T023 – 3. Les moyens de télécommunication

a. La découverte de la téléphonie et son évolution
  • Le mot télécommunication est employé pour la première fois en 1904 par Edouard Estaunié dans son Traité pratique de télécommunication électrique[1]. Ce terme définit « toute transmission, émission et réception à distance, de signes, de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de renseignements de toutes natures, par fil électrique, radioélectricité, optique ou autres systèmes électromagnétiques »[2]. Autrement énoncé, la télécommunication est un échange d’informations véhiculées par un support. Elle a un rôle unificateur en permettant à la communauté mondiale de se joindre à tout moment et en tout lieu.
  • Depuis l’invention du télégraphe de Chappe, puis du télégraphe électrique[3], la communication électronique a vécu un essor considérable: création du téléphone fixe (), développement de la téléphonie mobile (ii.) et création de la téléphonie VoIP (iii.).
i. La découverte de la téléphonie fixe
  • La transmission de la parole était un souhait inné de l’homme. Avec la découverte au XIXe siècle des phénomènes et des lois de l’électromagnétisme, la possibilité de transmettre et de reproduire la voix à distance se concrétise[4].
  • Alexander Graham Bell réalise et présente le 14 février 1876 le premier téléphone permettant de transmettre la parole à l’aide d’une ligne électrique de trois kilomètres[5]. Un an plus tard, le premier central téléphonique est inauguré dans le Connecticut permettant de desservir vingt-et-un abonnés[6]. Malgré les premiers engouements, les réseaux téléphoniques se créent, mais demandent du temps pour être fonctionnels. En outre, le délai d’attente, la connexion hasardeuse et l’indiscrétion possible sont autant de désavantages n’incitant pas les personnes à utiliser ce mode de communication.
  • Ce n’est qu’au début du XXe siècle que l’évolution et l’intégration de la téléphonie fixe s’accélère. En 1920, le Gouvernement suisse crée les PTT – Postes, Téléphones et Télégraphes – pour diriger le réseau téléphonique. Après deux années, l’entreprise met en œuvre à Zurich-Hottingen le premier réseau régional semi-automatique. Puis, en 1936, les PTT installent le premier poste téléphonique public permettant aux non-abonnés de communiquer. En 1948, un demi-million de suisses possèdent un téléphone, et, en 1956, il devient possible de joindre l’Amérique du Nord[7].
  • La croissance du téléphone en Suisse est l’une des plus exponentielles au monde[8]. La Confédération devient même en 1959, la première à se doter d’un réseau téléphonique entièrement automatisé. Puis, en 1988, avec plus de 3 millions d’abonnés, la Suisse s’empare de l’ère du numérique avec la technologie ISDN. Le téléphone se transforme en ligne à grande vitesse pour le son, le texte et les images[9].
  • Avec un taux de pénétration de 61,15 pour cent habitants suisses, la téléphonie fixe a connu son point culminant en 1995[10]. De 1996 à 2013, une perte d’environ 18% d’abonnés est recensée, s’expliquant par l’avènement de la téléphonie mobile[11].

ii. La téléphonie mobile
  • Dès les années 90, grâce au standard GSM – Global System for Mobile communication – la technologie mobile se diffuse avec la mise en service du réseau Natel D réseau de téléphonie mobile numérique et cellulaire, la miniaturisation des appareils et la diminution de leur coût d’achat[12]. N’étant plus réservé à l’usage professionnel ou à l’élite sociale, le téléphone portable supplée dans bon nombre de pays industrialisés le téléphone fixe.
  • Moins de dix années ont suffi pour que le nombre d’utilisateurs soit quintuplé dans le monde, passant de 1,30 milliard d’abonnés en 1997 à 6,954 milliards d’utilisateurs fin 2014[13]. Le taux de pénétration mondial de la téléphonie mobile s’élève en fin 2014 à 96.1%. Dans un pays industrialisé comme la Suisse, l’émergence du réseau mobile est notablement plus significative. De 1990 à 1999, le marché de la téléphonie mobile a évolué de manière exponentielle[14], il s’est stabilisé de 2000 à 2004 et son taux se rehausse à nouveau depuis 2005. Avec plus de 10 millions d’abonnements répertoriés en Suisse durant l’année 2013, on dénombre environ 127 abonnements à la téléphonie mobile pour cent habitants[15]. Chaque Suisse a donc – au moins – un téléphone portable.
  • Parallèlement à la création du standard GSM, le protocole Short Message System plus connu sous le sigle SMS fait son apparition. A partir de 2002, la version améliorée du SMS nommée MMS – Multimedia Messaging Service – permet de transmettre des messages plus longs accompagnés d’images ou de vidéos.
  • En 2013, avec 6’100 milliards de SMS/MMS envoyés dans le monde[16] dont 4,284 milliards depuis la Suisse[17], les SMS/MMS sont devenus un mode et un marché de communication à part entière, même si, suite à l’émergence des applications employant la technologie 3 ou 4G et internet, l’envoi de SMS/MMS est en nette diminution, deux milliards de moins en Suisse depuis 2011.

