T205 – b. La réglementation nationale applicable à l’identification par l’ADN

  • La mise en œuvre et l’utilisation de l’analyse génétique sont réglementées pour la première fois en droit suisse à travers la promulgation de la loi sur l’utilisation de profils d’ADN dans les procédures pénales et l’identification des personnes inconnues ou disparues. Une partie des analyses se réalisant dans le cadre d’une procédure pénale, les normes pertinentes ont été transposées dans le Code de procédure pénale suisse[1]. La Loi sur les profils d’ADN ne s’applique plus qu’en tant que norme supplétive.
  • Le processus identificatoire basé sur l’analyse ADN est une mesure de contrainte compte tenu des risques d’atteintes légères aux dispositions constitutionnelles, sous prétexte que seul des segments non codants sont analysés[2]. A l’image de l’art. 36 Cst, l’art. 197 al. 1 let. a, c et d CPP impose le respect de certaines conditions: l’édiction d’une loi, le respect de la subsidiarité et de la proportionnalité au sens large[3]. Au surplus, cette disposition ajoute la nécessité de soupçons suffisants pour limiter l’usage d’une mesure coercitive. En outre, le relevé des données d’identification génétique pouvant être utilisé comme preuve doit respecter les règles de procédures spécifiques (art. 255 ss CPP et la Loi sur les profils d’ADN).

