T0198 – b. L’analyse, la comparaison et l’identification des profils génétiques

  • L’analyse génétique est symbolisée par l’étude de la variation d’un individu à l’autre d’une répétition en tandem d’unités de bases appelées également les marqueurs, marqueurs STRs ou microsatellites. Il faut donc que le prélèvement du matériel biologique sous forme de trace indiciale ou corporelle subisse toute une série de traitements biologiques ou chimiques afin de permettre le processus identificatoire.
  • La première étape est la purification de l’échantillon, soit l’extraction et la séparation de l’ADN des globules rouges et autres impuretés[1].
  • Après la phase d’extraction, deux possibilités existent. La quantification de l’ADN est suffisante et l’analyse proprement dite peut débuter, ou elle est insuffisante impliquant l’usage de la technique PCR. La PCR – Polymerase Chain Reaction – est une technique d’amplification de l’ADN, soit de copiage moléculaire, qui permet d’outrepasser les limites quantitatives de l’ADN[2]. Depuis l’année 2000, la technique PCR est systématiquement utilisée par les Instituts de médecine légale suisses jusqu’à une duplication de 36 fois.
  • La phase d’extraction de l’ADN ou la technique de PCR est suivie d’une électrophorèse. Aujourd’hui, les laboratoires de médecine légale utilisent le séquenceur automatique permettant d’effectuer une électrophorèse automatisée et d’obtenir un résultat informatisé. Le séquenceur automatique fourni sous forme de chiffres deux marqueurs – l’un correspond à l’allèle transmis par le père et l’autre par la mère – et ceci pour chaque séquence répétitive. A noter que plus le temps s’écoule avant d’obtenir le résultat pour un marqueur, plus l’allèle est long et donc, plus le nombre de répétitions est important avec un meilleur taux de discrimination[3].

Cette image représente le résultat d’une chromatographie. Les pics représentent les marqueurs, il peut y avoir un ou deux caractères par marqueur, soit un ou deux nombres, selon que l’allèle hérité du père et celui de la mère sont identiques (locus homozygote) ou différents (locus hétérozygote). Chaque ligne de l’électrophorégramme correspond à une couleur de fluochrome.

  • Outre le gain de temps, le séquenceur automatique a l’avantage de pouvoir lire jusqu’à mille nucléotides alors que la méthode manuelle d’électrophorèse se limite à 300 nucléotides[4].
  • En fonction de l’emplacement et de la taille des microsatellites mis en évidence par le séquenceur automatique, il est possible de réaliser un profil génétique[5].
[1] A ce sujet: Altendorfer, p. 35; Coquoz, Comte, Hall, Hicks, Taroni, p. 42-43; Klumpe, p. 16-17.

[2] Altendorfer, p. 42-43; BSK-StPO-Fricker, Maeder, art. 255 ss N 13; Busch, p. 637; Coquoz, Comte, Hall, Hicks, Taroni, p. 45-46; Klumpe, p. 36-37; Lavergne, p. 27; Ruckstuhl, Dittmann, Arnold, p. 544.

[3] Coquoz, Comte, Hall, Hicks, Taroni, p. 40-51.

[4] Ameziane, Bogard, Lamoril, p. 409-410.

[5] Buquet, p. 178; Coquoz, Comte, Hall, Hicks, Taroni, p. 40-41; Kaye, p. 679; Lavergne, p. 28.

