T191 – 1. Définition de l’ADN

  • L’être humain possède quarante-six chromosomes composés d’acide contenu dans le noyau des cellules. Sauf en cas d’hématie, toutes les cellules vivantes – hormis les globules rouges – comportent le même ADN et par conséquent sont génétiquement identiques[1].
  • L’ADN est une molécule filiforme composée d’une double chaîne, hélice ou brin. Chaque chaîne est formée de 3 milliards de maillons, les nucléotides constitués d’un groupement phosphate, d’un sucre et d’une base azotée. Quatre sortes de bases azotées existent: l’adénine (A), la cytosine (C), la guanine (G) et la thymine (T)[2]. En tant que molécule à deux brins, l’ADN s’illustre comme une échelle s’enroulant sur elle-même. Les échelons sont composés des nucléotides qui sont chimiquement complémentaires entre les deux chaînes: la base G est toujours face à une base C et le nucléotide A toujours face au nucléotide T[3]. L’ADN est comparable à un long texte porteur d’informations constitué de 3 milliards de lettres dont l’enchaînement des quatre bases correspond soit à un gène, soit à une région intergénétique[4]. 0,1% de l’enchainement des nucléotides varie considérablement entre les individus, ce qu’on nomme communément les polymorphismes.

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T190 – II. L’acide désoxyribonucléique

A. L’introduction

  • La notion allemande « genetische Fingerabdruck » – traduite littéralement « empreinte digitale génétique » – exprime clairement que l’analyse ADN est le prolongement de l’empreinte digitale, Fingerabdruck en allemand.
  • Outre les informations sur la santé, l’hérédité ou les caractéristiques génétiques d’une personne, une fois analysé l’ADN se transforme en profil génétique utilisable comme preuve identificatoire des auteurs d’actes délictuels.
  • Ainsi, l’ADN est un outil fascinant du point de vue scientifique, performant du point de vue policier et bénéfique pour la justice, mais n’est pas exempt de défaut[1]. L’expérience démontre que l’établissement d’un profil d’ADN et sa comparaison avec des traces biologiques fournissent des résultats rapides et accroissent la possibilité d’identifier le criminel auteur de l’infraction. C’est pourquoi, l’exploitation de cette méthode de contrainte par les services policiers et judiciaires est devenue quasi systématique.
[1] Coquoz, Comte, Hall, Hicks, Taroni, p. IX.