i. Le prélèvement d’ADN
a) Le champ d’application matériel
  • Sous couvert du principe de proportionnalité, l’établissement systématique d’un profil génétique ne peut pas être ordonné sans porter atteinte illicitement à la liberté personnelle et ressembler à du fishing expedition[4].
  • A la lecture de l’art. 255 CPP, le champ d’application matériel est relativement large. Les études criminologiques démontrant que, préalablement à un acte délictuel grave, l’auteur commettait bien souvent des actes plus banals, le législateur s’est refusé à établir une liste exhaustive d’infractions pouvant rendre difficile l’identification des récidivistes[5]. Il s’est borné à exclure uniquement l’usage de l’analyse pour identifier l’auteur d’une contravention (art. 255 al. 1 a contrario CPP), voire d’un délit dans le cadre des enquêtes de grande envergure (art. 256 CPP) dès lors qu’aucune personne partageant certaines caractéristiques n’est soupçonnée plus qu’une autre[6].
  • En apparence claire, ces deux dispositions méritent d’être délimitées de manière précise. Le terme « élucidation » employé dans la base légale laisse entrevoir qu’un prélèvement et un traitement ADN n’est possible que dans l’hypothèse où l’auteur n’est pas connu et qu’en outre, seule l’élucidation du crime ou d’un délit à l’origine de la mesure de contrainte est concerné. Or, cette interprétation restrictive de l’art. 255 al. 1 CPP va à l’encontre de l’esprit de la loi et ne correspond pas au but ayant déterminé la création d’une base de données[7].
  • Par conséquent, aux fins des art. 255 ss CPP, de la loi sur les profils d’ADN, de la doctrine et de la pratique du Tribunal fédéral, l’élucidation d’une activité délictueuse dont l’auteur est inconnu, l’éventualité réelle d’une commission future d’une infraction, de forts soupçons ou la facilitation de la détection des récidivistes sont autant de circonstances légales autorisant le prélèvement ADN et son traitement subséquent si un tel moyen est nécessaire[8]. De même, le Tribunal fédéral a reconnu que le prélèvement d’ADN sur une personne reconnue comme l’auteur d’une infraction doit être envisagé lorsque l’élaboration d’un profil doit permettre d’identifier l’auteur de crime ou de délits, même encore non portés à la connaissance des autorités répressives, en conformité avec l’art. 1 al. 2 de la loi sur les profils d’ADN [9], ce qui semble aller au-delà du texte claire de l’art. 255 CPP précisant que l’analyse n’est possible que pour élucider un crime ou un délit[10]. Cet arrêt a été nuancé quant à l’objectivité de la récidive dont les risques doivent être concrets et à la gravité des infractions considérées[11]. En revanche, si l’infraction considérée peut être élucidée nonobstant la preuve génétique, le recours au prélèvement ADN ne respecte alors pas la subsidiarité et, par conséquent, est disproportionné.
  • A notre avis, le fait que le prélèvement ADN soit autorisé pour des crimes et délits anciens ou futurs d’une personne appréhendée crée une insécurité juridique et un risque d’abus manifeste. En effet, la prévention d’erreurs d’identification et/ou le rôle préventif risque d’être des arguments plaidant en faveur d’un prélèvement systématique ou presque. La nuance du Tribunal fédéral déclarant qu’il faut une certaine vraisemblance n’est pas suffisante pour éviter l’abus, puisque ce terme est largement sujet à interprétation[12]. A l’instar de Sandrine Rohmer, nous pensons qu’il serait préférable de retenir comme condition restrictive la nécessité de critères de récivide avérée d’une infraction d’une certaine gravité plutôt qu’une vraisemblance, sans quoi l’atteinte serait disproportionnée. Le Tribunal fédéral a d’ailleurs, récemment, retenu que le critère concret de récidive devait être analysé[13].
b) Le champ d’application personnel
  • Concernant le champ d’application personnel, la mesure de contrainte consistant à prélever du matériel génétique peut être entreprise sur le prévenu, un tiers ou une personne décédée (art. 255 al. 1 CPP), dans le cadre des enquêtes de grande envergure (art. 256 CPP) ou en vue de l’établissement d’un profil génétique des personnes condamnées (art. 257 CPP).
  • En premier lieu, au sens de l’art. 255 CPP, la mesure de contrainte concerne:
  • tout individu prévenu d’une infraction à la suite d’une dénonciation, d’une plainte ou d’un acte de procédure accompli par l’autorité pénale (art. 255 al. 1 let. a CPP). Il doit donc s’agir d’une personne physique (art. 111 CPP) – ce qui exclut les représentants d’une entreprise partie à la procédure (art. 112 CPP) ou les personnes appelées à donner des renseignements (art. 178 let. d à f CPP)[14] – sur laquelle pèsent des soupçons raisonnables laissant penser qu’elle est l’auteur d’un crime ou d’un délit, même anciens ou futurs qui n’ont pas encore été portés à la connaissance des autorités répressives[15];
  • un tiers (art. 255 al. 1 let. b CPP faisant exception au principe général de l’art. 251 al. 4 CPP) dans le strict respect de la nécessité, si le prélèvement s’avère utile pour différencier les traces indiciales suspectes de celles laissées par la victime (art. 116 CPP) ou les personnes habilitées à se trouver sur les lieux de l’infraction[16]:
