T272 – iii. Les objets de la surveillance de la correspondance par télécommunication

  • Comme précédemment énoncé[1], tous les types de correspondances sont concernés par la surveillance secrète par poste et télécommunications: ligne fixe ou mobile, bipeur, connexion internet, etc. L’objet de la surveillance des télécommunications est par conséquent large.
  • Au sens de l’art. 270 CPP, la surveillance doit notamment porter sur un raccordement de télécommunication. Les fournisseurs des systèmes de télécommunication dans leur ensemble sont donc concernés par l’application d’une surveillance des correspondances, notamment les entreprises soumises à concession ou à l’obligation d’annoncer qui fournissent des raccordements téléphoniques ou des accès à Internet (art. 1 al. 2 LSCPT)[2].
  • L’art. 270 CPP détermine en outre quels raccordements de télécommunication peuvent être surveillés.
  • En premier lieu, la surveillance peut être ordonnée dans un but d’investigation contre un prévenu. Le prévenu (art. 111 CPP) est la personne contre laquelle il existe de graves soupçons de commission d’un certain type d’infraction – surveillance rétroactive ou en temps réel pour les données accessoires – ou d’une infraction listée – surveillance en temps réel des communications – en tant que participant principal ou accessoire[3].
  • Cette définition constitue une limite suffisante contre les fishing expeditions. Elle exclut également les possibilités de surveiller des auteurs inconnus non-individualisables.
  • Par contre, la surveillance d’un raccordement d’un auteur non-identifiable mais individualisable est possible s’il est prouvé que l’utilisateur du téléphone – par exemple, du téléphone mobile – est probablement l’auteur d’une infraction[4]. Dès lors, ce qui importe c’est que le prévenu soit le titulaire ou le co-titulaire et fasse lui-même usage du raccordement devant être mis sous surveillance.
  • En second lieu, le raccordement d’un tiers peut faire l’objet d’une surveillance dans deux cas de figure: le prévenu utilise le raccordement comme s’il s’agissait du sien (art. 270 let. b ch. 1 CPP), ou le tiers reçoit des communications pour le compte du prévenu ou de la part de ce dernier (art. 270 let. b ch. 2 CPP)[5].
  • Pour surveiller le raccordement d’un tiers, il est obligatoire que l’autorité ait des indices objectifs laissant penser que le prévenu en fait usage soit directement, soit indirectement ou par personne interposée[6]. A cet égard, le Tribunal fédéral a estimé que le raccordement d’une partie plaignante pouvait faire l’objet d’une surveillance rétroactive, si tant est que les données servent directement à l’élucidation de l’infraction[7].
  • En outre, bien que le CPP ne l’exprime pas explicitement, les raccordements publics – cabines téléphoniques notamment – ou anonymes – carte SIM au nom d’autrui, par exemple d’une entreprise – sont assimilables aux raccordements de tiers[8]. La surveillance de ces derniers raccordements pouvant toucher la sphère privée d’un nombre conséquent de personnes, le ministère public est en droit, voire dans l’obligation, de ne pas exploiter les données dont la voix n’est pas identifiable comme celle du ou des prévenus, ou de tiers en lien avec l’enquête[9].

 

[1] Supra Partie II, Chapitre 3, I, A, 1, a, n° 1105.

[2] Biedermann August, p. 79; Sträuli, p. 95.

[3] CR-CPP-Bacher, Zufferey, art. 269 N 10; Sträuli, p. 131.

[4] CR-CPP-Bacher, Zufferey, art. 270 N 7; Goldschmid, Maurer, Sollberger, Textausgabe-Wolter, p. 258; Polizeiliche Ermittlung-Rhyner, Stüssi, p. 448.

[5] ATF 138 IV 232, 234 et 239 = JdT 2013 IV 200; TF 1B_563/2012 du 6 novembre 2012, c. 4 et 6.1-6.2; TPF 2007 13, 14-15; Biedermann August, p. 84; Donatsch, Schwarzenegger, Wohlers, p. 229; Jeanneret, Kühn, p. 310; Perrier Depeursinge, art. 270, p. 353-354; Piquerez, Traité de procédure pénale suisse, p. 621; Polizeiliche Ermittlung-Rhyner, Stüssi, p. 448; Riedo, Fiolka, Niggli, p. 320; Sträuli, p. 133-135. A contrario Hansjakob, BÜPF/VÜPF, art. 4 N 10.

[6] Goldschmid, Maurer, Sollberger, Textausgabe-Wolter, p. 258; Jean-Richard-dit-Bressel, BÜPF, p. 47; Message, CPP, p. 1231; Sträuli, p. 134-135.

[7] ATF 142 IV 34, 39-41.

[8] CR-CPP-Bacher, Zufferey, art. 270 N 16; Message, CPP, p. 1231; Métille, Thèse, p. 170; Perrier, Vuille, p. 163; Piquerez, Traité de procédure pénale suisse, p. 621; Pitteloud, p. 446; Polizeiliche Ermittlung-Rhyner, Stüssi, p. 448.

[9] Goldschmid, Maurer, Sollberger, Textausgabe-Wolter, p. 259.