T188 – D. La synthèse des débats et conclusion

  • La conviction des juristes concernant la fiabilité et la valeur probatoire de la preuve dactyloscopique repose essentiellement sur des principes scientifiques qui requièrent des connaissances particulières. Alors que le juge est libre d’apprécier les preuves qui lui sont soumises, ses connaissances dans le domaine des empreintes papillaires ne lui permettent pas d’être seul décideur. Bien au contraire, aux dépends de certains principes procéduraux, telle que la libre appréciation des preuves, le juge s’en remet à la conclusion identificatoire de l’expert dactyloscope sans pouvoir ni comprendre le cheminement exacte du raisonnement, ni apprécier la valeur scientifique et juridique réelle de ce mode probatoire.
  • L’approche déterministe et l’absence d’un standard minimum renforcent la conviction du juge dans sa confiance en l’expert. Le résultat ne pouvant être que positif ou négatif, le magistrat décideur se trouve face à une preuve identificatoire d’évidence qu’il peine à discuter, puisqu’elle est univoque. Secondement, l’expérience du dactylotechnicien étant le noyau de l’analyse et de la comparaison dactyloscopique, il est naturel que le juge, se sachant inexpérimenté dans le domaine, ne discute ni l’avis de l’expert, ni les qualifications professionnelles du scientifique.
  • Nous reconnaissons que, d’un point de vue purement scientifique, l’absence d’un standard minimum renforce les possibilités identificatoires que nous offrent les dessins papillaires. En revanche, de la vision d’un juriste, ce manque de limites est déstabilisant.
  • La loi, qu’elle soit pénale, procédurale, civile, administrative, etc., cadre les comportements des personnes physiques, morales ou des autorités étatiques en déterminant clairement jusqu’où notre comportement est légal et à partir de quand il porte à conséquence, et ce en fixant des conditions. Les juristes apprécient l’objectivité imposée par les normes légales même si parfois ils doivent apprécier ou interpréter les circonstances de fait, car ces limites imposées rassurent et évitent l’insécurité juridique.
  • Actuellement, les magistrats ne sont pas formés en dactyloscopie. Ils ne sont donc pas à même de juger des risques et des avantages de ce moyen de preuve. En sus, lorsque l’autorité policière apporte la preuve identificatoire au procès, ils ne connaissent pas la valeur des minuties, leur fréquence et le nombre de points caractéristiques en commun. Ils n’ont aucun moyen de déterminer ou de prévoir sur quelles bases objectives se forment la valeur scientifique de la preuve. Il n’est donc pas exclu qu’une empreinte ayant six minuties particulières soient identifiées par deux experts, alors que deux autres l’auraient niée; il n’est pas non plus exclu qu’une empreinte indiciale soit identifiée lors d’un procès, mais qu’une empreinte reflétant les mêmes caractéristiques ne le soit pas lors d’une autre procédure. La mise en place d’un standard minimum n’éliminera pas les risques d’erreur, ni l’incompréhension possible du juge face à la conclusion identificatoire, mais permettra de les réduire. De plus, cette limite fixe un « garde-fou » indispensable lors de comparaison par des dactyloscopes inexpérimentés et s’insère dans une politique de qualité[1].
  • L’instauration de l’approche probabiliste semble également une nécessité pour apprécier à sa juste valeur la preuve dactyloscopique. Sans avis qualifié déterminant les facilités ou les difficultés rencontrées par le dactyloscope, voire les risques d’erreur possibles, aucun débat ne peut être engagé quant à la qualité et la fiabilité de la preuve, encore moins quant à sa valeur probante. L’objectivité de la preuve dactyloscopique implique le recours aux statistiques puisque l’empreinte indiciale a subi une perte d’informations et que l’identification dactyloscopique n’est autre que l’exclusion d’une certaine population. Ces deux arguments doivent être intégrés dans le processus de décision du tribunal[2]. Grâce à eux, ce moyen de preuve sera discuté, argumenté, apprécié et la valeur probatoire déterminée.
  • Pour parfaire l’appréciation de la preuve dactyloscopique, une formation adéquate des juristes tant sur la science dactyloscopique que sur les probabilités doit être proposée. L’évaluation du niveau d’individualité papillaire intègre la qualité et la quantité d’informations visibles sur l’empreinte indiciale. En outre, la perte d’informations liée au transfert entre la peau et la surface de dépôt, la technique de détection et l’expérience de l’expert jouent un rôle important dans le résultat identificatoire. La préférence pour l’une ou l’autre des méthodes de détection et de révélation de l’empreinte selon le type de surface peut influencer sur la clarté et la précision du dessin papillaire à analyser. En conséquence, le choix d’une technique de détection peu encline à fournir un bon résultat et/ou l’inexpérience du dactylotechnicien engendre une preuve dactyloscopique peu fiable et incertaine. C’est pourquoi, lors de l’appréciation de moyen identificatoire, le juge doit pouvoir discuter des risques d’erreur, des probabilités apportées au procès, des techniques scientifiques utilisées et se positionner sur la suffisance des capacités professionnelles de l’expert pour l’empreinte papillaire en question. Pour ce faire, la seule solution est d’initier les juristes à cette science et aux principes mathématiques ou techniques qui gravitent autour.
  • Actuellement, faute de pouvoir interpréter et en l’absence d’un standard minimum, la libre appréciation des preuves est partielle lors de l’exploitation d’une preuve dactyloscopique. La mise en œuvre de nos trois préconisations doit permettre de fournir une indication réelle sur la valeur probatoire de la preuve dactyloscopique, sans qu’il soit nécessaire de s’en remettre uniquement à la conclusion d’un expert. Ainsi, la décision finale appartiendra – comme le réclame la théorie – à la seule conviction de la Cour.
[1] Champod, Reconnaissance, p. 3.

[2] Champod, Reconnaissance, p. 265.