  • ou une personne décédée. Dans l’hypothèse où le prélèvement est utile pour clarifier l’identité du défunt ou pour confirmer/infirmer la participation du défunt à un acte délictuel[17]. En revanche, l’identification d’un cadavre inconnu ou l’élucidation d’un décès extraordinaire n’entre pas dans le champ d’application de l’art. 255 al. 1 let. b CPP qui limite l’analyse au cadavre de la victime, mais de l’art. 255 al. 1 let. d CPP concernant le matériel biologique indiciaire pouvant servir comme moyen de preuve.
  • En second lieu, l’analyse ADN lors d’enquêtes de grande envergure a pour but de confondre l’auteur ou d’exclure la participation d’une personne grâce à l’élaboration de profils d’ADN de diverses personnes physiques qui présentent certaines caractéristiques similaires à l’auteur présumé – couleur de peau et langue, par exemple – ou qui sont en lien avec la commission de l’infraction. Aucun soupçon, au sens de l’art. 197 al. 1 let. b CPP, n’étant formellement émis contre une personne, mais se rapportant à un acte délictuel déterminé, la prudence est de rigueur dans la mise en œuvre de cette disposition pour limiter les risques d’atteintes à la présomption d’innocence ou d’investigation au faciès. Afin d’éviter les dérives, le prélèvement ne peut se concevoir que si des traces indiciaires suffisantes ont été relevées sur la scène d’un crime, qu’il est ordonné par le tribunal des mesures de contrainte – contrairement aux mesures de surveillance secrète, une simple autorisation (art. 272 CPP) n’est pas suffisante – et dans le strict respect du principe de proportionnalité, notamment en visant uniquement des personnes caractérisées[18].
  • En dernier lieu, le prélèvement et l’établissement d’un profil d’ADN peut concerner des personnes condamnées (art. 257 CPP). Les termes « personnes qui ont été condamnées » s’entendent largement, soit comme toute personne envers laquelle une sanction pénale a été ordonnée en vertu d’une décision ayant force de loi (art. 437 CPP) et contenant l’énoncé du prélèvement de l’échantillon ADN (art. 81 al. 4 let. e CPP)[19]. Ce type de prélèvement concerne:
  • les personnes condamnées pour la commission intentionnelle d’un crime à une peine privative de liberté de plus d’une année;
  • les personnes condamnées pour la commission intentionnelle d’un crime ou d’un délit contre la vie, l’intégrité physique ou l’intégrité sexuelle;
  • les personnes contre qui une mesure thérapeutique ou d’internement a été prononcée. Dans cette hypothèse, la notion de « personne condamnée » doit être comprise largement, puisqu’elle englobe les personnes acquittées pour cause d’irresponsabilité pénale qui sont internées ou font l’objet d’une mesure thérapeutique.
  • L’intégration des profils des personnes acquittées pour cause d’irresponsabilité faisant l’objet d’une mesure thérapeutique ou d’un internement, ainsi que des coupables est justifiée par la prévention des actes délictuels, soit la détection des récidivistes[20]. L’art. 257 ne doit cependant pas être compris comme une limitation de l’art. 255 CPP, dès lors que les conditions restrictives de prélèvement ne concernent que des personnes déjà condamnées. Dans la pratique, l’art. 257 CPP a perdu de son importance et est appelé à devenir désuet dans la mesure où le prélèvement est généralement effectué durant la procédure d’investigation (art. 255 CPP)[21].
  • A noter que l’art. 257 CPP a été instauré pour élaborer une base de données des délinquants particulièrement dangereux afin de faciliter la détection des récidives. En accord avec Thomas Hansjakob, Sandrine Rohmer et Niklaus Schmid, il nous semble vraisemblable que l’art. 257 let. c CPP concernant les personnes internées ou faisant l’objet de mesure thérapeutique ne devrait être mis en œuvre que dans l’hypothèse où un crime ou un délit contre la vie, l’intégrité physique ou l’intégrité sexuelle a été perpétré, ou si une peine de plus d’une année de privation de liberté aurait pu être prononcée, tel que cela prévaut pour les let. a et b[22]. En effet, le recours systématique à l’enregistrement du profil d’ADN de ce type d’individu viderait le but visé par l’art. 257 CPP. Le libellé de la disposition étant imprécis, le Tribunal fédéral tranchera probablement à partir de quand il est possible de prélever le matériel génétique des personnes condamnées.
c) La compétence
  • L’autorité compétente pour ordonner l’analyse ADN est déterminée en fonction de la phase procédurale durant laquelle le prélèvement est effectué et dépendamment du moyen utilisé.
  • La compétence d’ordonner le prélèvement invasif – effectué à l’aide d’une prise de sang ou de cheveux non-détachés du corps – appartient au ministère public ou aux tribunaux (art. 198 al. 1 let. a CPP) au vu de l’intensité de l’atteinte à la liberté personnelle[23]. En revanche, il doit toujours être exécuté par un médecin ou un auxiliaire médical (art. 258 CPP).