T198 – a. La recherche et le prélèvement du matériel génétique

  • Dans le cadre criminel, le matériel biologique est prélevé en tant que trace indiciale, ergo indépendamment de la volonté de la personne concernée, ou en tant qu’échantillon provenant directement d’un individu.
i. Les traces indiciaires ou le prélèvement sur la scène de crime
  • La procédure de travail forensique se base sur la lapalissade qu’une trace n’est utilisable que si elle est trouvée.
  • La recherche de traces génétiques peut être réalisée au moyen de techniques optiques ou chimiques[1]. Dans tous les cas, le technicien se sert de matériels stériles à usage unique afin d’éviter au maximum les contaminations. Il prélève toutes les traces retrouvées sur la scène de crime, les photographies, les références, voire les mesures et les définit. Une fois le prélèvement effectué, le laboratoire conserve le matériel biologique au frais en réfrigération lente à +4° pour un court délai et en congélation à -20° pour une conservation de plus de trois jours sans quoi l’ADN se dégrade et la valeur probatoire diminue substantiellement[2].
  • Le succès du recours aux profils génétiques est intiment lié à la fréquence à laquelle chaque individu disperse du matériel biologique. Même s’il est exact d’affirmer que partout où nous passons, nous laissons des molécules d’ADN, il est incorrect de penser que tout dépôt peut servir à la comparaison en raison principalement de la mauvaise qualité du matériel biologique. En revanche, le manque de matériel ADN n’est plus une barrière. Si tant est qu’elle ne soit pas dégradée, une unique molécule est suffisante pour établir un profil d’ADN grâce à la méthode PCR[3].

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T196 – 4. Le prélèvement du matériel biologique

  • L’identification d’un auteur d’infraction serait impossible sans confrontation entre son profil d’ADN et celui obtenu à l’aide d’une trace découverte sur les lieux de l’infraction, sur un objet ou sur la victime.
  • Les possibilités diversifiées d’obtenir un profil d’ADN et la quantité infime de matériel biologique nécessaire ont largement contribué au développement dans les sciences forensiques de l’analyse ADN[1]. L’enthousiasme porté à cette méthode s’est accompagné d’une forte reconnaissance pratique, utile et probatoire de ce moyen identificatoire. Néanmoins, il ne faut pas omettre que la protection par la police de la scène de crime afin d’empêcher la destruction ou la contamination du matériel génétique indiciaire, la qualité de l’échantillon, du prélèvement ainsi que le déroulement de l’analyse déterminent la force démonstrative de cette méthode scientifique[2].
[1] Lezeau, p. 38; Thompson, p. 22.

[2] BSK-StPO-Fricker, Maeder, art. 255 ss N 3; Vuille, Thèse, p. 57 et 107.

