres techniques afin que l’OFCOM puisse évaluer les risques de perturbation[20].
  • Par conséquent, si la surveillance est autorisée et que les données sont utiles à la procédure pénale (art. 276 et 277 a contrario CPP), moyennant les avantages et les inconvénients des techniques de surveillance[21], notamment quant à l’atteinte à la sphère privée et à la restriction actuelle du champ d’application de l’art. 280 CPP, l’utilisation de l’IMSI-Catcher est possible et offre une technique supplémentaire pour obtenir des informations relatives aux communications. De surcroît, si l’art. 269bis CPP entre en vigueur, rien n’est moins sur au vu du délai référendaire, du fait que des opposants montent d’ores et déjà au front contre la modification de la LSCPT[22] et du nombre de signatures atteint contre la LRens[23], alors le Ministère public pourra requérir une surveillance des communications au moyen de ce dispositif pour écouter et/ou enregistrer les communications, identifier l’utilisateur ou encore localiser l’appareil concerné.
[1] Fox, p. 213; Message, P-LSCPT, p. 2464; Métille, Jusletter, n° 25.

[2] de Saussure, n° 6-10; Fox, p. 213.

[3] de Saussure, n° 4; Message, P-LSCPT, p. 2464; Métille, Thèse, p. 40; Strobel, p. 13-17.

[4] A ce sujet, voir: Strobel, p. 14-16.

[5] Message, P-LSCPT, p. 2465.

[6] Bovet, p. 694.

[7] de Saussure, n° 12; Fox, p. 215. A contrario: Meyer, Wetzel, p. 92-97; Strobel, p. 19.

[8] Sträuli, p. 117.

[9] ATF 133 IV 249, 253-254 = JdT 2009 IV 10, 14-15; Hurtado Pozo, art. 179bis N 2206; Stratenwerth, Jenny, Bommer, p. 268-269.

[10] Dans ce sens: de Saussure, n° 51.

[11] Bondallaz, protection des personnes, p. 345; Müller, Schefer, p. 171 ss.

[12] Bondallaz, protection des personnes, p. 346.

[13] BVerfG, 2 BvR 1345/03 vom 22.8.2006, §83.

[14] de Saussure, n° 58.

[15] Message, P-LSCPT, p. 2464.

[16] Conseil fédéral, Rapport modification LSCPT, p. 43; Message, P-LSCPT, p. 2464.

[17] FF 2016 1821, p. 1841; Message, P-LSCPT, p. 2464.

[18] Message, P-LSCPT, p. 2464.

[19] FF 2016 1821, p. 1841; Message, P-LSCPT, p. 2464-2465.

[20] Message, P-LSCPT, p. 2465.

[21] Supra Partie II, Chapitre 3, I, A, 4, a et b, n° 1254 ss et 1271 ss.

[22] Informations disponibles sur le site internet : https://www.lscpt.ch [consulté le 28.04.2016].

[23] Supra Partie II, Chapitre 3, I, A, 4, c, ii, d), n° 1378.

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