  • Le frottis de muqueuse jugale causant une atteinte faible aux droits fondamentaux, le recours à l’approbation d’une instance juridique n’est pas nécessaire[24]. Pour alléger la procédure et éviter des complications inutiles, notamment la convocation des personnes concernées par la mesure coercitive, les prélèvements corporels non-invasifs peuvent être ordonnés par la police (art. 255 al. 2 let. a CPP en application de l’art. 198 al. 1 let. c CPP). Le terme « ordonner » doit s’interpréter largement: la police non seulement autorise le prélèvement, mais elle l’effectue[25]. En outre, dès lors que « qui peut le plus peut le moins« , le ministère public, les tribunaux et la direction de la procédure du tribunal en cas d’urgence sont également compétents (art. 198 al. 1 let. b CPP). A noter qu’en revanche, l’analyse de l’échantillon même prélevé par la police ne peut être ordonnée que par le ministère public ou le tribunal[26].
  • Dans la mesure où il est ordonné hors perquisitions (art. 241 à 254 CPP), fouilles ou examens, et conformément à la mission de la police (art. 306 al. 2 let. a CPP), cette dernière est compétente pour ordonner l’établissement du profil génétique à partir de matériel indiciaire directement transmissible au laboratoire (art. 255 al. 2 let. b CPP)[27]. Dans les autres cas, le ministère public, les tribunaux et la direction de la procédure (art. 198 al. 1 CPP) ont la compétence d’ordonner le prélèvement. Cette exception au principe général de l’art. 182 CPP se justifie par la nature non-coercitive des traces biologiques puisqu’elles servent principalement à alimenter la base de données ADN sans être liée à un accusé[28].
  • Relevons que la police est compétente également pour ordonner le prélèvement et l’analyse subséquente d’un échantillon prélevé sur une personne décédée sans qu’il y ait mort suspecte. En revanche, s’il est utile de clarifier le déroulement de faits mortels, l’identité du défunt (art. 253 al. 1 CPP) ou de découvrir un lien entre lui et un acte criminel, la compétence revient au ministère public (307 al. 1 et 309 al. 1 let. b CPP)[29].
  • Au surplus, l’analyse d’échantillons prélevés lors d’enquêtes de grande envergure ou sur des condamnés est soumise à un régime particulier.
  • Dans le premier des cas, le prélèvement et l’analyse sont ordonnés par le tribunal des mesures de contrainte sur requête du ministère public (art. 256 CPP). La restriction à l’intégrité corporelle et au droit à l’autodétermination informationnelle touchant des personnes qui n’ont pas occasionné l’exécution de la mesure par leurs actes, mais uniquement par leurs caractéristiques spécifiques, ce régime particulier se justifie pour préserver au mieux la présomption d’innocence et le principe de proportionnalité[30].
  • Concernant les personnes condamnées, le tribunal ayant rendu le jugement est habilité à prononcer la mesure de contrainte (art. 257 CPP). Le tribunal de première instance ou la juridiction d’appel prononçant les condamnations, les internements ou les mesures thérapeutiques sont donc compétents, contrairement au tribunal des mesures de contrainte ne prononçant aucune peine ou mesure et, même si cela paraît contraire à l’art. 255 CPP, le ministère public. Ordonnée par jugement, l’analyse d’ADN ne peut être effectuée qu’une fois ce jugement devenu exécutoire[31].
d) L’exécution de la mesure
  • Le choix du mode de prélèvement dépend de la possibilité et de la suffisance d’effectuer un échantillonnage par frottis. Néanmoins, qu’il s’agisse d’employer l’une ou l’autre des mesures, la question de l’assentiment se pose (art. 119 al. 2 let. f Cst). Les mesures d’enquête et d’instruction poursuivant un but de sécurité publique, des exceptions sont instituées lorsque l’approbation n’est pas donnée.
  • Contrairement à ce qui prévaut pour les données signalétiques (art. 260 al. 4 CPP), le recours à la force ne fait pas l’objet d’un article particulier pour l’analyse ADN impliquant l’application du principe général (art. 200 CPP).
  • Sous couvert du respect du principe de proportionnalité au sens large et à défaut d’assentiment, le ministère public ou le tribunal est habilité à ordonner l’exécution de la mesure.
  • En pratique, le recours à la force pour le prélèvement d’ADN est admis qu’après opposition de la personne au prélèvement non-invasif. Dans le cas où la personne s’oppose au frottis de la muqueuse jugale, la police n’est pas en droit de la contraindre par la force à ouvrir la bouche et n’est pas habilitée à ordonner une prise de sang. Lorsque l’opposition d’obtempérer est manifeste, seul le recours à un moyen invasif ordonné par le ministère public ou les tribunaux reste possible[32].
ii. L’établissement d’un profil d’ADN et son intégration dans CODIS
  • L’établissement du profil d’ADN doit être ordonné, selon les cas, par le ministère public, les tribunaux ou la direction de la procédure du tribunal en cas d’urgence, voire dans une unique circonstance, celle des traces indiciales – par la police (art. 255 CPP, art. 259 CPP cum 8 al. 1 Loi sur les profils d’ADN et art. 2 Ordonnance sur les profils d’ADN)[33]. Une fois ordonné, l’un des six laboratoires accrédités par le Département fédéral de justice et police réceptionne l’échantillon anonymisé par un numéro d’identification (art. 259 CPP cum art. 8 al. 2-3 Loi sur les profils d’ADN) afin de l’analyser.