T177 – 3. L’utilisation du système AFIS et ses limites

a. Un outil efficace et précieux pour les dactyloscopes et la justice
  • Dans le domaine des empreintes papillaires, le système AFIS constitue la base de données regroupant les profils dermatoglyphes d’individus et les traces inconnues. La collection des fiches enregistrées sert ainsi à mettre en place un matériel de référence permettant l’évaluation des traces prélevées pour déterminer l’identité d’une personne.
  • Au sein de cette base, les algorithmes de recherches automatiques permettent de comparer une trace aux empreintes intégrées dans AFIS[1], et inversement, de comparer une empreinte connue par la base de données pour retrouver un potentiel lien avec une trace inconnue.
  • Le nombre d’identifications positives est intimement lié à la croissance constante des données enregistrées. Il est indiscutable que plus il existe de profils déca- ou monodactylaires, plus les chances d’obtenir un hit s’accroissent.
  • L’augmentation des profils ou des traces répertoriées offre également une base AFIS plus représentative des variabilités entre les différentes appositions des minuties.
  • L’intra- (même doigt) et l’intervariabilité – se définissant comme le résultat statistique au vu des différentes appositions des minuties – sont à la base de toutes approches probabilistes. Actuellement, l’approche déterministe en vigueur en Suisse ne s’appuie jamais sur le rapport de vraisemblance que peut offrir un système informatisé. Cependant, selon notre position, l’approche probabiliste est plus viable pour le juriste qui doit apprécier la preuve dactyloscopique. C’est pourquoi, il est important de souligner l’avantage de l’exploitation des scores issus du système AFIS. La collection de fiches et l’automatisation des bases de données offrent en effet la possibilité de déterminer le plus justement possible les fréquences et probabilité d’existence des points caractéristiques. Ainsi, la fréquence connue d’un type de minutie ou de la concordance avec d’autres points caractéristiques renforce la valeur identificatoire, ou au contraire, s’il n’existe que peu de minuties analysables et qu’elles sont fréquemment examinées dans cette configuration, la diminue.

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T174 – 2. Une nouvelle perspective: la nature probabiliste de l’identification

a. La démonstration relative de la réalité par l’approche déterministe
  • La critique portée à la nature déterministe, nous mène à considérer la nature probabiliste du processus d’identification papillaire.
  • Les résultats issus de l’analyse identificatoire se réalisant en aval de la commission de l’infraction et ne permettant pas d’observer directement les circonstances de l’acte délictuel, l’empreinte papillaire déposée n’est pas la fidèle représentante de la réalité et des faits.
  • Premièrement, les dessins papillaires déposés ne sont pas l’exacte image de l’empreinte du doigt.
  • Deuxièmement, la présence d’une empreinte ne signifie pas que l’individu auteur du dépôt est l’auteur de l’infraction, ce qui crée des imprécisions/incertitudes dans le résultat identificatoire en science forensique[1].
  • Bénéficiant d’un poids important en procédure pénale, il est essentiel que les conclusions dactyloscopiques reflètent l’état naturel des événements et de l’établissement des faits pour être les plus représentatives possible de la réalité. Cette démarche implique qu’un résultat faisant suite à une analyse d’une empreinte papillaire ne peut pas être apporté comme une identification formelle, mais une présomption.
  • Le processus d’identification n’est pas dichotomique, il s’agit plutôt de continuum de probabilités prenant en considération la perte d’informations liée au transfert.

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T163 – b. Les problématiques liées à l’exploitation et à l’administration de la preuve dactyloscopique

i. L’absence de standard minimum
  • Alors même qu’une analyse dactyloscopique ne repose pas sur un minimum de similitudes, les dactylotechniciens suisses n’ont pas le droit de fournir un avis qualifié pour éviter tout risque de confusion ou d’incompréhension dans l’esprit du juge. Ces deux pratiques sont contradictoires.
  • En réfutant l’avis qualifié par manque d’univocité et en acceptant que l’expert ne prouve pas numériquement les concordances, la certitude est donnée par l’univocité, mais n’est pas démontrable mathématiquement ou objectivement.
  • Pour garantir un niveau de qualité, d’infaillibilité et d’objectivité supplémentaire de la preuve dactyloscopique, il nous semble – en accord avec le Professeur Champod[1] – obligatoire de fixer un nombre de similitudes à mettre en évidence ou tout du moins d’instaurer un intervalle et de permettre l’annonce du résultat en terme probatoire, ce qui permettrait d’assurer un minimum de certitude.
  • Certes, l’absence d’un standard numérique est en partie avantageuse augmentant les possibilités d’individualisation[2], mais ce manque de limite cause également des complications, voire des désagréments.
  • Depuis 2007, pour obtenir un résultat identificatoire indiscuté, l’expert doit être suffisamment expérimenté[3]. Consécutivement, la formation des experts doit être importante et suffisante. La surestimation de l’expérience de l’homme de l’art, voire une formation lacunaire ou critiquable, peuvent influencer les conclusions identificatoires et créer un risque quant à leur valeur, sans qu’il soit possible de contrebalancer ou confirmer à l’aide de la correspondance numérique le résultat.