T194 – 3. Les trois qualités fondamentales des traces ADN et du profil génétique

  • A l’aune des qualités fondamentales de l’empreinte papillaire, les informations génétiques nécessaires à l’établissement du profil ainsi que la molécule ADN sont pérennes, inaltérables et individuelles.
  • Il sied à nouveau de préciser que ces constats sont purement théoriques et ne doivent pas se confondre avec l’identification par l’analyse ADN qui, dès lors qu’il s’agit de mettre en relation une trace ADN avec un profil génétique contient quelques incertitudes dans l’individualisation, comme nous le verrons dans notre discussion de ce moyen de preuve[1].
a. La pérennité
  • Contrairement aux données médicales ou aux autres aspects morphologiques de l’individu – tels que les photographies –, les séquences ADN sont considérées comme stables[2]. Grâce à la division cellulaire, de notre conception à notre mort, le même enchaînement de nucléotide formant notre ADN est continuellement copié au sein des noyaux cellulaires[3].
  • Conséquemment, un accusé ayant fait l’objet d’un profilage ADN ne peut pas apporter la preuve de son innocence en alléguant devant la Cour que ses caractéristiques génétiques se sont modifiées.
  • Ainsi, la stabilité de la molécule génétique offre un argument essentiel pour reconnaître la valeur identificatoire de l’ADN.
b. L’inaltérabilité
  • Conservé dans un lieu sec, au froid et à l’abri de la lumière, l’échantillon d’ADN ne s’altère pas avec le temps[4]. Que l’échantillon date d’un jour ou de plusieurs milliers d’années, si les trois conditions de conservation sont garanties, la force probatoire du résultat identificatoire reste inchangée[5].
  • L’humidité, la chaleur ou la lumière, principalement les rayons ultraviolets, sont trois facteurs pouvant enclencher ou accélérer le processus de dégradation[6]. Bien que les caractéristiques génétiques ne soient pas modifiées, les trois causes de dégradations peuvent rendre difficile, voire impossible, l’analyse scientifique. Une dégradation partielle du matériel génétique fournit immanquablement un résultat partiel donc moins probant, dès lors que la longueur du fragment d’ADN est interdépendante avec les chances de succès identificatoire. La conséquence de la poursuite du processus de dégradation est d’autant plus problématique. En effet, dans une telle hypothèse, les séquences ADN ne donnent plus d’indications et l’identification devient impossible.
c. L’individualité
  • L’ordre dans lequel les nucléotides déterminant l’information génétique sont placés dépend étroitement de la filiation. Dans chaque noyau cellulaire humain, l’ADN est enveloppé dans 46 chromosomes définissant notre patrimoine génétique. Lors de la fécondation d’un ovule, les vingt-trois chromosomes du spermatozoïde et les vingt-trois chromosomes de l’ovule se réunissent dans l’ovule fécondé. Ainsi, l’ordre des 3 milliards de nucléotides de notre ADN est intimement lié au patrimoine génétique de notre mère et de notre père. Cependant, par le nombre de combinaisons possibles, il reste dépendant de l’un ou de l’autre membre de la même famille.
  • Considérons le chromosome 1 du père et le chromosome 1 de la mère, ils sont tous deux composés d’une paire héritée en partie de leur père et en partie de leur mère. Pour le chromosome 1, il existe donc deux sortes de spermatozoïdes et deux sortes d’ovules, ce qui fournit quatre possibilités d’enfants ayant une paire chromosomique différente. Cette réflexion peut se faire sur la totalité des chromosomes. Dès lors, au moment de la fécondation, il peut exister 8 millions de spermatozoïdes différents (2×2 soit quatre sortes possibles sur vingt-trois chromosomes, ce qui nous donne 223)[7]. Ce chiffre vaut de même pour le nombre d’ovules. De mêmes père et mère, il n’existe pas moins de 70’000 milliards d’ADN différents. Sachant que les nucléotides des parents proviennent de leur propre patrimoine héréditaire et que les bases peuvent s’enchaîner de diverses manières, le nombre de possibilité d’ADN différents tend vers l’infini. Il faut néanmoins relever que lors des analyses génétiques, ce n’est pas la totalité de l’ADN qui est analysée impliquant des statistiques d’individualité différentes.
  • A relever encore que certains loci présentent un haut taux de variation dans la population humaine tant par leur composition que par le nombre de répétitions de la séquence nucléotide. Ces loci sont donc très discriminatoires permettant de distinguer les individus entre eux et d’être utilisés comme moyen identificatoire[8]. A l’exception des jumeaux homozygotes, la probabilité d’avoir un profil d’ADN identique est de un sur plus d’un milliard et d’un sur cent mille en cas de lien de parenté. Il est donc quasiment improbable que deux individus aient la même attribution des gènes[9].
[1] Infra Partie II, Chapitre 2, II, C, n° 940 ss.

[2] Coquoz, Comte, Hall, Hicks, Taroni, p. 75 et 224; Malauzat, p. 81; Rohmer, Thèse, p. 67.

[3] OPECST, ADN, p. 10; Rohmer, Thèse, p. 50-51.

[4] BSK-StPO-Fricker, Maeder, art. 255 ss N 13; Buquet, p. 400; Coquoz, Comte, Hall, Hicks, Taroni, p. 224.

[5] Altendorfer, p. 33-34; Rohmer, Thèse, p. 49.

[6] Altendorfer, p. 33; Coquoz, Comte, Hall, Hicks, Taroni, p. 224; Huyghe, ADN, p. 26; Klumpe, p. 34; OPECST, ADN, p. 44. Infra Partie II, Chapitre 2, II, C, 1, b, ii, b) , n° 992-993.

[7] Coquoz, Comte, Hall, Hicks, Taroni, p. 27-28; Malauzat, p. 72-73.