  • L’autorité chargée de l’enquête ne communique jamais l’identité du donneur, mais uniquement le numéro d’identification. Dans certaines circonstances, le matériel biologique à traiter peut être accompagné de données complémentaires impératives pour le travail des experts et l’évaluation de la valeur probante scientifique tout en respectant la protection des données. Le laboratoire est notamment en droit de connaître le lieu où le prélèvement de la trace a été effectué, le temps qu’il faisait, le nombre de personnes potentiellement impliquées, la race de la ou des personnes suspectées – certaines caractéristiques ayant une fréquence différente selon l’origine ethnique influant sur les données probabilistes –, ou encore, s’il existe un lien de parenté entre les suspects[34].
  • En parallèle à la transmission de l’échantillon au laboratoire, l’autorité d’enquête transmet au service AFIS ADN le numéro d’identification et l’identité du donneur pour intégrer provisoirement ces informations dans le fichier IPAS distinct de la base de données CODIS. Cependant, les profils des victimes, des personnes habilitées à se rendre sur les lieux de l’infraction, des personnes ne pouvant être l’auteur dans le cadre des enquêtes de grande envergure, lors d’un crime ou d’un délit ou en cas de non-lieu ne doivent jamais être saisies dans le CODIS (art. 11 al. 4 Loi sur les profils d’ADN).
  • Une fois le profil d’ADN établi, un résultat peut être fourni (art. 2 al. 1 Loi sur les profils d’ADN). Le laboratoire qui a effectué l’analyse transmet les résultats au service de coordination ADN qui soumet le nouveau profil à la base de données CODIS (art. 3 et 10 al. 2 Ordonnance sur les profils d’ADN).
  • La base de données des profils d’ADN gérée par le service ADN AFIS de la Fedpol (art. 8 Ordonnance sur les profils d’ADN) contient une collection organisée d’informations liées à des traces prélevées ou à des individus fichés. Ainsi, les autorités peuvent effectuer rapidement trois types de comparaison: entre des traces biologiques fichées et une trace retrouvée sur les lieux d’une infraction permettant de lier diverses affaires entre elles; entre une trace biologique inconnue découverte sur la scène de crime et le profil génétique d’un individu fiché permettant de vérifier si une personne fichée est l’auteur de la trace découverte; entre le profil d’ADN d’une personne connue et les traces biologiques fichées pour déterminer si l’individu suspecté n’est pas impliqué dans une autre procédure.
  • En cas de hit, le service AFIS ADN relie les profils génétiques aux données contenues dans IPAS, puis fournit le résultat à l’autorité requérante – autorité policière ou d’enquête – contenant le numéro de contrôle, le nom, le prénom et la date de naissance de la personne concernée (art. 10 al. 3 à 6 Ordonnance sur les profils d’ADN).
  • Sans cause ou demande de radiation subséquente et en cas de concordance, les profils enregistrés provisoirement dans CODIS sont conservés en respectant les délais légaux[35]. Dans l’hypothèse inverse, les profils d’ADN sont effacés.
iii. La conservation des données génétiques
a) La destruction des échantillons
  • L’échantillonnage prélevé est composé de l’ADN dans son intégralité, soit la partie non-codante et la partie codante. Cette dernière fournissant des indications sur l’état de santé et les caractéristiques personnelles d’un individu, un échantillon d’ADN est considéré comme une donnée personnelle, plus exactement une donnée sensible (art. 3 let. a et c LPD). C’est pourquoi la conservation des échantillons ne peut pas être illimitée dans le temps sans violer le principe de proportionnalité et cause une atteinte aux libertés personnelles[36].
  • Le Code de procédure pénale suisse ne prévoit aucun délai de conservation, contrairement à ce qui prévaut pour la conservation du dossier de procédure (art. 103 CPP), la conservation des données signalétiques (art. 261 CPP) et la réglementation générale sur le traitement des données (art. 95 ss CPP). Cependant, par renvoi de l’art. 259 CPP, la loi sur les profils d’ADN prévoit la destruction des échantillons sur demande de l’autorité qui a ordonné la mesure lorsqu’ils ne sont plus nécessaires à la procédure – si le profil d’ADN a déjà été établi (art. 9 let. a Loi sur les profils d’ADN); après trois mois, si l’autorité n’a pas prescrit d’analyse (art. 9 let. b Loi sur les profils d’ADN); ou si la personne en cause ne peut pas être l’auteur du crime ou du délit (art. 9 let. c Loi sur les profils d’ADN).
  • En outre, dès que le profil d’ADN remplit les exigences de qualité nécessaires à un traitement automatisé (art. 10 à 13 Loi sur les profils d’ADN), mais au plus tard trois mois après l’avoir réceptionné, le laboratoire est chargé de détruire l’échantillon (art. 9 al. 2 Loi sur les profils d’ADN).