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T159 – C. La discussion sur la preuve dactyloscopique

  • Une enquête américaine[1] a conclu que 85% des 978 jurés auditionnés considèrent la preuve dactyloscopique comme la méthode la plus fiable d’identification.
  • L’acceptation dans le monde judiciaire suisse n’a pas fait l’objet d’une enquête précise, mais il paraît vraisemblable que les empreintes digitales ne sont pas sans influence au cours des procès.
  • Cependant, la fragilité de la science et de la pratique à la base de l’identification – le risque d’erreur, les inconvénients liés aux résultats identificatoires, l’usage d’un traitement automatisé ou l’atteinte aux droits fondamentaux – ne sont pas à négliger, tout comme les nombreux avantages de cette méthode identificatoire
[1] Becue, Champod, Egli, Moret, p. 4; Epstein Robert, Fingerprints meet Daubert: The Myth of Fingerprint "Science" is revealed, in California Law Review 75 (2002), p. 605-657, 605.

t159 – 1. L’évaluation de la preuve dactyloscopique dans l’ordre judiciaire suisse

a. Le potentiel de la preuve dactyloscopique
i. Une preuve hybride
  • La preuve dactyloscopique est incontestablement une preuve hybride. Elle se compose d’une empreinte digitale, soit d’une trace indiciale matérielle qui est détectée et constatée directement sur les lieux de l’infraction ou sur un objet s’y trouvant, ainsi que d’une inférence[1].
  • Conséquemment, le juge ne saisit pas directement la portée de l’indice en présence. Un raisonnement/une interprétation est nécessaire. Cet aspect subjectif peut rendre l’empreinte papillaire plus facilement contestable qu’une preuve purement matérielle, c’est pourquoi il est contrebalancé par l’objectivité de la science et de l’expert.
  • L’expert n’étant pas partie au procès et ne déclarant pas ce qu’il a vu ou entendu, mais uniquement ce qui résulte du processus identificatoire scientifique, ses conclusions sont plus fiables que celles d’un témoin; d’autant que le scientifique agit conformément à la déontologie en faisant honneur à sa profession et en agissant en toute impartialité[2]. En cas de doute quant à l’objectivité de l’expertise, il est toujours possible d’interroger le professionnel ou de recourir à une contre-expertise pour s’assurer de la bonne application des principes scientifiques.
  • Mi-subjectives, mi-objectives, les traces papillaires ont pour les criminalistes le pouvoir de faire avancer l’enquête. Sans cette science, bon nombre d’affaires criminelles n’auraient pas été résolues à défaut de connaître l’identité du potentiel coupable.
  • L’atout majeur de la preuve dactyloscopique est donc son caractère scientifique qui permet de prouver, d’argumenter ou de motiver les résultats identificatoires, extensivement d’accorder un certain poids aux dires de l’expert. La dactyloscopie procure une certitude d’ordre physique[3] préférable aux présomptions morales qui peuvent entacher les preuves testimoniales.

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T152 – 2. L’identification judiciaire et la preuve dactyloscopique

  • Depuis plusieurs décennies[1], les empreintes digitales sont des indices matériels importants dans le procès pénal. Leur fréquence d’exploitation judiciaire équivaut à celle de toutes les autres techniques de police scientifique réunies[2].
  • Permettant diverses comparaisons, extensivement l’élucidation de faits importants aux affaires pénales, l’apport des empreintes digitales ou palmaires en Suisse n’est plus à prouver. Une comparaison entre une empreinte déposée sur les lieux de l’infraction ou sur un objet lié à celle-ci avec une empreinte fichée et/ou connue permet d’apporter devant la Cour un élément de preuve – plus ou moins infaillible – de l’identité de l’auteur.
  • Du fait de son objectivité et de sa valeur scientifique, la preuve dactyloscopique est largement appréciée, mais l’identification d’un individu dans le procès pénal reste une décision judiciaire dont le fardeau revient à la Cour et non au criminaliste. Il est essentiel que le juge puisse appréhender correctement le résultat identificatoire rendu par l’expert, déterminer ce qu’il démontre objectivement et quelle en est la force probante.

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T142 – B. Les notions juridiques

  • Lorsque les autorités soupçonnent qu’une infraction a été commise (art. 197 et 260 al. 1 CPP), elles peuvent prélever des traces ou des données signalétiques dans le but d’établir les faits de l’acte délictuel et d’identifier l’auteur[1].
  • Pour encadrer le travail de l’autorité judiciaire et de la police ainsi que pour respecter les prérogatives liées à l’administration des preuves et à la restriction des droits fondamentaux, la Suisse a légiféré sur les mesures d’investigation, notamment sur la prise d’empreintes papillaires, l’analyse des données, la transmission et la conservation des informations.

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