[8] Huyghe, ADN, p. 31; Lavergne, p. 48; Viredaz, p. 316.

[9] Coquoz, Comte, Hall, Hicks, Taroni, p. 27-28; Coquoz, p. 167; Durupt, p. 76; Huyghe, ADN, p. 31; Lavergne, p. 48; Rohmer, Thèse, p. 48.

T193 – 2. Où trouve-t-on de l’ADN?

  • Grâce à la présence de l’ADN dans toutes les cellules eucaryotes de notre corps, des fragments de cette molécule se déposent et s’emportent au gré des mouvements d’un individu. La présente partie se borne à déterminer les traces traditionnelles ou fréquemment analysées par la police scientifique, dès lors que juridiquement le type de traces ne joue pas un rôle fondamental dans la détermination de la valeur probatoire.
  • La catégorie des liquides biologiques regroupe le sang, le sperme, la salive et l’urine[1]:
  • le sang est le liquide qui se prête le mieux aux analyses ADN grâce au nombre impressionnant de cellules se trouvant dans une infime goutte;
  • le sperme offre la possibilité de trouver de l’ADN tant grâce aux spermatozoïdes qu’aux autres cellules, telles que les leucocytes ou cellules épithéliales contenues dans le liquide séminal;
  • la salive est intéressante du point de vue de sa fréquence de détection sur tous les supports ayant eu un contact avec les lèvres, la langue ou tout objet ayant été porté à la bouche d’un individu;
  • quant à l’urine, il s’agit d’une source subsidiaire d’ADN qui peut tout de même fournir de bons résultats.
  • La catégorie des fragments organiques contient notamment les cheveux et poils, les fragments de peau, les cellules cutanées, les pellicules ou les dents et les os[2]:
  • exploités très tôt, les cheveux et les poils ont très vite déçu les criminologues dès lors que seuls ceux arrachés avec leur bulbe viable ont une réelle valeur;
  • les poils d’animaux domestiques sont également une source organique. L’analyse de l’ADN de l’animal concerné permet de regrouper un individu avec la scène de crime s’il dépose des poils de son animal sur les lieux ou au contraire s’il emporte des poils de l’animal du propriétaire du lieu chez qui l’auteur s’est introduit;
  • les cellules cutanées sont laissées sur tout objet entré en contact avec la peau de l’individu concerné, mais malgré la fréquence de ces traces, l’ADN s’y trouve en quantité infime et souvent dégradé. Toutefois, l’établissement d’un profil partiel, voire – dans le meilleur des cas – total n’est pas improbable;
  • les pellicules ont l’avantage de se prélever de manière aisée sur tout objet ou en tout lieu entourant une personne;
  • les os et les dents sont principalement analysés pour identifier un cadavre[3]. Leur résistance au temps et aux dégradations naturelles, voire aux forts dommages comme le feu, permet d’effectuer un test ADN même longtemps après le décès.
[1] A ce sujet: Altendorfer, p. 31; Buquet, Pascal, p. 32; Burr, p. 26; Coquoz, Comte, Hall, Hicks, Taroni, p. 202-203 et 210; de Valicourt de Séranvilliers, p. 119; Doutremepuich, p. 967; Doutremepuich, Doutremepuich, p. 18; Hausheer, p. 460; Huyghe, ADN, p. 24-25; Klumpe, p. 14-16; Ruckstuhl, Dittmann, Arnold, p. 545.

[2] A ce sujet: Altendorfer, p. 31; Bobay, Ruder, p. 28-29; Burr, p. 26; Coquoz, Comte, Hall, Hicks, Taroni, p. 207-210; ; de Valicourt de Séranvilliers, p. 119 ; Doutremepuich, p. 967; Doutremepuich, Doutremepuich, p. 18; Hausheer, p. 460; Huyghe, ADN, p. 25; Klumpe, p. 14-16; Menotti-Raymond, David, O'Brien, p. 774.

[3] Bobay, Ruder, p. 28-29.