  • Il ne fait aucun doute que la conservation des échantillons d’ADN serait apte à permettre de nouvelles analyses en cas de contestation ou lors de l’apparition d’une nouvelle technique d’examen[37]. Cependant, ce n’est pas la seule alternative. La possibilité d’effectuer un nouveau prélèvement abonde dans le sens d’une prédominance de l’intérêt de la personne concernée à voir ces données sensibles effacées comparativement à l’intérêt public de lutte contre la criminalité. Le respect du principe de nécessité et de proportionnalité justifie la destruction immédiate ou le délai relativement bref de trois mois instauré par la loi.
b) L’effacement des profils d’ADN
  • L’effacement des profils est réglementé par un régime distinct de celui des échantillons puisque l’échantillonnage et les profils ne sont pas similaires tant dans la nature que dans la quantité d’informations qu’ils contiennent. En effet, la Cour européenne des droits de l’homme a relevé qu’un profil d’ADN contenait moins d’informations relevant de la vie privée, notamment des données sensibles, qu’un échantillon[38]. C’est pourquoi un délai de conservation plus long est acceptable du point de vue du respect du principe de la proportionnalité.
  • Concernant les profils d’ADN des personnes, l’art. 16 Loi sur les profils d’ADN prévoit notamment une destruction: sitôt qu’il s’avère, au cours de la procédure, que la personne en cause ne peut être l’auteur du crime ou du délit (let. a); lorsque la personne en cause est décédée (let. b); lorsque la procédure en cause est close par un acquittement entré en force (let. c); un an après le non-lieu (let. d); cinq ans après l’expiration du délai d’épreuve en cas de sursis à l’exécution de la peine (let. e); cinq ans après le paiement d’une peine pécuniaire ou après la cessation d’un travail d’intérêt général (let. f); ou dix ans après la fin de l’interdiction d’exercer une activité, de l’interdiction de contact ou de l’interdiction géographique au sens des art. 67 et 67b CP (let. l).
  • Cependant, en vertu de l’alinéa 2, dans les cas visés aux let. c et d, si l’acquittement ou le non-lieu est prononcé pour cause d’irresponsabilité de l’auteur, le profil d’ADN n’est pas effacé.
  • Dans le cadre de la procédure pénale suisse, il faut s’intéresser de plus près aux cas visés par l’art. 16 al. 1 let. a et c Loi sur les profils d’ADN. Afin de respecter les exigences de la jurisprudence nationale et internationale[39], la destruction d’un profil d’ADN doit intervenir en tout cas dès que la personne en cause ne peut être l’auteur de l’infraction.
  • En cas d’acquittement ou de non-lieu, la destruction doit intervenir dès l’entrée en force de la décision d’acquittement et un an après celle du non-lieu. Cette disposition est claire. Néanmoins il faut relever que, dans le CPP, la notion de non-lieu est inexistante et seul subsiste le classement.
  • En cas de classement (art. 319 ss CPP) ou de décision de non-entrée en matière (art. 310 CPP), la base légale de la Loi sur les profils d’ADN ne fournit pas clairement de réponse. La Cour européenne a considéré que la conservation de profils d’ADN après un classement s’inscrivait en violation de l’art. 8 CEDH[40]. En droit suisse, le classement intervient généralement dans les hypothèses où, si l’affaire devait être jugée, l’acquittement serait prononcé (art. 319 let. a à d CPP). Le classement peut donc être assimilé à un acquittement (dans ce sens: art. 320 al. 4 CPP). Par conséquent, en cas de classement, la destruction du profil d’ADN doit intervenir immédiatement après l’entrée en force de la décision, comme l’art. 16 let. c Loi sur les profils d’ADN le prévoit explicitement pour l’acquittement.
  • Au surplus, en tout hypothèse, est néanmoins réservée l’application de l’alinéa 4. Les profils d’ADN qui ne sont pas effacés en vertu de l’art. 16 al. 1 Loi sur les profils d’ADN le sont d’office après trente ans. La réserve de l’alinéa 4 concerne uniquement les profils d’ADN lorsqu’un auteur purgeant une peine privative de liberté est interné ou se voit appliquer une mesure thérapeutique. L’effacement de son profil intervient alors vingt ans après la libération de la peine privative de liberté ou l’internement, ou encore après la fin de la mesure thérapeutique.
  • A noter que l’approbation de l’autorité judiciaire est demandée dans les cas où l’effacement du profil d’ADN entre dans les cas visés par l’art. 16 al. 1 let. e et f et al. 4 Loi sur les profils d’ADN. Il n’est pas exclu que l’effacement soit refusé si un soupçon existe quant à la commission d’un crime ou d’un délit non prescrit ou si un risque de récidive existe.
  • Quant au profil d’ADN établi à partir d’une trace indiciale, l’art. 18 Loi sur les profils d’ADN instaure l’effacement: à la demande de l’autorité qui a ordonné la mesure sitôt que les traces peuvent être attribuées à une personne dont il est exclu qu’elle soit l’auteur du crime ou du délit, ou d’office après trente ans, sauf en cas de crime imprescriptible.
[1] BSK-StPO-Fricker, Maeder, art. 255 ss N 1; CPP-Commentario-Bernasconi, art. 255-259 N 1; Jositsch, Strafprozessrechts, p. 136; Moreillon, Parein-Reymond, Intro art. 255 ss N 1; Schmid, Handbuch, p. 470-471.