 

iii. La téléphonie IP
  • Désirant exploiter les possibilités liées aux moyens informatiques et électroniques, le développement de la communication vocale par réseaux débute en 1996 avec le Netmeeting de l’UIT. N’offrant pas la plupart des fonctions de la téléphonie traditionnelle et coûtant vingt-cinq fois plus cher qu’un poste classique, les premiers systèmes VoIP subissent un échec d’intégration.
  • L’arrivée de l’ADSL, l’augmentation de la rapidité des ordinateurs, la gratuité des systèmes de téléphonie VoIP et le lancement commercial de Skype en 2003 modifient l’utilisation des moyens de télécommunication. Les innovations successives, notamment des fonctionnalités Skype – communication entre deux PC équipés de produit Skype, introduction de la fonction conférence, puis introduction d’un module payant pour appeler un numéro fixe ou être appelé – ont donné l’impulsion nécessaire à la commercialisation grand public de la téléphonie VoIP[18].
  • En deux ans de 2009 à 2013, le nombre d’abonnés VoIP est passé de 93 millions à plus de 300 millions[19], soit une tendance haussière de 322% en quatre ans.

 

b. La téléphonie au service de la justice
  • Avec l’évolution dans le secteur des télécommunications, la surveillance des correspondances – qui à l’origine englobait uniquement le courrier écrit – s’étend à la téléphonie. La surveillance téléphonique s’intègre alors dans un processus de protection de la sécurité publique[20].
  • En Suisse, sur 3’357 mesures de surveillances directes et 6’345 mesures de surveillance rétroactive[21] dont approximativement la moitié concerne la poursuite pour infractions graves à la loi sur les stupéfiants[22]. Par ailleurs, depuis 1998, la surveillance rétroactive a plus que doublé sur notre territoire.
  • Cet essor s’explique par la complexité de réseaux d’organisations criminelles, tels que les trafics de drogue, qui se développent considérablement depuis quelques années. Pour intercepter et court-circuiter les délinquants, les autorités pénales recourent à la surveillance des télécommunications. En effet, cette méthode d’échange est largement employée entre les divers trafiquants faisant parties de bandes organisées. Dès lors, la surveillance permet d’identifier les membres du réseau et de les confondre.
  • A noter qu’actuellement, les conversations VoIP sont épargnées par la surveillance des télécommunications, mais le répit est de courte durée un projet de modification du Code de procédure pénale étant en phase de consultation[23].
[1] Estaunié Edouard, Traité pratique de télécommunication électrique (télégraphie-téléphonie), Paris 1904.

[2] Définition provenant de l'Annexe 2 de la Convention internationale des télécommunications du 6 novembre 1982 (entrée en vigueur en Suisse, le 1er avril 1985), RS 0.784.16.

[3] Montagné, p. 125 ss; UIT, p. 3.

[4] Encyclopédie Universalis, Télécommunication, 6ème éd., Paris 2008, Tome 23; Montagné, p. 212-213.

[5] Bardin, p. 98; Montagné, p. 215-216; UIT, p. 5.

[6] UIT, p. 5.

[7] Danesi Marco, L’appel de l’histoire, in Domaine Public  n° 1671 (2005); Informations disponibles sur le site internet de Swisscom: http://www.swisscom.com [consulté le 10.10.2009].

[8] Bovet, p. 692 et 706.

[9] Bardin, p. 98; Montagné, p. 215-216; UIT, p. 5.

[10] OFCOM, Statistique officielle des télécommunications 2011 – Résultat provisoire, Bienne 2012, p. 11; OFS, Annuaire statistique de la Suisse 2012, Zurich 2012, p. 387.

[11] Informations disponibles sur le site de l'OFCOM: http://www.bakom.admin.ch [consulté le 08.05.2016].

[12] Informations disponibles sur le site internet de Swisscom: http://www.swisscom.com [consulté le 10.10.2009].

[13] Informations disponibles sur le site de l'UIT: http://www.itu.int [consulté le 08.05.2016].

[14] Bovet, p. 706.

[15] Informations disponibles sur le site de l'OFCOM: http://www.bakom.admin.ch [consulté le 08.05.2016].

[16] Chiffre disponible sur le site internet de Portio Research Ltd: http://www.portioresearch.com [consulté le 08.05.2016].

[17] Informations disponibles sur le site de l'OFCOM: http://www.bakom.admin.ch [consulté le 08.05.2016].

[18] Informations disponibles sur le site internet de Skype: http://www.skype.com [consulté le 08.05.2016].

[19] IDATE, DigiWorld Yearbook 2013, Montpellier 2013, p. 80.

[20] Baeriswyl, Datenschutzrecht, p. 460; Bondallaz, protection des personnes, p. 522 ss; Georgel, p. 63.

[21] Infra Partie II, Chapitre 3, I, A, 1, b, n° 1109.

[22] Chiffres et informations disponibles sur le site internet du DFJP: http://www.ejpd.admin.ch [consulté le 08.05.2016].

[23] Infra Partie II, Chapitre 3, I, A, 4, c, I, n° 1328 ss.

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