T016 1. La dactyloscopie

a. La découverte des empreintes papillaires
  • L’étude scientifique des empreintes digitales appelée la dactyloscopie débute avec les travaux de Nehemiah Grew – en 1684 – et Marcello Malpighi – en 1686 – qui s’intéressent à l’anatomie de la main, des doigts et des extrémités digitales[1].
  • En 1823, le physiologiste tchèque Jan Evangelista Purkinje publie une thèse sur la variation des dessins papillaires[2]. Il les classifie en neuf types d’empreintes sans entrevoir la possibilité de les utiliser comme moyen identificatoire. Cette classification fait partie du continuum des dessins papillaires permettant de trier les fiches dactyloscopiques dans les bases de données[3].

b. La dactyloscopie comme moyen d’identification
  • La découverte d’un moyen pérenne propre à caractériser avec exactitude un être humain est une problématique récurrente pour la justice pénale désireuse de confondre les coupables. C’est pourquoi de nombreux scientifiques ont recherché un moyen permettant d’identifier les individus.
  • Alphonse Bertillon – fondateur de la police scientifique française en 1870 – propose l’anthropométrie comme fondement de l’identification. Le Bertillonnage recourt à un ensemble de mesures osseuses et de longueurs – taille, mesures de la tête, longueur du médius gauche ou de la coudée, etc. – pour caractériser une personne[4]. En 1880, les empreintes digitales sont intégrées au Bertillonnage comme classificateur subsidiaire et, en 1882, comme caractéristique principale[5].
  • A la même époque, le médecin écossais Henry Faulds suggère d’utiliser les dessins digitaux comme moyen d’identification en confrontant une empreinte retrouvée sur les lieux d’une infraction avec une empreinte d’origine connue[6]. Celle-ci est collectée à l’aide d’encre d’imprimerie puis classifiée, celle-là se révèle par diverses poudres qui dessinent les crêtes dermatoglyphes. La méthode de Faulds permet d’identifier aussi bien les récidivistes que les auteurs d’un premier délit.
  • Le britannique William Herschel, fonctionnaire du Civil Service anglo-indien, renforce la théorie d’Henry Faulds en démontrant la pérennité du dessin papillaire à l’aide de ses propres empreintes encrées restées inchangées entre 1860 et 1888[7].
  • Reprenant les travaux d’Henry Faulds et de William Herschel, Francis Galton développe un système de classification rendant les recherches d’identité aisées et affirme les trois prémisses fondamentales de la dactyloscopie à savoir: la pérennité, l’inaltérabilité et l’individualité des dessins papillaires[8]. Corrélativement au système de Jan Evangelista Purkinje, le continuum pour le classement dactyloscopique se base sur les travaux de Francis Galton[9].
  • La découverte de Francis Galton accélère l’intégration et l’utilisation des empreintes digitales par les autorités pénales. En 1892, pour la première fois, un crime est résolu à l’aide d’empreintes contenues dans un fichier. En 1901, en collaboration avec Scotland Yard et sous la direction d’Edward Henry, Francis Galton crée le premier fichier dactyloscopique décadactylaire[10]. En 1902, suite à l’arrestation de Henri-Léon Scheffer, les empreintes digitales deviennent l’une des principales preuves lors des enquêtes policières[11]. En 1914, la dactyloscopie s’impose dans toute l’Europe comme unique méthode d’identification[12].
  • Depuis le début du XXe siècle, les recherches sur la dactyloscopie s’exercent principalement sur le nombre d’empreintes collectées, sur le mode de prélèvement, sur leur conservation et sur l’amélioration des classifications. Aujourd’hui, les empreintes sont photographiées, numérisées et traitées par ordinateur. Des programmes spécifiques les comparent, identifient les similitudes et les différences, puis indiquent une liste d’empreintes pouvant correspondre.
  • Depuis 1984, la Suisse emploie le système automatique d’identification des empreintes digitales AFIS – Automated Fingerprint Identification System – qui permet d’effectuer en quelques minutes une comparaison entre des traces trouvées sur le lieu d’un crime et celles présentes dans le fichier. Grâce à ce système automatisé, il devient possible d’enregistrer directement dans l’ordinateur des empreintes papillaires de manière numérique.

 

c. Quelques chiffres démontrant l’importance des empreintes papillaires et du fichier AFIS en Suisse
  • Au 31 décembre 2014, la base de données AFIS contient 842’271 dessins papillaires des dix doigts – alors qu’elle en comptait environ 350’000 de moins en 1998 et 767’415 en 2011 – ainsi que 89’908 traces et 33’103 empreintes de deux doigts[13].
  • Ces trois dernières années, une tendance stabilisatrice se dessine quant au nombre de hit – avec toutefois un pique de 10’000 identifications supplémentaires en 2012 avec la méthode des deux doigts – et au nombre d’empreintes récoltées par année. En moyenne, depuis ces cinq dernière années, alors que seulement 36’000 nouveaux profils sont intégrés annuellement, ce n’est pas moins de 52’800 identifications de personnes grâce à la méthode des deux doigts, 22’500 identifications de personnes grâce à la méthode des dix doigts et 2’850 identifications de traces qui sont réalisées[14]. Quotidiennement, cela correspond à l’identification de 214 suspects environ.
  • En une centaine d’années, les recherches sur la dactyloscopie, le développement des modes de collecte et de conservation des dessins digitaux, la croissance des données contenues dans les fichiers dactyloscopiques et les possibilités de hit ont permis aux empreintes papillaires de s’imposer comme méthode d’identification.

 

 

[1] Encyclopédie Universalis, Police scientifique, 6ème éd., Paris 2008, Tome 19; de Veltere, p. 129.

[2] Encyclopédie Universalis, Police scientifique, 6ème éd., Paris 2008, Tome 19; de Veltere, p. 129.

[3] Infra Partie II, Chapitre 2, I, A, 2, c, i, n° 543 ss.

[4] Bertillon, p. 13; Encyclopédie Universalis, Police scientifique, 6ème éd., Paris 2008, Tome 19.

[5] Bertillon, p. 17-26; Champod, Reconnaissance, p. 5.

[6] Faulds, On the Skin-furrows of the Hand.

[7] Herschel, Skin Furrows of the Hand.

[8] Galton, p. 10-16 et p. 60-107.

[9] Infra Partie II, Chapitre 2, I, A, 2, c, i, n° 543.

[10] Champod, Reconnaissance, p. 7; Kôzô, p. 66.

[11] Berlière Jean-Marc, L’affaire Scheffer: une victoire de la science contre le crime ? , in Criminocorpus, Paris 2007, disponible sur : http://www.criminocorpus.cnrs.fr [consulté le 08.05.2016].

[12] Champod, Reconnaissance, p. 7; de Veltere, p. 130.

[13] Chiffres fournis par les services AFIS ADN de l’Office fédéral de la police (Fedpol).

[14] Chiffres fournis par les services AFIS ADN de l’Office fédéral de la police (Fedpol).

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