[2] ATF 128 II 259, 269 = JdT 2003 I 411, 421.

[3] Supra Partie II, Chapitre 2, II, B, 1, a, n° 563-564.

[4] Message, ADN, p. 34.

[5] BSK-StPO-Fricker, Maeder, art. 255 N 6-6b et 7-7f; StPO-Hansjakob, art. 255 N 9.

[6] Charvet, n° 3-4 et 15; Message, CPP, p. 1224; Moreillon, Parein-Reymond, art. 256 N 3; StPO-Hansjakob, art. 256 N 3.

[7] Polizeiliche Ermittlung-Voser, p. 380; SJ 2012 I 440, Rohmer, forumpoenale, p. 346.

[8] ATF 120 Ia 147, 152 = JdT 1996 IV 61; ATF 128 II 259, 275-276 = JdT 2003 I 411, 426-427 = SJ 2002 I 531; CPP-Commentario-Bernasconi, art. 255 N 1; BSK-StPO-Fricker, Maeder, art. 255 N 6-6b; StPO-Hansjakob, art. 255 N 9-10; Message, ADN, p. 35-36; Schmid, Praxiskommentar, art. 255 N 1-2 et art. 257 N 1.

[9] ATF 141 IV 87; Donatsch, Schwarzenegger, Wohlers, p. 219; Jeanneret, Kühn, p. 284; Moreillon, Parein-Reymond, art. 255 N 5; Mullis, p. 308; Perrier Depeursinge, art. 255, p. 329; Rohmer, Forumpoenal, p. 346; SJ 2012 I 440, 440.

[10] Perrier Depeursinge, art. 255, p. 329; Rohmer, Forumpoenal, p. 347.

[11] TF 1B_111/2015 du 20 août 2015, c. 3.1.

[12] Rohmer, Forumpoenal, p. 348.

[13] TF 1B_111/2015 du 20 août 2015, c. 3.1.

[14] BSK-StPO-Fricker, Maeder, art. 255 N 11; CPP-Commentario-Bernasconi, art. 255 N 6; Schmid, Praxiskommentar, art. 255 N 8; StPO-Hansjakob, art. 255 N 12.

[15] Message, ADN, p. 35; Rohmer, Forumpoenal, p. 346; SJ 2012 I 440, 440.

[16] BSK-StPO-Fricker, Maeder, art. 255 N 12; Jeanneret, Kühn, p. 283; Polizeiliche Ermittlung-Voser, p. 383; Schmid, Handbuch, p. 472.

[17] Message, CPP, p. 1223.

[18] BSK-StPO-Fricker, Maeder, art. 256 N 3 ss; Charvet, n° 17 et 19;  Goldschmid, Maurer, Sollberger, Textausgabe-Lips-Amsler, p. 242; Riklin, Strafprozessordnung, art. 256 N 1; Rohmer, RPS, p. 101; Ruckstuhl, Dittmann, Arnold, p. 253; StPO-Hansjakob, art. 256 N 6.

[19] CPP-Commentario-Bernasconi, art. 257 N 4; Message, CPP, p. 1224; Ruckstuhl, Dittmann, Arnold, p. 251; Schmid, Praxiskommentar, art. 257 N 3; StPO-Hansjakob, art. 257 N 2-4.

[20] ATF 128 II 259,270-271 = JdT 2003 I 411; TF 2C_257/2011 du 25 octobre 2011, c. 6.7.4; Message, ADN, p. 36.

[21] BSK-StPO-Fricker, Maeder, art. 257 N 2-3; CR-CPP-Rohmer, art. 257 N 7; Message, ADN, p. 36; Polizeiliche Ermittlung-Voser, p. 385; Schmid, Handbuch, p. 487; Schmid, Praxiskommentar, art. 257 N 2; StPO-Hansjakob, art. 257 N 1.

[22] CR-CPP-Rohmer, art. 257 N 14; Schmid, Praxiskommentar, art. 257 N 7; StPO-Hansjakob, art. 257 N 4.

[23] CR-CPP-Rohmer, art. 255 N 25; Eicker, Huber, p. 174; Message, CPP, p. 1223; Riedo, Fiolka, Niggli, p. 306; Schmid, Praxiskommentar, art. 255 N 12.

[24] ATF 128 II 259, 269 = JdT 2003 I 411, 420 = SJ 2002 I 531, 532; ATF 134 III 241, 247 = JdT 2009 I 411, 416; TF 1B_685/2011 du 23 février 2012, c. 3.2; Goldschmid, Maurer, Sollberger, Textausgabe-Lips-Amsler, p. 241; Message, CPP, p. 1223; Perrier Depeursinge, art. 255, p. 329; Polizeiliche Ermittlung-Voser, p. 385; Schmid, Handbuch, p. 474; Schmid, Praxiskommentar, art. 255 N 12.

[25] CPP-Commentario-Bernasconi, art. 255 N 15; Moreillon, Parein-Reymond, art. 255 N 10; Mullis, p. 311; Pitteloud, p. 399; Riklin, Strafprozessordnung, art. 255 N 6.

[26] ATF 141 IV 87, 90-92 = JdT 2014 IV 280, 282-283; Moreillon, Parein-Reymond, art. 255 N 10; Mullis, p. 311.

[27] CR-CPP-Rohmer, art. 255 N 30; Schmid, Praxiskommentar, art. 255 N 14.

[28] Message, CPP, p. 1223; Schmid, Praxiskommentar, art. 255 N 15.

[29] CR-CPP-Rohmer, art. 257 N 29; Message, CPP, p. 1223; Schmid, Praxiskommentar, art. 255 N 10.

[30] Charvet, n° 32; Polizeiliche Ermittlung-Voser, p. 389; Schmid, Praxiskommentar, art. 256 N 1-2.

[31] Message, CPP, p. 36; Polizeiliche Ermittlung-Voser, p. 384-386; Schmid, Praxiskommentar, art. 257 N 3.

[32] Buquet, p. 185; CR-CPP-Rohmer, art. 259 N 7-8; Message, ADN, p. 37.

[33] Supra Partie II, Chapitre 2, II, B, 1, b, i, c), n° 874 ss.

[34] Message, ADN, p. 39.

[35] Infra Partie II, Chapitre 2, II, B, 1, b, v, b), iii, n° 893 ss.

[36] ATF 124 I 80, 81-82 = JdT 2000 IV 24, 25-26; ATF 128 II 259, 268-270 = JdT 2003 I 411, 419-421 = SJ 2002 I 531, 532; TF 1C_51/2009 du 26 février 2009, c. 3.1.

[37] Fiaux, p. 3; Roux, p. 188.

[38] CourEDH, Affaire S. et Marper c. Royaume-Uni, arrêt du 4 décembre 2008, § 70 ss.

[39] ATF 124 I 80, 84 = JdT 2000 IV 24, 27-28; TF 1C_51/2009 du 26 février 2009, c. 3.1; CourEDH, Affaire S. et Marper c. Royaume-Uni, arrêt du 4 décembre 2008, § 114 ss.

[40] CourEDH, Affaire T. c. Royaume-Uni, arrêt du 16 décembre 1999, 24724/94, § 75 et 85; CourEDH, Affaire S. et Marper c. Royaume-Uni, arrêt du 4 décembre 2008, § 125.

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